Thursday, June 11, 2020

Relation of Kristina's surprise visit to the French Academy, March 11, 1658

Source:

Mademoiselle de Montpensier, Conrart, Volumes 3 to 4


The relation:

RELATION DE LA VISITE DE LA REINE CHRISTINE A L'ACADEMIE FRANÇAISE.
Du lundi 11 mars 1658.
M. l'abbé de Boisrobert ayant fait savoir le matin de ce jour, à monseigneur le chancelier, que la reine Christine de Suède vouloit faire l'honneur à la compagnie de se trouver à l'assemblée qui se devoit tenir l'après-dînée, M. le directeur fit avertir ce qu'il put des académiciens pour s'y trouver. Sur les trois heures après midi, Sa Majesté arriva chez monseigneur le chancelier, qui la fut recevoir à son carrosse avec tous les académiciens en corps; et l'ayant conduite dans son antichambre au bout de la salle du conseil, où étoit une table longue, couverte du tapis de velours vert à franges d'or qui sert lorsque le conseil des finances se tient, la reine de Suède se mit dans une chaire à bras au bout de cette table du côté des fenêtres; monseigneur le chancelier à sa gauche, du côté de la cheminée, sur une chaise à dos et sans bras, laissant quelque espace vide entre Sa Majesté et lui; M. le directeur étant de l'autre côté de la table, vis-à-vis de monseigneur le chancelier, mais un peu plus bas et plus éloigné de la table, debout, et tous les académiciens aussi. Il lui fit un compliment qui ne contenoit qu'une excuse de ce que l'Académie se trouvant surprise de l'honneur que Sa Majesté lui faisoit sans en avoir eu avis que le matin, elle ne s'étoit pas préparée à lui témoigner sa joie et sa reconnoissance d'une si glorieuse faveur, selon le mérite de cette grâce et le devoir de la compagnie; que si elle en eût eu le temps, elle auroit sans doute donné cette commission à quelqu'un plus capable que lui de s'en mieux acquitter; mais que s'en trouvant chargé, par l'avantage que la fortune lui avoit fait rencontrer de présider la compagnie en une si heureuse rencontre, il étoit obligé de dire à Sa Majesté que l'Académie françoise n'avoit jamais reçu de plus grand honneur que celui qu'il lui plaisoit de lui faire. A quoi la Reine répondit qu'elle croyoit qu'on pardonneroit à la curiosité d'une fille qui avoit souhaité de se trouver en une compagnie de tant d'honnêtes gens, pour qui elle avoit toujours eu une estime et une affection particulières.

