Sunday, November 10, 2019

Madame de Motteville's descriptions of Kristina and account of her/his/their visit to Paris

The full account from Madame de Motteville's memoirs of Kristina's 1656 visit to Paris. I have also given one of the anecdotes of Kristina's antics at a comedy in a separate, earlier post.

Source:

Mémoires de madame de Motteville, Volume 39


The description:

Nous vîmes alors arriver à Compiègne la reine de Suède, dont on avoit ouï conter des choses extraordinaires. Cette princesse, qui avoit quitté son royaume, sembloit l'avoir fait par un généreux dédain de la couronne, et pour ne pas forcer son inclination en faveur de son plus proche parent, que ses sujets avoient souhaité qu'elle épousât. Elle avoit embrassé notre religion, et avoit renoncé à l'hérésie entre les mains du Pape. Quelques-uns estimoient infiniment cette action, et croyoient que cette princesse, en quittant la couronne de Suède, méritoit celle du monde entier. D'autres l'avoient accusée d'avoir quitté son royaume par force ou par légèreté; et d'avoir aimé tendrement en Suède et en Flandre un Espagnol nommé Pimentel, qui avoit été dans sa cour de la part du Roi son maître. On l'avoit beaucoup louée et infiniment blâmée. Elle passoit pour une personne illustre: les plumes des plus fameux auteurs, tant sur la louange que sur la satire, n'étoient employées qu'à parler de ses vertus héroïques ou bien de ses défauts. En quittant la Suède, elle avoit été en Flandre, puis à Rome. Ensuite de ses voyages, elle vouloit voir la France aussi bien que l'Italie; et cette grande réputation qu'elle avoit acquise fit que la Reine fut assez aise de la voir. Le roi de Suède, à qui cette reine du Nord avoit laissé son royaume, étoit un prince belliqueux: il se faisoit craindre et considérer. Il avoit demandé au cardinal que cette princesse fût bien traitée en France: et le ministre, par ses propres sentimens, l'estimoit. Elle y fut reçue de la même manière que le fut autrefois Charles-Quint, quand il passa par la France pour aller en Flandre. Le Roi lui envoya le duc de Guise pour la recevoir à son entrée sur ses Etats, et pour la complimenter. La Reine lui envoya Comminges, son capitaine des gardes, pour la même chose.

...

Cette reine connoissoit si parfaitement toute la cour, qu'en voyant Comminges elle lui demanda des nouvelles du bonhomme Guitaut son oncle, et si elle ne le verroit point en colère; car il étoit sujet à cette passion, et s'en servoit habilement: elle lui avoit aidé à faire sa fortune, et la Reine de tout temps avoit pris plaisir à le voir en cet état. La reine de Suède n'ignoroit donc rien de toutes les grandes choses et de toutes les petites. Elle dit, en quelque occasion, qu'elle savoit qu'on avoit dit d'elle beaucoup de bien et de mal, et qu'on connoîtroit, en la voyant, qu'il ny avoit ni l'un ni l'autre. Elle ne disoit pas la vérité; car en effet on y trouva un mélange de beaucoup de grandes vertus et de grande défauts. Elle fit son entrée à Paris le 8 septembre, après avoir été régalée à Essone, par Hesselin, d'un ballet, d'un feu d'artifice, d'une comédie, et de quantité de dames qui la furent voir en ce lieu. Les bourgeois de Paris en armes, et avec de beaux habits, la furent recevoir en bon ordre hors les portes de la ville, et bordèrent son chemin dans toutes les rues, depuis Conflans où elle avoit couché, jusqu'au Louvre où elle devoit loger. Leur nombre fut infini, aussi bien que des dames et des personnes de qualité qui, aux fenêtres et aux balcons, la voulurent voir passer, et la foule fut grande dans les rues. Elle tarda à traverser la ville, depuis deux heures jusqu'au neuf heures du soir qu'elle arriva au Louvre. Elle fut logée à l'appartement du Roi, où étoit la belle tapisserie de Scipion, et un lit de satin blanc en broderie d'or que le feu cardinal de Richelieu eu mourant laissa au feu Roi. En arrivant, elle demanda à boire. Le prince de Conti, qui l'étoit allée visiter et recevoir, lui donna la serviette, qu'elle prit après quelques complimens répétés. Comminges nous dit que le duc d'Epernon, alors gouverneur de Bourgogne, l'avoit magnifiquément reçue; et quoiqu'elle affectât de ne rien admirer, elle trouva néanmoins que la France étoit belle, riche et bien remplie de peuples. Elle voulut qu'on crût que Rome l'emportoit dans son inclination et son estime sur Paris, et disoit que l'Italie avoit de grands charmes: mais, à ce qu'il parut depuis, les plaisirs de Paris ne lui déplurent pas, et je pense qu'elle auroit volontiers quitté tout autre pays pour le nôtre, si elle avoit pu y demeurer.

À ce premier abord, elle parut aimable à tous les honnêtes gens. Son habit, si extravagant à l'entendre décrire, ne l'étoit point trop à la voir, ou du moins on s'y accoutumoit facilement: Son visage parut assez beau, et chacun admira la vivacité de son esprit, et les choses particulières qu'elle savoit de la France. Elle connoissoit non-seulement les maisons et les armes, mais elle savoit les intrigues et les galanteries, et n'ignoroit pas même les noms de ceux qui aimoient la peinture ou la musique. Elle dit au marquis de Sourdis les tableaux de prix qu'il avoit dans son cabinet, et savoit que le duc de Liancourt en avoit de fort beaux; jusque-là même qu'elle apprenoit aux Français ce qu'ils ne savoient pas de leur patrie. Elle disputa contre quelques-uns qu'il y avoit dans la Sainte-Chapelle une agate de grand prix, qu'elle voulut voir, et qui enfin se trouva à Saint-Denis. Elle parut civile, particulièrement aux hommes, mais brusque et emportée sans donner aucun sujet affectif de croire les mauvais contes qu'on avoit faits d'elle. Ils s'étoient répandus dans toute l'Europe à son désavantage, et l'avoient fait passer dans l'opinion de tous les sages pour une personne qui ne l'étoit guère.

