Source:
Mémoires de ce qui s'est passé en Suède, Pierre Hector Chanut, volume 2, pages 351 to 360; pages 375 to 377, 1675
The account:
... On estoit fort occupé en Suede à découvrir les autheurs d'un libelle diffamatoire tendant à sedition, qui avoit esté addressé à son Altesse Royale le Prince de Suede, qui l'envoïa à sa Majesté aussi-tost qu'il l'eust receu; comme il estoit sans souscription, le Prince de Suede vouloit sçavoir d'où il venoit. Celui qui lui avoit presenté, qui estoit un de ses domestiques, lui dit, qu'une femme chez laquelle ils avoient logé à Calmar le lui avoit addressé; son Altesse Royale depescha aussi-tost un des siens, avec ordre de faire des enquestes si exactes, qu'il put découvrir qui avoit fait cet escrit, & d'en venir aussi-tost rendre compte à la Reine. Cet homme apprist de cette hostesse à Calmar, qu'un Bourgeois de la Ville l'avoit prié de le faire tenir en Oenland au Prince de Suede. Cet homme interrogé dit, qu'on lui avoit envoyé de la Chancelerie de Stokolm. Ce Gentilhomme du Prince alla ensuite à Stokolm, & s'addressa au Comte Magnus, à qui le Prince de Suede escrivoit, & lui donna une lettre de Son Altesse Royale pour la Reine, avec ce libelle fermé, & cacheté, qui lui dit avoir esté envoyé à son Maistre par quelqu'un de la Chancelerie, ainsi qu'il s'en estoit informé. Le Comte Magnus se transporta aussi-tost chez la Reine, & sa Majesté n'eust pas plûtost veu cet escrit, qu'elle soupçonna celui qui l'avoit dressé: toutesfois comme elle n'en connoissoit point la main, ni le caractere, & qu'il estoit déja tard, elle jugea qu'il faloit attendre au lendemain, pour s'en mieux esclaircir, & proceder à cette découverte avec le plus de prudence, & de seureté qu'il seroit possible. Le lendemain, qui estoit un jour d'Ordinaire, & auquel elle avoit accoustumé de faire plusieurs depesches, elle envoya querir ses Secretaires, leur montra cette lettre, & leur demanda s'ils n'en connoissoient point le caractere; Il y en eust un qui dit, qu'il connoissoit point du tout la main qui avoit escrit le dedans de la lettre, mais oüy bien la suscription au Prince, & qu'il estoit fort trompé si un de ses Commis ne l'avoit escrit; la Reine lui commanda de le faire venir, & de ne lui parler de rien, ni à qui que ce soit sur peine de la vie, &, pour empescher qu'il ne se doutast point de l'affaire, sa Majesté lui dit de lui faire apporter quelques Registres au Conseil, comme si on avoit envie d'y voir dedans quelque chose: Cependant les autres Secretaires demeurerent dans la Chambre tandis qu'il allast chez lui, d'où il revint aussi-tost avec ce Commis. Sa Majesté s'addressant à luy, luy fit voir cette suscription de lettre qui s'addressoit au Prince, luy demanda s'il ne connoissoit point qui l'avoit escrit: Il dit sans hesiter que c'estoit lui; Alors la Reine lui ayant demandé qui la lui avoit fait escrire: Il respondit, qu'un de ses amis, qui demuroit à Stokolm, ne sçachant pas les tiltres du Prince de Suede, ni comment luy faire tenir ce pacquet en Oenland, le lui avoit envoyé fermé pour y mettre l'addresse, & le faire rendre à son Altesse Royale. Qui est cet ami? lui dit la Reine; C'est le fils de Messenius Historiographe de vostre Majesté, qui estoit celuy que la Reine soupçonnoit. Alors la Reine leur commanda à tous de ne point sortir de sa Chambre, & elle jugea que le jeune Messenius n'estant pas capable de dresser cette lettre; car il n'avoit encore que seize ou dix-sept ans, il faloit que ce fust le pere qui l'eust composée, & qui la lui eust fait escrire; Elle le fit arrester, & ensuite il lui fut aisé de se saisir du fils. Mais comme la Reine soupçonna que Messenius n'estoit pas seul dans cette affaire, & qu'il avoit plusieurs Complices; pour ne pas faire esclater la chose avant qu'elle en fust instruite, elle commanda au Comte Magnus d'envoyer dire à Messenius par un de ses domestiques, de le venir trouver, afin de lui oster toutes les deffiances qu'il eust pû avoir si le Prince, ou la Reine lui eust donné cet ordre. Le Comte Magnus y envoya un de ses Gardes, qui estoit ami de Messenius: cet Officier le recontra dans la rue; & le pria de la part du Comte, de le venir trouver, qu'il avoit quelque chose à lui dire: Ils allerent donc tous deux au Chasteau, & comme ils passerent devant le Corps de garde, qui est entre les deux portes, il lui dit, qu'il le faisoit prisonnier de la part de la Reine, & le fit entrer dans une Chambre, qui estoit proche du Corps de garde. Aussi-tost qu'il fust en seureté la Reine envoya chez lui, où l'on arresta son fils, & on scella par tout