Ensuite on proposa si les académiciens seroient assis ou debout: ce qui sembla surprendre la Reine, qui s'attendoit qu'on ne seroit point assis. Mais monseigneur le chancelier ayant demandé avis à quelques-uns sur cette difficulté, on lui dit que le roi Henri III, lorsqu'il faisoit faire des assemblées de gens de lettres au bois de Vincennes, où il se trouvoit souvent, faisoit asseoir les assistans; qu'on en usoit toujours ainsi en pareilles rencontres; et que la Reine de Suède même, lorsqu'elle étoit à Rome, avoit été de l'académie des Humoristes, qui ne s'étoient point tenus debout. Si bien qu'il fut résolu que les académiciens seroient assis, comme ils le furent, durant toute la séance, sur des chaises à dos; mais monseigneur le chancelier et eux tous toujours découverts. On fit excuse d'abord à Sa Majesté de ce que la compagnie n'étoit pas eu le temps de faire avertir tous les académiciens de s'y trouver; que le sécretaire se trouvoit absent par son indisposition, et messieurs Gombauld et Chapelain aussi, avec plusieurs autres. Elle demanda qui étoit le sécretaire; on lui dit que c'étoit M. Conrart, duquel elle eut la bonté de parler obligeamment comme le connoissant de réputation, et de ces deux autres messieurs absens aussi, à qui elle donna de grandes louanges. Ensuite de cela, M. le directeur lui dit que si on avoit pu prévoir la visite de Sa Majesté, on auroit préparé quelque lecture pour la divertir agréablement; mais que, dans la surprise où se trouvoit la compagnie, on se serviroit de ce que l'occasion pourroit fournir; et que comme il avoit fait depuis peu un traité de la Douleur, qui doit entrer dans le troisième volume des caractères des passions, qu'il étoit prêt de donner au publie, si Sa Majesté lui commandoit de lui en lire quelque chose, il croyoit que ce seroit un sujet assez propre pour lui faire connoître la douleur de la compagnie de ne se pouvoir pas mieux acquitter de ce qui étoit dû à une si grande reine, et de ce qu'elle devoit être sitôt privée de sa vue par le prompt départ de Sa Majesté. Cette lecture étant achevée, à laquelle la Reine donna beaucoup d'attention, monseigneur le chancelier demanda si quelqu'un avoit des vers pour entretenir Sa Majesté. Sur quoi M. Cotin en ayant récité quelques-uns du poète Lucrèce qu'il avoit mis en françois, la Reine témoigna y prendre grand plaisir. M. l'abbé de Boisrobert récita aussi quelques madrigaux de madame d'Olonne, et M. l'abbé Tallemant un sonnet sur la mort d'une dame. Après cela M. de La Chambre demandant encore quelque chose, M. Pellisson lut une petite ode d'amour qu'il a faite à l'imitation de Catulle, et d'autres vers sur un saphir qu'il avoit perdu et qu'il retrouva depuis, qui plut aussi extrêmement à Sa Majesté, à laquelle on lut un cahier entier du Dictionnaire contenant l'explication du mot de Jeu, pour lui faire connoître quelque chose du travail présent de la compagnie; et cela étant achevé, la Reine se leva et fut reconduite à son carrosse par monseigneur le chancelier, suivi de tous les académiciens; et Sa Majesté partit le lendemain de Paris pour s'en retourner à Fontainebleau, où elle ne coucha que deux nuits, après lesquelles elle se mit en chemin pour retourner en Italie.
Le dessein de monseigneur le chancelier étoit que l'Académie s'assemblât dans la chamde M. de Priezac, selon sa coutume; mais parce que le haut du degré pour y entrer est un peu obscur et malaisé, il jugea qu'il valoit mieux que cette séance se tint en son appartement: ce qui fut plus convenable pour Sa Majesté et plus glorieux pour l'Académie.

Quand on commença à lire le cahier du Dictionnaire, monseigneur le chancelier dit à la reine de Suède qu'on alloit lire le mot de Jeu, lequel ne déplairoit pas à Sa Majesté, et que sans doute le mot de Mélancolie lui auroit été moins agréable. A quoi elle ne répondit rien.

Dans la suite de cette lecture, cette façon de parler s'étant rencontrée: Ce sont des jeux de princes, qui ne plaisent qu'à ceux qui les font, la reine de Suède rougit et parut émue; mais voyant qu'on avoit les yeux sur elle, elle s'efforça de rire, mais d'une manière qui faisoit connoître que c'étoit plutôt un ris de dépit que de joie.

English translation (my own):

RELATION OF QUEEN KRISTINA'S VISIT TO THE FRENCH ACADEMY.
Monday, March 11, 1658.
Monsieur the Abbé de Boisrobert, having informed Monseigneur the Chancellor on the morning of this day, that Queen Kristina of Sweden wanted to honour the company of being at the assembly which was to be held after dinner, the director warned what he could of the academicians to be there. About three o'clock in the afternoon, Her Majesty arrived at Monseigneur the Chancellor's, who was received in her coach with all the academicians in body; and having led her into his anteroom at the end of the council chamber, where was a long table, covered with the green velvet carpet with gold fringes which is used when the council of finance is held, the Queen of Sweden sat in an armchair at the end of this table on the window side; Monseigneur the Chancellor to her left, on the side of the fireplace, on a chair with a back and without arms, leaving some empty space between him and Her Majesty; the director being on the other side of the table, opposite Monseigneur the Chancellor, but a little lower and farther from the table, standing, and all the academicians too. He paid her a compliment which contained only an excuse for what the Academy was surprised by the honour that Her Majesty did to it without having had notice of it that in the morning, she had not prepared to testify her to him its joy and recognition at such a glorious favor, according to the merit of this grace and the duty of the company; that if she had had the time, she would no doubt have given this commission to someone more capable than he of fulfilling it better; but that, finding himself charged with it, by the advantage which fortune had made him meet to preside over the company in such a happy meeting, he was obliged to tell Her Majesty that the French Academy had never received any greater honour than that which pleased him to do her. To this the Queen replied that she believed that one would forgive the curiosity of a girl who had wished to be in the company of so many honest people, for whom she had always had a particular esteem and affection.