Notre amazone suédoise gagna tous les cœurs à Paris, qu'elle auroit peut-être perdus bientôt après si elle y fût demeurée plus long-temps. Après y avoir vu tout ce qu'elle crut digne de sa curiosité, elle quitta cette grande ville, où elle avoit été toujours environnée d'une furieuse presse, pour venir voir Leurs Majestés à Compiègne, où elle fut reçue non-seulement en reine, mais en reine bien aimée du ministre. Le cardinal Mazarin partit le même jour de Compiègne, pour être à Chantilly quand elle y arriveroit pour y dîner. Deux heures après ce repas, le Roi et Monsieur y arrivèrent comme des particuliers. Le Roi entra par une porte qui étoit au coin du balustre du lit, et se montra avec toute la foule qui étoit autour d'elle et du cardinal. Aussitôt qu'ils furent aperçus par lui, il les présenta à la reine de Suède, et lui dit que c'étoit deux gentilshommes des plus qualifiés de la France. Elle les connut en les regardant, pour avoir vu leurs portraits au Louvre, et lui répondit qu'elle le croyoit ainsi, et qu'ils paroissoient être nés à porter des couronnes. Le cardinal Mazarin lui repartit qu'il voyoit bien qu'il étoit difficile de la tromper, et qu'il étoit vrai que c'étoit le Roi et Monsieur. Le Roi lui dit de bonne grâce qu'il étoit fâché de ce qu'elle avoit été si mal reçue dans ses Etats; qu'il n'avoit pas manqué de donner ses ordres pour la traiter selon ce qui lui étoit dû; mais que sa venue si précipitée avoit empêché ceux à qui il les avoit donnés de lui rendre le respect qu'il auroit désiré de lui faire rendre. Elle repartit à ses civilités avec reconnoissance de ce qu'on avoit fait pour elle, et ne manqua pas d'exagérer en de beaux termes la satisfaction qu'elle avoit reçue en France. Le Roi, quoique timide en ce temps-là, et nullement savant, s'accommoda si bien de cette princesse hardie, savante et fière, que, dès ce premier instant, ils demeurèrent ensemble avec liberté et agrément de part et d'autre. Il fut aisé d'en trouver la raison: ceux qui voulurent la chercher jugèrent que c'étoit une marque indubitable que le Roi avoit en lui, par inclination et par nature, les semences de ce qu'il y avoit d'acquis et de louable en la personne de cette reine, et que la timidité qui paroissoit en lui procédoit alors de sa gloire et de son jugement, qui lui faisoient désirer d'être parfait en toutes choses, et craindre en même temps de manquer en quelqu'une. ...