dans son logis. Le fils estant devant la Reine, cette Princesse lui demanda s'ils ne connoissoit point cet escrit: il lui respondit effrontement par deux fois, qu'il ne le connoissoit pas. Comment, lui dit la Reine, vous estes bien effronté, d'oser en ma presence soustenir ce mensonge, & devant des gens qui connoissent vostre escriture: car tous les Secretaires de la Reine, & leurs Commis estoient presens à cet interrogatoire. Alors ce pauvre miserable se prist à pleurer, se jetta aux pieds de sa Majesté, & lui demanda sa grace; il lui avoüa qu'il avoit dressé cet escrit sur quelques memoires de son pere; qu'il avoit cru rendre en cela un grand service à sa Patrie, & que son pere ne sçavoit pas ce que s'estoit de ce libelle. La Reine commanda qu'on le menast au Corps de garde, & qu'on fist montrer son pere. D'abord qu'il fust arrivé, la Reine lui faisant voir cette suscription, lui demanda s'il ne connoissoit point ce caractere. Il lui respondit que non: Considerez-lui bien, lui dit la Reine; alors il lui dit qu'il croyoit qu'il fust de son fils, mais qu'il ne la sçavoit pas bien certainement, & que si cela se verifioit, & que son fils se trouvast coupable, il seroit le premier à le condamner; qu'il estoit innocent de cette affaire, & qu'il n'estoit pas obligé de respondre des actions de son fils. La Reine le renvoya aussi-tost au Corps de garde avec ordre de les tenir separez, d'empescher qu'ils ne se parlassent, & de ne leur donner rien à manger que ce que les Officiers de sa cuisine leur apporteroient.
Le vingt-quatriéme du mois de Decembre la Reine leur donna des Commissaires pour les examiner; on les amena devant eux separement dés l'apresdînée, mais ils n'en purent tirer aucun esclaircissement: car le fils soustenoit qu'il estoit le seul autheur de ce libelle, que son pere n'y avoit aucune part, & qu'il ne sçavoit pas mesme qu'il eust fait. Le pere d'autre costé soustenoit qu'il estoit innocent, & qu'il n'estoit point meslé dans le crime de son fils. Le Lundi suivant on les examina pour la seconde fois, & quoy que les Juges les tinssent en leur Chambre jusques à sept heures du soir, ils n'en purent rien tirer; mais comme il estoit vray, qu'ils n'estoient pas les seuls auteurs de ce libelle, & que de la maniere, qu'il estoit conceu, ils avoient plusieurs Complices, on resolut de leur faire donner le lendemain la question ordinaire, & l'extraordinaire en cas qu'ils ne confessassent rien; Mais Messenius le pere, à la veuë des instrumens, qui estoient preparez pour les tourmenter, dit, qu'il connoissoit bien qu'il y avoit un Dieu au Ciel juste vengeur des crimes, & qu'il voyoit bien qu'il n'y avoit plus lieu d'eschaper à sa justice; qu'ainsi il vouloit descharger sa conscience, & dire plusieurs choses importantes à l'Estat, & qu'il seroit bien aise que ce fust devant la Reine. Les Commissaires, qui estoient des principaux du Senat, firent avertir la Reine, & la supplierent de venir prendre sa place au Conseil; Elle s'y rendit aussi-tost, & Messenius s'addressant à elle, il luy dit, qu'il luy protestoit qu'il n'estoit point l'autheur de ce libelle seditieux; que son fils seul l'avoit dressé sur quelques memoires qu'il luy avoit fournis, mais qu'il estoit vray que son fils le luy avoit communiqué apres qu'il l'eust composé, & qu'il ne l'avoit pas empesché, comme il le devoit, de l'envoyer au Prince de Suede, pour luy persuader, s'il avoit pû, de prendre les armes, & se rendre Maistre du Gouvernement. Qu'un Bourguemestre de Stokolm appellé Nils Nilsson, l'Escrivain de la Ville, un Prestre de Vestros, & quelques autres qu'il ne nomma pas, en avoient eu la participation; qu'il estoient d'accord d'aider au Prince, en cas qu'il voulust entendre à cette entreprise, & se faire Roy, l'asseurant qu'ils avoient parole, que les peuples, tant les Villes, que de la Campagne se sousleveroient en sa saveur. La Reine envoya se saisir des trois qu'il nomma, & comme le Bourguemestre Nilsson estoit assez aimé de la Bourgeoisie, on fit redoubler toutes les Gardes du Chasteau, & de la Ville, & mesme on posa un Corps de garde au Fauxbourg du Sud, afin d'empescher que l'emprisonnement de ces personnes ne put causer de desordre parmi le peuple. On envoya ensuite se saisir des autres qui estoient a la campagne, & on amena à Stokolm le Prestre de Vestros. Les Evesques qui estoit à l'Assemblée des Notables, qui se tenoit à Stokolm, estant avertis de l'arrest de ce Prestre, & de la qualité de son crime, deputerent à sa Majesté pour recevoir là-dessus ses ordres, & elle les deputa Juges de ce Prestre en cette matiere.