Then it was proposed whether the academicians would be seated or standing, which seemed to surprise the Queen, who expected that we would not be seated. But Monseigneur the Chancellor having asked the opinion of some on this difficulty, he was told that King Henry III, when he had assemblies of men of letters in the Bois de Vincennes, where he was often found, had the assistants sit down; that this was always used in such meetings; and that even the Queen of Sweden, when she was in Rome, had been from the Academy of Humorists, who had not stood up. So that it was resolved that the academicians would be seated, as they were, during the whole session, on chairs with backs; but Monseigneur the Chancellor and all of them still discovered. Apologies were made first to Her Majesty that the company had not had time to warn all the academicians to be there; that the secretary was absent by his indisposition, and Messrs. Gombauld and Chapelain also, with several others. She asked who the secretary was; she was told that it was Monsieur Conrart, of whom she was kind enough to speak obligingly as a connoisseur of reputation, and of these two other absent gentlemen also, to whom she gave great praise. After that, the director told her that if we could have foreseen Her Majesty's visit, we would have prepared some reading to entertain her pleasantly; but that, in the surprise in which the company was, one would make use of what the occasion could provide; and that as he had recently made a treatise on Pain, which must enter into the third volume of the characters of the passions, which he was ready to give to the public, if Her Majesty commanded him to read something to her, he believed that it would be a subject clean enough to make her know the pain of the company of not being able to better pay what was due to such a great queen, and that it should be deprived of her sight as soon as possible by the prompt departure of Her Majesty. This reading having been completed, to which the Queen paid much attention, Monseigneur the Chancellor asked if anyone had verses with which to entertain Her Majesty. Whereupon Monsieur Cotin, having recited some of the poet Lucretius whom he had translated into French, the Queen testified that she took great pleasure in it. Monsieur the Abbé de Boisrobert also recited some madrigals from Madame d'Olonne, and Monsieur the Abbé Tallemant a sonnet on the death of a lady. After that Monsieur de La Chambre still was asking for something, Monsieur Pellisson read a little ode of love which he made in imitation of Catullus, and other verses on a sapphire which he had lost and which he found since, which also pleased Her Majesty greatly, to which an entire entry was read from the Dictionary containing the explanation of the word Jeu (game), to make her familiar with something of the present work of the company; and, that being finished, the Queen got up and was taken back to her coach by Monseigneur the Chancellor, followed by all the academicians; and Her Majesty left Paris the next day to return to Fontainebleau, where she slept only two nights, after which she set out on the journey to return to Italy.

The plan of Monseigneur the Chancellor was that the Academy should assemble in the Monsieur de Priezac room, according to its custom; but because the top of the step to enter is a little obscure and awkward, he judged that it was better that this session was held in his apartment, which was more suitable for Her Majesty and more glorious for the Academy.

When we began to read the dictionary, Monseigneur the Chancellor said to the Queen of Sweden that we were going to read the word Jeu, which would not displease Her Majesty, and that no doubt the word Mélancolie (melancholy) would have been less agreeable to her, to which she replied nothing.

In the continuation of this reading, this way of speaking having met: "These are games of princes, which only please those who make them", the Queen of Sweden blushed and seemed moved; but seeing that their eyes were on her, she tried to laugh, but in a way that made it known that it was rather a laugh of spite than of joy.


Above: Kristina.

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