Le duc de La Rochefoucauld et quelques autres, qui, depuis que cette reine étrangère étoit à Paris, avoient été les plus assidus auprès d'elle, arrivèrent les premiers; et bientôt après son carrosse entra au bruit des trompettes. Le cardinal Mazarin et le duc de Guise étoient seuls avec elle: car elle n'avoit que quelques femmes fort chétives pour la servir, qui ne se montrèrent point. Aussitôt qu'elle vit la Reine, elle descendit de carrosse, et la Reine s'avança aussi deux ou trois pas au dehors de la terrasse pour l'aller recevoir. Elles se saluèrent toutes deux civilement. La reine de Suède voulut faire quelques complimens, et remercier la Reine du bon traitement qu'elle avoit reçu en France; mais ces paroles furent interrompues par celles de la Reine, qui lui témoigna la joie qu'elle avoit de la voir. L'impatience qu'eurent tous ceux qui les environnoient de voir cette reine fut si grande, qu'elle obligea les deux reines à finir leurs complimens, pour fuir la foule qui les accabloit. Le Roi, qui avoit déjà fait connoissance avec l'étrangère, lui donna la main pour la faire entrer dans la maison. Elle passa devant la Reine, et se laissa conduire où l'on voulut la mener. Plusieurs ont trouvé que la Reine fut trop civile de lui laisser prendre cet avantage; et le Roi même, devenu plus grand, en a eu depuis da la douleur et du chagrin, et en plusieurs occasions a reproché à la Reine sa mère qu'elle avoit eu tort d'avoir cédé chez elle à cette reine et à celle de Pologne, vu la grandeur de sa naissance, et le haut rang que lui donnoit la couronne de France. J'étois une de celles qui me trouvai le plus près de ces deux royales personnes; et quoique les descriptions si particulières que l'on avoit faites de la reine de Suède me l'eussent figurée dans mon imagination, j'avoue néanmoins que d'abord sa vue me surprit. Les cheveux de sa perruque étoient ce jour-là défrisés: le vent, en descendant de carrosse, les enleva; et comme le peu de soin qu'elle avoit de son teint lui en faisoit perdre la blancheur, elle me parut d'abord comme une Egyptienne dévergondée qui, par hasard, ne seroit pas trop brune. En regardant cette princesse, tout ce qui dans cet instant remplit mes yeux me parut extraordinairement étrange, et plus capable d'effrayer que de plaire. Son habit étoit composé d'un petit corps qui avoit à moitié la figure d'un pourpoint d'homme, et l'autre moitié celle d'une hongreline de femme, mais qui étoit si mal ajusté sur son corps qu'une de ses épaules sortoit tout d'un côté, qui étoit celle qu'elle avoit plus grosse que l'autre. Sa chemise étoit faite à la mode des hommes: elle avoit un collet qui étoit attaché sous sa gorge beaucoup plus qu'un pourpoint, n'étoit point couvert de ce collet. Cette même chemise sortoit par en bas de son demi pourpoint comme celles des hommes, et elle faisoit sortir, au bout de ses bras et sur ses mains, la même quantité de toile que les hommes en laissoient voir alors au défaut de leur pourpoint et de leurs manches. Sa jupe, qui étoit grise, chamarrée de petits passemens d'or et d'argent, de même que sa hongreline, étoit courte; et au lieu que nos robes sont traînantes, la sienne lui faisoit voir les pieds découverts. Elle avoit des rubans noirs, renoués en manière de petite oie sur la ceinture de sa jupe. Sa chaussure étoit tout-à-fait semblable à celle des hommes, et n'étoit pas sans grâce. Le Roi la mena dans une grande salle, où madame la maréchale de La Motte avoit fait préparer une grande collation. Le Roi, les deux Reines et Monsieur, en entrant s'assirent à table, et nons l'environnâmes pour voir cette personne en tout si différente des autres femmes, et dont la renommée avoit fait tant de bruit. Après l'avoir regardée avec cette application que la curiosité inspire en de telles occasions, je commençai à m'accoutumer à son habit et à sa coiffure, et à son visage. Je trouvai qu'elle avoit les yeux beaux et vifs, qu'elle avoit de la douceur dans le visage, et que cette douceur étoit mêlée de fierté. Enfin je m'aperçus avec étonnement qu'elle me plaisoit, et d'un instant à un autre je me trouvai entièrement changée pour elle. Elle me parut plus grande qu'on nous l'avoit dite, et moins bossue; mais ses mains, qui avoient été louées comme belles, ne l'étoient guères: elles étoient seulement assez bien faites, et pas noires; mais ce jour-là elles étoient si crasseuses qu'il étoit impossible d'y apercevoir quelque beauté. Pendant cette collation, elle mangea beaucoup, et ne parla que de discours fort communs. Le duc de Guise lui montra mademoiselle de Mancini, qui étoit auprès d'elle à la regarder comme les autres. Elle lui fit un grand salut, et se pencha tout en bas de sa chaise pour lui faire plus de civilité. Au sortir de là, le Roi, les Reines, Monsieur et le cardinal Mazarin se mirent dans le carrosse de la Reine avec le reste de la compagnie que j'ai nommée, et la conversation y fut agréable. Quand la Reine fut arrivée à Compiègne, après avoir conduit son hôtesse dans son appartement, elle nous fit l'honneur de nous dire qu'elle étoit charmée de cette reine, et nous avoua que le premier quart-d'heure elle en avoit été effrayée comme les autres; mais qu'après l'avoir vue et l'avoir entendue parler, cette surprise s'étoit changée en inclination. Elle nous dit que cette princesse faisant semblant de vouloir voir le portrait du Roi et de Monsieur que la Reine portoit au bras, elle lui avoit fait ôter son gant, et qu'elle lui avoit dit les choses du monde les plus jolies sur la beauté de ses mains, la louant de les avoir su louer sans s'embarrasser. Aussitôt que la reine de Suède se fut un peu reposée dans sa chambre, elle vint faire visite à la Reine, d'où on la mena à la Comédie italienne. Elle la trouva fort mauvaise, et le dit librement. On l'assura que les comédiens avoient accoutumé de mieux faire. Elle répondit froidement qu'elle n'en doutoit pas, puisqu'on les gardoit. Après cela on la mena dans sa chambre, où elle fut servie par les officiers du Roi. Il fallut qu'on lui donnât jusqu'à des valets de chambre pour la servir et pour la déshabiller, car elle étoit seule, et n'avoit ni dames ni officiers, ni équipages, ni argent: elle composoit elle seule toute sa cour. Chanut, qui avoit été résident pendant son règne, étoit auprès d'elle, et deux ou trois hommes mal bâtis, à qui par honneur elle donnoit le nom de comtes. On pouvoit dire avec vérité qu'elle n'avoit personne; car, outre ces médiocres seigneurs, nous ne lui vîmes que deux femmes, qui ressembloient plutôt à des revendeuses qu'à des dames de quelque condition. Enfin je serois tentée, en faisant la description de cette princesse, de la comparer aux héroïnes des Amadis, dont les aventures étoient belles, dont le train étoit presque pareil au sien, et de qui la fierté avoit du rapport à celle qui paroissoit en elle. Je pense même, vu son équipage et sa pauvreté, qu'elle ne faisoit pas plus de repas et ne dormoit pas mieux que Marfise ou Bradamante, et qu'à moins d'arriver par hasard chez quelque grand roi comme le nôtre, elle ne faisoit pas souvent bonne chère. Le premier jour, elle observera de parler peu: ce qui paroissoit marquer en elle de la discrétion. Le comte de Nogent, selon sa coutume, s'empressant devant elle de dire de vieux contes, elle lui dit gravement qu'il étoit fort heureux d'avoir beaucoup de mémoire. Le cardinal Mazarin, le lendemain, l'alla visiter en camail, et tous les évêques la saluèrent en cérémonie. Ce jour elle parut avec un justaucorps de camelot de couleur de feu, et une jupe grise, l'un et l'autre chamarrées de passemens d'or et d'argent: sa perruque étoit frisée et poudrée; son teint, par le repos de la nuit, avoit quelque beauté; ses mains étoient décrassées; et si elle eût été capable de se soucier des louanges, je crois qu'on lui en auroit pu donner en ce moment avec justice, car elle parut à tous plus aimable qu'elle ne le vouloit être. Elle vint voir la Reine le matin, et la Reine lui rendit sa visite aussitôt après dîné. La conversation y fut gaie, et dans plusieurs rencontres cette reine étrangère fit voir qu'elle étoit spirituelle et de bonne compagnie. Elle railla le chevalier de Gramont sur la passion qu'il avoit alors pour madame de Mercœur, et ne l'épargna nullement sur le peu de reconnoissance qu'il en pouvoit espérer. De là elle fut à la chasse du sanglier, où le Roi la convia d'aller. Elle lui avoit dit néanmoins, quand il lui proposa d'y aller, qu'elle ne l'aimoit point, parce qu'elle étoit périlleuse, et qu'elle ne pouvoit souffrir qu'on s'exposât à quelque péril que pour acquérir de la gloire. Le soir, à la Comédie française, elle montra d'avoir l'ame passionnée: elle s'écria souvent sur les beaux endroits, paroissant sentir de la joie ou de la douleur, selon les différens sentimens qui étoient exprimés par les vers qui se récitoient devant elle; puis comme si elle eût été toute seule dans son cabinet, se laissant aller sur le dos de sa chaise après ses exclamations, elle demeuroit dans une rêverie profonde. La Reine même ne l'en pouvoit tirer, quoique souvent elle voulût lui parler. Le soir, étant retirée avec quelques hommes de la cour, entre autres Comminges, qui n'étoit pas ignorant, ils parlèrent de beaucoup de choses, et ensuite de la fidélité qu'on devoit aux rois; et quelqu'un lui disant que tous les honnêtes gens en avoient, elle répondit qu'en tous les pays cela étoit vrai, mais qu'elle avoit remarqué qu'en France ce n'étoit pas un défaut que d'y manquer, et qu'il étoit commun parmi les personnes de mérite et de qualité. Enfin cette journée lui attira beaucoup d'approbation: et chez la Reine, ce même soir, on ne parla que d'elle. Plusieurs de nos rudes railleurs avoient eu le dessein de la tourner en ridicule, et d'accabler par là ceux qui si légèrement l'avoient encensée; mais ils ne purent alors en trouver les moyens, soit par son mérite ou par la hauteur qu'elle eut pour eux, ou soit enfin parce qu'elle fut soutenue par l'estime que le ministre témoigna d'en faire, et par la bonne réception du Roi et de la Reine. Le peu de temps qu'elle demeura à la cour lui fut favorable: car ses défauts, qui étoient grands, furent offusqués par les belles et brillantes qualités qui étoient en elle, et par le plaisir de la nouveauté, qui est d'un grand prix dans le cœur des hommes. Nous lui verrons bientôt perdre honteusement tous ces avantages: car comme les rois sont exposés au public, et que ce qu'ils ont de bon les rend célèbres, de même leurs défauts savent en peu de temps détruire ou diminuer leur réputation.