Messenius se voyant convaincu, & par consequent perdu, supplia sa Majesté, qu'il put encore une fois avant que de mourir, avoir l'honneur de baiser sa main. La Reine, qui estoit une Princesse extremement bonne, fust touchée de cela, & la luy presenta, mais elle luy reprocha sa perfidie, & son ingratitude. Car elle l'avoit fait sortir de prison, où il avoit esté quatorze ans; l'avoit fait son Historiographe, l'avoit annobli, & luy avoit donné deux mille Rischedales de rente en fonds de terre. Il confessa hautement que tout ce que il possedoit il le tenoit de la liberalité de la Reine; mais qu'il faloit qu'il luy dit que depuis trois ans que sa Majesté luy avoit fait perdre un procez, qu'il avoit contre sa sœur, il en avoit conceu une si grande adversion contre elle, qu'il ne la pouvoit plus souffrir, & qu'enfin il avoit juré sa perte.
Ce libelle estoit non seulement injurieux à la Reine, mais aussi au Connestable, au Chancelier, & au Comte Magnus, il y traitoit sa Majesté d'enfant, remontroit au Prince de Suede; qu'elle n'entendoit rien moins que le gouvernement du Royaume; qu'elle ne songeoit qu'aux jeux, & aux divertissemens, qui causeroient sans doute la ruine entiere de l'Estat; qu'elle avoit aliené tout son Domaine, & qu'elle donnoit tout aux Estrangers. Il la faisoit parler à son Maistre de Danse, pour luy faire des Balets; il luy faisoit demander combien il faloit d'argent pour luy en faire un; & ce Maistre de Danse luy avant répondu, qu'il cousteroit bien trente mille escus, il faisoit dire à sa Majesté: Quoy il ne faut que cela? Beaulieu, c'estoit le nom du Maistre de Danse, faites-le promptement, l'argent est tout prest à la Chambre des Comptes. Il faisoit ensuite de ce Bal parler cette Princesse à un de ses Valets de Chambre nommé Jean-Holme, & luy demandoit ce qu'on disoit par la Ville. Madame, luy disoit ce Valet de Chambre, le peuple est fort triste depuis que vostre Majesté ne danse plus de Balets; Jean Holme, appellez Beaulieu, respondoit la Reine, il faut divertir le peuple; Beaulieu étant venu, elle luy disoit: Il faut que vous me fassiez un Balet, mais que coûtera-t-il? Madame, il pourra couster vingt mille rischedales, luy repartoit Beaulieu. Allez à la Chambre des Comptes luy disoit la Reine, que l'on vous fournisse cette somme. Mais Madame, luy répondoit Beaulieu, il n'y a point d'argent à la Chambre. Faites ce que je vous dis, luy repartoit la Reine, j'en feray bien trouver. Il y avoit cent autres impostures contre la Reine dans ce libelle, afin d'animer contre elle, & le Prince, & le peuple, & porter tout le Royaume à un souslevement.
Il avertissoit son Altesse Royale de se donner de garde du Connestable, du Chancelier, & du Comte Magnus: il disoit, qu'ils obsedoient l'esprit de la Reine, qu'ils estoient cause qu'il n'avoit point de part au Gouvernement, qu'ils avoient resolu de ne luy en donner jamais, & qu'à cet effet ils se vouloient deffaire de luy; qu'il prist garde de ne point aller à Stokolm avant la Diette generale, qu'ils avoient dessein de l'empoisonner; qu'il ne se fiast point à la premiere, ni à la seconde Classe de la Noblesse, mais bien à la troisiéme, aux Prestres, aux Bourgeois, & aux Paisans. Ils luy conseilloient de prevenir ses Ennemis, & de se joindre aux bien-intentionnez pour le bien de la Patrie; qu'il n'avoit qu'à venir à Stokolm, s'il estoit en cette resolution, qu'il y trouveroit plus de secours qu'il ne pensoit. Que ceux qui luy donnoient ces consens estoient ses tres-fideles, & obeïssans sujets, qui se declareroient à luy, lorsqu'il en seroit temps: qu'il faloit qu'il prist exemple sur le Roy Charles, qui fit mourir les principaux du Senat, qui s'opposoient à sa grandeur, & à ses desseins; qu'il ne seroit jamais Roy autrement; qu'il faloit pour se mettre la Couronne sur la teste, qu'il fist mourir la Reine, & les Principaux de son Conseil, ce qui ne seroit pas difficile à l'aide de ses fidels sujets, qu'aprés cela il regneroit paisiblement, & heureusement au bien, & à l'avantage de toute la Suede.