Le 18 septembre, les Reines furent à une tragédie des jésuites, dont celle de Suède se moqua hardiment. Le lendemain, le Roi lui donna un festin royal, qui fut comme de tels repas ont accoutumé d'être, où la profusion fatigue plus l'esprit qu'elle ne nourrit le corps. Peu après cette incommode cérémonie, il arriva un courrier qui apprit au Roi et à la Reine la prise de Valence par le duc de Mercœur: la reine étrangère vint aussitôt s'en réjouir avec la nôtre d'une manière si libre, qu'il sembloit qu'elle y prît une grande part. Elle trouva la Reine jouant aux cartes: elle s'assit auprès d'elle; et s'appuyant nonchalamment sur la table, il parut qu'elle s'occupa agréablement à regarder les belles mains de la Reine. Elle les loua, et lui dit d'un air galant qu'elle estimeroit son voyage de Rome en France bien employé, quand elle n'auroit point eu d'autre avantage que celui de voir en cela seulement la plus belle chose du monde.

Nogent, qui parloit toujours, voulut lui dire qu'on avoit remarqué dans l'histoire qu'il y avoit cent ans que Valenciennes et Valence avoient été assiégées par les Français; que l'une n'avoit pu être prise, et l'autre l'avoit été. Après l'avoir écouté, elle souhaita que, dans ce même terme, les mêmes personnes en pussent faire autant; et se tournant vers Nogent, lui dit: «Et que vous, M. de Nogent, eussiez encore votre casaque feuille-morte, et fissiez les mêmes contes que vous faites à présent; car, à vous dire le vrai, j'aimerois mieux les entendre dans cent ans qu'à cette heure.» Ce qui fit qu'elle le poussa toujours de même force fut qu'on lui avoit dit qu'il avoit voulu la mêler dans ses railleries.

Le lendemain le père Annat, confesseur du Roi, fut parler à la reine de Suède, sur quelques plaintes qu'elle avoit faites contre leur ordre: l'une étoit que le père général des jésuites ne l'avoit point été saluer à Rome; je ne me souviens pas des autres. Après les excuses que lui fit le révérend père, elle lui dit d'un ton moqueur, et avec cette brusque manière qui lui étoit naturelle, qu'elle seroit fâchée de les avoir pour ennemis, sachant leurs forces; et qu'elle choisiroit plutôt d'avoir querelle avec un prince souverain qu'avec eux; que par cette raison elle vouloit bien être satisfaite, mais qu'elle l'assuroit qu'en cas de confession et de tragédie elle ne les choisiroit jamais: voulant leur reprocher par là qu'ils étoient accusés d'avoir une morale trop indulgente, et se moquer de la mauvaise tragédie où elle avoit été le jour précédent; mêlant ainsi le burlesque avec le sérieux, afin de se venger de l'offense qu'elle croyoit avoir reçue de leur compagnie.

Cette princesse gothique témoignoit estimer l'esprit et la capacité du cardinal, et lui de même paroisoit avoir beaucoup de vénération pour elle. Son extérieur, à qui en eût voulu juger à son désavantage, étoit digne de risée et de moquerie; quasi toutes ses actions avoient quelque chose d'extravagant, et on pouvoit avec justice la blâmer, comme on pouvoit avec sujet la louer extrêmement. Elle ne ressembloit en rien à une femme, elle n'en avoit pas même la modestie necessaire: elle se faisoit servir par des hommes dans les heures les plus particulières; elle affectoit de paroître homme en toutes ses actions; elle rioit démesurément quand quelque chose la touchoit, et particulièrement à la Comédie italienne, lorsque par hasard les bouffonneries en étoient bonnes: elle éclatoit de même en louanges et en soupirs, comme je l'ai déjà dit, quand les sérieuses lui plaisoient. Elle chantoit souvent en compagnie; elle rêvoit, et sa rêverie alloit jusqu'à l'assoupissement: elle paroissoit inégale, brusque et libertine en toutes ses paroles, tant sur la religion que sur les choses à quoi la bienséance de son sexe l'obligeoit d'être retenue: elle juroit le nom de Dieu, et son libertinage s'étoit répandu de son esprit dans ses actions. Elle ne pouvoit demeurer long-temps en même place. En présence du Roi, de la Reine et de toute la cour, elle appuyoit ses jambes sur des siéges aussi hauts que celui où elle étoit assise, et les laissoit voir trop librement: elle faisoit profession de mépriser toutes les femmes, à cause de leur ignorance, et prenoit plaisir de converser avec les hommes sur les mauvaises matières, de même que sur les bonnes: elle n'observoit nulle règle de toutes celles que les rois ont accoutumé de garder, à l'égard du respect qu'on leur porte. Ses deux femmes, toutes hideuses et misérables qu'elles étoient, se couchoient sur son lit familièrement, et faisoient avec elle à moitié de tout. Cependant la Reine, qui étoit au contraire la plus régulière personne du monde, trouvoit des charmes dans l'agrément de son visage, et dans la manière libre de toutes ses actions. En effet il étoit difficile, quand on l'avoit bien vue et surtout écoutée, de ne lui pas pardonner toutes ses irrégularités, particulièrement celles qui ne paroissoient point essentiellement blâmables. Cette douceur et cet agrément étoient mêlés d'une rude fierté, et la politesse si naturelle à notre nation ne se rencontroit point en elle. Quelques-uns dirent qu'elle ressembloit à Fontainebleau, dont les bâtimens sont beaux et grands, mais qui n'ont point de symétrie. Elle partit de Compiègne le 23 de septembre; la Reine la fut conduire à deux lieues de là, et ces deux princesses se séparèrent avec quelques marques d'attendrissement.

Le marquis de Saint-Simon la traita à Senlis, et M. et madame Du Plessis la reçurent à leur belle maison du Fresnes, avec une magnificence extraordinaire. Passant à un certain bourg proche de ce lieu, elle voulut voir une demoiselle qu'on appeloit Ninon, célèbre par son vice, par son libertinage et la beauté de son esprit. Ce fut à elle seule, de toutes les femmes qu'elle vit en France, à qui elle donna quelques marques d'estime. Le maréchal d'Albret et quelques autres en furent cause, par les louanges qu'ils donnèrent à cette courtisanne de notre siècle. De là cette amazone suédoise prit des carrosses de louage que le Roi lui fit donner, et de l'argent pour les pouvoir payer: elle s'en alla, suivie seulement de sa chétive troupe, sans train, sans grandeur, sans lit, sans vaisselle d'argent, ni d'aucune marque royale. Son dessein fut de retourner à Rome et de passer par la Savoie, où elle reprit son personnage de reine: elle y reçut aussi beaucoup d'honneurs.

English translation (my own):

We then came to Compiègne, to the Queen of Sweden, of whom extraordinary things had been said. This princess, who had left her kingdom, seemed to have done it by a generous disdain of the crown, and not to force her inclination in favour of her nearest relative, that her subjects had wished her to marry. She had embraced our religion, and had renounced heresy in the hands of the Pope. Some considered this action infinitely, and thought that this princess, on leaving the crown of Sweden, deserved that of the whole world. Others had accused her of having left her kingdom by force or by levity; and to have loved tenderly in Sweden and Flanders a Spaniard named Pimentel, who had been in her court on the part of the King his master. She had been much praised and infinitely blamed. She passed for an illustrious person: the plumes of the most famous authors, both on praise and satire, were only used to speak of her heroic virtues or of her faults. On leaving Sweden she had gone to Flanders, and then to Rome. After her travels, she wanted to see France as well as Italy; and this great reputation she had acquired made the Queen [of France] eager enough to see her. The King of Sweden, to whom this Queen of the North had left her kingdom, was a bellicose prince; he was feared and considered. He had asked the cardinal that this princess should be well treated in France; and the minister, by his own sentiments, esteemed him. She was received in the same manner as was formerly Charles V., when he passed through France to go to Flanders. The king sent the Duke of Guise to receive her at the entrance to his states, and to compliment her. The Queen [of France] sent him Comminges, his Captain of the Guards, for the same purpose.

...

This Queen knew the whole court so perfectly that when she saw Comminges, she asked him for news of his uncle, Guitaut, and if she would not see him angry; for he was subject to this passion, and used it skillfully. It had helped him to make his fortune, and the Queen [of France] at all times had taken pleasure in seeing him in that state. The Queen of Sweden, therefore, knew nothing of all the great things and all the little things. She said, on some occasion, that she knew that much good and bad had been said of her, and that, on seeing her, one would know that he had gotten neither one nor the other right. She did not tell the truth; for indeed there was a mixture of many great virtues and defects. She entered Paris on the 8th of September, after having been treated to Essone by Hesselin, a ballet, fireworks, a comedy, and a number of ladies who saw her there. The citizens of Paris, in arms and with fine clothes, received her in good order outside the gates of the city and bordered her way in all the streets, from Conflans, where she had slept, to the Louvre where she was to stay. Their number was infinite, as well as ladies and people of quality who, at the windows and balconies, wanted her to pass, and the crowd was great in the streets. She was slow to cross the city, from two o'clock until nine o'clock in the evening, when she arrived at the Louvre. She was lodged at the King's apartment, where the beautiful tapestry of Scipio was, and there was a bed of white satin embroidered with gold, which the late Cardinal de Richelieu in dying left to the late King. When she arrived, she asked for a drink. The Prince de Conti, who had gone to visit and receive her, gave her the napkin, which she took after repeated compliments. Comminges tells us that the duke of Epernon, then governor of Burgundy, had magnificently received it; and although she affected not to admire anything, she found, nevertheless, that France was beautiful, rich, and full of people. She wished it to be believed that Rome carried her with her inclination and esteem to Paris, and said that Italy had great charms; but, as it has since appeared, the pleasures of Paris do not displease her, and I think she would willingly have left any other country for ours, had she been able to remain there.


Above: Kristina's grand entry into Paris on September 8, 1656.

Our Swedish Amazon won all hearts in Paris, which she might have lost soon afterwards if she had remained there longer. After having seen all that she thought worthy of her curiosity, she left this great city, where she had always been surrounded by a furious press, to come to see Their Majesties at Compiègne, where she was received not only as queen but as a beloved queen of the minister. Cardinal Mazarin left the same day from Compiègne to be at Chantilly when she arrived to dine there. Two hours after this meal, the King and Monsieur arrived there as individuals.

The King entered by a door which was at the corner of the baluster of the bed, and showed himself with all the crowd that was around her and the cardinal. As soon as they were seen by him, he presented them to the Queen of Sweden, and told him that they were two of the most qualified gentlemen in France. She knew them by looking at them from having seen their portraits in the Louvre, and replied that she thought so, and that they appeared to be born to wear crowns. Cardinal Mazarin told her that he saw very well that it was difficult to deceive her, and that it was true that it was the King and Monsieur. The King told her with good grace that he was sorry that she had been so badly received in his states; that he had not failed to give his orders to treat her according to what was due to him; but that his hasty arrival had prevented those to whom he had given them from returning him the respect which he would have liked to have restored to him.

She returned his civilities with gratitude for what had been done for her, and did not fail to exaggerate in fine terms the satisfaction she had received in France. The King, though timid at that time, and not at all learned, so well accommodated himself to this bold, learned, and proud princess, that from that first moment they remained together with liberty and pleasure on both sides. It was easy to find the reason: those who wished to seek it judged that it was an unmistakable mark that the King had in him, by inclination and by nature, the seeds of what had been acquired and commendable in the person of this Queen, and that the timidity which appeared in him then proceeded from his glory and his judgment, which made him desire to be perfect in all things, and to fear at the same time to be lacking in some. ...

The Duke de La Rochefoucauld, and a few others, who, since this foreign queen was at Paris, had been the most assiduous to her, arrived first; and soon after, his coach entered with the sound of trumpets. Cardinal Mazarin and the Duke de Guise were alone with her; for she had only a few very weak women to serve her, who did not show themselves. As soon as she saw the Queen [of France], she got out of her coach, and the Queen also advanced two or three steps outside the terrace to go and receive her. They both greeted each other civilly. The Queen of Sweden wished to make some compliments, and to thank the Queen for the good treatment she had received in France; but these words were interrupted by those of the Queen [of France], who showed her the joy she had of seeing her. The impatience of all who surrounded them to see this queen was so great, that she obliged the two queens to finish their compliments, to escape the crowd which overwhelmed them. The King, who had already made acquaintance with the stranger, gave her his hand to bring her into the house. She passed in front of the Queen [of France] and allowed herself to be led where they wished to bring her. Several have found that the Queen was too civil to let her take this advantage; and the King himself, who had grown up, had since suffered from grief and sorrow, and on several occasions reproached the Queen his mother, whom she had been wrong to have yielded to that queen and to that of Poland, considering the grandeur of her birth, and the high rank which the crown of France gave her.

I was one of those who found myself nearest these two royal persons; and though the particular descriptions which had been given of the Queen of Sweden would have represented it in my imagination, I confess, nevertheless, that at first sight, she surprised me. The hair of her wig was messy that day; the wind, while she was coming down from a coach, blew it off of her head; and because of how the little care she took of her complexion had made her lose her whiteness, she at first appeared to me like a shameless Egyptian street girl who, by chance, would not be too dark. Looking at this princess, everything in this moment that filled my eyes seemed extraordinarily strange, and more capable of frightening than of pleasing. Her coat was composed of a little body which had half the shape of a man's doublet, and the other half that of a woman's hongreline, but which was so ill fitted to her body that one of her shoulders bulged out on one side, which was the one that was bigger than the other. Her shirt was made in the fashion of men: she had a collar which was fastened under her throat much more than a doublet, and was not covered with this collar. This same shirt came out from below the half-doublet like those that men wear, and it made visible, at the end of her arms and on her hands, the same quantity of fabric that men show then for the defect of their doublet and of their sleeves. Her skirt, which was gray and studded with little gold and silver threads, like her hongreline, was short; and instead of our skirts that trail behind us, hers made her bare feet visible. She had black ribbons, knotted like a little goose on the waistband of her skirt. Her shoes were exactly like men's shoes, and not without grace.



Above: Anne of Austria.


Above: The young King Louis XIV of France.

The King took her to a large room, where Madame la Maréchale de La Motte had had a large brunch prepared. The King, the two Queens, and Monsieur, on entering, sat down at the table, and came out to see this person, so different from the other women, whose fame had given rise to so many rumours.

After having looked at her with this application which curiosity inspires on such occasions, I began to accustom myself to her habit and her hairstyle, and to her face. I found that her eyes were beautiful and lively, that she had sweetness in her face, and that this sweetness was mingled with pride. At last I perceived with astonishment that she pleased me, and from one moment to another I found myself entirely changed for her. She seemed to me bigger than we had been told, and less hunchbacked; but her hands, which had been praised as beautiful, were barely that. They were only quite well formed, and not black; but on that day they were so filthy that it was impossible to perceive any beauty in them.

During this brunch she ate a lot, and spoke only very common conversations. The Duke de Guise showed her Mademoiselle de Mancini, who was near her, watching her as the others. She bowed to her, and leaned down on the chair to give her more civility.

On leaving the King, the Queens, Monsieur, and Cardinal Mazarin set out in the Queen's coach with the rest of the company I mentioned, and the conversation was agreeable. When the Queen [of France] arrived at Compiègne, after having been taken by her hostess to her apartments, she did us the honour us telling us that she was charmed by this queen, and confessed to us that for the first quarter of an hour she had been frightened like the others; but after seeing her and having heard her speak, this surprise changed to an inclination. She tells us that this princess, pretending to want to see the portrait of the King and Monsieur that the Queen wore on her arm, had made her take off her glove, and that she had told her the most beautiful things in the world about beauty with her hands, praising her for having praised them without embarrassing herself.

As soon as the Queen of Sweden rested a little in her room, she came to visit the Queen, from whence she was taken to the Italian Comedy. She found it very bad and said it freely. She was assured that the actors were accustomed to doing better. She answered coldly that she did not doubt it, since they were kept. After that, she was taken to her room, where she was served by the King's officers. It was necessary to give her valet de chambre to serve her and to undress her, for she was alone, and had neither ladies nor officers, nor horse and carriage, nor money. She alone composed her whole court. Chanut, who had been a resident during her reign, was near her, and two or three poorly built men, to whom, by honour, she gave the title of count. It could be said with truth that she had no one; for, besides these mediocre lords, we saw only two women, who resembled, rather, resellers than ladies of any condition.

Finally, I would be tempted, in describing this princess, to compare her to the heroines of the Amadis, whose adventures were beautiful, whose pace was almost like hers, and whose pride had a bearing like that which appeared in her. I even think, considering her crew and her poverty, that she did not have more meals and slept better than Marfise or Bradamante, and that, unless she came by chance to some great king like ours, she did not often have good food.

The first day, she was observed to speak little, which would seem to mark in her discretion. The Comte de Nogent, according to her custom, hastening to say old tales, she told him gravely that he was very happy to have a good deal of memory. Cardinal Mazarin, the next day, went to visit her in camail, and all the bishops saluted her in ceremony.

That day she appeared with a fire-colored camlet justaucorps and a gray skirt, both of them gilded with gold and silver. Her wig was curly and powdered. Her complexion, from the night's rest, had some beauty. Her hands were unclean; and if she would have been able to worry about the praises, I think she would have been able to be given them right now, for she seemed to all to be more amiable than she wanted to be.


Above: Kristina.

She came to see the Queen in the morning, and the Queen returned her visit immediately after dinner. The conversation there was cheerful, and in several meetings this foreign queen showed that she was spiritual and of good company. She mocked the Chevalier de Gramont on the passion which he had at that time for Madame de Mercœur, and did not spare him at all on the little recognition which he could hope for. From there she went hunting for wild boar, where the King invited her to go. She had told him nevertheless, when he suggested that she should go there, that she did not love him, because she was perilous, and that she could not suffer to be exposed to any danger except to acquire of glory.

In the evening, at the French comedy, she showed her passionate soul: she often exclaimed at the beautiful places, seeming to feel joy or sorrow, according to the different sentiments that were expressed by the verses that recite before her; then, as if she had been alone in her study, letting herself recline in her chair after her exclamations, she remained in a deep reverie. Even the Queen could not stop it, though she often wanted to speak to her. In the evening, being withdrawn with some men of the court, among others Comminges, who was not ignorant, they spoke of many things, and then of the fidelity which was due to kings; and someone telling her that all honest people had it, she replied that in all countries it was true, but that she had noticed that in France it was not a fault to miss it, and that it was common among people of merit and quality. At last this day attracted a great deal of approval; and at the Queen's the same evening, nothing was said of her. Several of our rude scoffers had had the design of turning it into ridicule, and thus overwhelming those who had so slightly incensed it; but they could not then find the means, either by its merit or by the height it had for them, or finally because it was supported by the esteem which the minister testified to make of it, and by the good reception of the King and the Queen. The short time that she remained at the court was favorable to her; for her faults, which were great, were offended by the beautiful and brilliant qualities which were in her, and by the pleasure of novelty, which is of great importance. price in the hearts of men. We shall see him soon lose all these advantages shamefully; for as kings are exposed to the public, and what they are good makes them famous, so their faults know in a short time to destroy or diminish their reputation.

On the 18th of September, the Queens were at a tragedy of the Jesuits, at which the Queen of Sweden made a bold joke. The next day the King gave her a royal feast, which was, as such meals are accustomed to be, where profusion fatigues the mind more than it nourishes the body. Shortly after this inconvenient ceremony, a courier arrived who told the King and the Queen [of France] about the taking of Valence by the Duke of Mercœur. The foreign queen immediately rejoiced with ours in so free a manner that she seemed to be taking a large part of it. She found the Queen playing cards; she sat down beside her, and, leaning nonchalantly on the table, it appeared that she took pleasure in looking at the beautiful hands of the Queen. She praised them and told her with a gallant air that she would esteem her journey from Rome to France well employed, when she would have had no other advantage than that of seeing in it only the most beautiful thing in the world.

Nogent, who always spoke, wished to tell her that it had been remarked in history that it had been a hundred years since the Valencians and Valencia had been besieged by the French; that one could not have been taken, and the other had been. After listening to him, she wished that, in the same term, the same people could do the same; and turning to Nogent, said to him: "And you, Monsieur de Nogent, still had your feuillemorte casaque, and made the same tales that you now make; for, to tell you the truth, I would rather hear them in a hundred years than at this hour." That which made her always push him of the same force was what it had been said to her that she had wished to mix it in her taunts. [can someone who speaks French please give a better translation of this last sentence?]

The next day Father Annat, the King's confessor, was talking to the Queen of Sweden about some complaints she had made against their order: one was that the Father General of the Jesuits had not been greeted at Rome; I do not remember the others. After the apologies that the reverend father gave her, she said to him in a mocking tone, and with that terse manner which was natural in her, that she would be sorry to have them for enemies, knowing their strength; and that she would rather choose to quarrel with a sovereign prince than with them; that for this reason she wished to be satisfied, but that she assured him that in case of confession and tragedy she would never choose them. Wishing to reproach them with this — that they were accused of having a too indulgent morality — and to make fun of the bad tragedy she had been to the day before; thus mingling burlesque with seriousness, in order to avenge the offense she thought she had received from their company.

This Gothic princess testified to esteem the mind and capacity of the cardinal, and he too seemed to have a great deal of reverence for her. Her exterior, which she would have liked to judge to her disadvantage, was worthy of ridicule and mockery; almost all her actions had something extravagant, and she could justly be blamed for it, just as it was possible to praise her much. She did not look like a woman at all, she had not even the necessary modesty. She had herself served by men at the most peculiar hours. She appeared manly in all her actions. She laughed excessively when something struck her as funny, and particularly at the Italian comedy, when by chance the buffoonery was good. She also clapped her hands and sighed, as I have already said, whenever the serious parts pleased her. She often sang in company; she daydreamed, and her reverie went to drowsiness. She appeared unequal, curt and libertine in all her words, as much on religion as on things to which the propriety of her sex obliged her to be restrained. She swore the name of God, and her licentiousness was widespread in her mind and in her actions. She could not remain in one place for a long time. In the presence of the King, the Queen, and the whole court, she rested her legs on seats as tall as the one in which she was seated, and allowed herself to be seen too freely. She professed to despise all women because of their ignorance, and took pleasure in conversing with men on bad subjects, as well as on good ones. She observed no rule of all those which kings are accustomed to keep, with respect to the respect which is carried to them. Her two women, hideous and miserable as they were, lay in her bed familiarly and did half of everything with her. The Queen, who was, on the contrary, the most regular person in the world, found charms in the agreeableness of her countenance, and in the free manner of all her actions. In fact, it was difficult, when she had been well seen and especially listened to, not to forgive her all her irregularities, especially those which did not appear essentially blamable. This gentleness and this pleasure were mixed with a harsh pride, and the politeness so natural to our nation was not found in it. Some said that she was like Fontainebleau, whose buildings are handsome and tall, but which have no symmetry. She left Compiègne on the 23rd of September. The Queen was led two leagues away, and these two princesses parted with some marks of tenderness.

The Marquis de Saint-Simon treated her at Senlis, and Monsieur and Madame du Plessis received her at their beautiful house in Fresnes, with extraordinary magnificence. Going to a certain village near this place, she wanted to see a young lady called Ninon, famous for her vice, her debauchery and the beauty of her spirit. It was she alone, of all the women she saw in France, to whom she gave some marks of esteem. Marshal d'Albret and some others were the cause of this, by the praises they bestowed on this courtesan of our century. From there the Swedish Amazon took carriages which the King gave her, and money to pay for them. She went away, followed only by her feeble troop, without train, without grandeur, without a bed, without silver dishes, nor any royal mark. Her design was to return to Rome, and to pass through Savoy, where she resumed her queenly demeanour. She also received many honours.


Above: Ninon de l'Enclos.



Above: Madame de Motteville.



Above: Kristina.

No comments:

Post a Comment