Voila à peu pres la teneur de ce libelle, qui ne meritoit pas le feu que ses auteurs. Quand on leut ce libelle en plein Senat, le Connestable, le Chancelier, & le Comte Magnus se leverent, & prierent la Reine dé leur faire justice, & de leur permettre de se porter partie contre Messenius, & ses Complices.
On remarqua ensuite que le grand pere de ce Messenius avoit eu la teste coupée pour un crime presque semblable; que son pere estoit mort dans une prison, pour avoir voulu faire des cabales dans l'Estat, & que celuy-ci avoit déja esté quatorze ans en prison pour avoir parlé insolemment du Gouvernement. ...
... L'on executa les deux Messenius, le pere eut la teste tranchée à Stokolm, & on permist à ses parens d'enlever son corps pour l'enterrer, le fils fut mené hors du Fauxbourgh où on lui coupa le poing droit, & la teste, & ensuite on mist son corps en quatre quartiers, parce qu'il avoit dressé lui seul le Libelle diffamatoire, & seditieux dont je vous ay parlé, & que son pere n'en avoit eu la communication qu'apres qu'il avoit esté fait; c'est pourquoy sa mort fut plus douce: On mist en liberté ceux qu'ils accuserent, parce que l'on ne les pust convaincre, & on leur donna des lettres de pardon, on se contenta donc de faire mourir les deux Messenius, comme les principaux autheurs pour servir d'exemples aux autres, & retenir dans le devoir ceux qui auroient eu quelque pensée de s'en esloigner, & de troubler l'Estat. On ne donna point la question à Messenius le pere, parce qu'il dit à la Reine de Suede, que si on la luy faisoit souffrir, il reveleroit des choses dont sa Majesté mesme ne seroit pas bien aise d'estre informée, & voudroit par apres ne les avoir pas sceuës; c'est pourquoy on persuada à la Reine de ne point exiger de luy cette confession, & de le faire mourir promptement, & mesme de comprendre dans le pardon qu'elle donneroit au Bourguemestre Nilsson, & au Prestre, ceux qui pourroiẽt avoir eu part dãs leur conspiration. On craignoit qu'il n'accusast beaucoup de Grands, dont la punition peut-estre n'auroit pas esté facile, pour le credit qu'ils auroient parmi le peuple tant des Villes, que de la campagne; on disoit qu'il y avoit cinq copies de ce libelle dans le Royaume; mais l'on ne sçavoit pas entre les mains de qui, & il n'y avoit que le Prince de Suede, qui eut envoyé à la Reine celle qu'on luy avoit addressée. Sa Majesté, pour reconnoistre cette genereuse action, luy envoya un Gentil-homme de sa Chambre, pour luy en tesmoigner sa gratitude, & luy porter une boëtte de Diamans, dans laquelle estoit son Portrait, que l'on estimoit vingt mille escus; le Prince ensuite luy fit un autre present d'un Cabinet rempli de Medailles, qu'il avoit fait achepter à Nuremberg environ dix mille rischedales.
On dit ensuite de la mort de Messenius, qu'il entretenoit une estroite correspondance en Pologne, où il faisoit sçavoir tout ce qui se passoit en Suede, & les apparences qu'il y avoit d'une prochaine guerre civile, & que c'estoit le sujet pour lequel les Polonnois n'avoient point voulu traiter à Lubek, & s'êtoient retirez de l'Assemblée; ainsi, comme on tenoit cette relation veritable, il y avoit lieu d'esperer qu'apres cette descouverte, & cette punition exemplaire, les broüillons demeureroient dans le devoir, & que les Polonnois perdant l'esperance que la Suede fust pour se diviser, retourneroient à Lubek pour y traiter tout de bon la Paix, que la Suede consentiroit fort volontiers.
Ces libelles que l'on avoit fait courir par le Royaume alienerent un peu les esprits des peuples, & leur donnerent de mauvaises impressions du Gouvernement; il est vray que le peuple depuis ce temps-là parloit un peu librement, c'est pourquoy la Reine jugea necessaire de faire un tour par tout son Royaume, afin que sa presence fist rentrer un chacun dans le devoir, & conceut une meilleure opinion de sa conduite, & luy rendist l'obeissance à luy estoit deuë. On assigna donc le jour de son depart au 20 de Janvier, & elle devoit aller jusques à Gottembourg, qui est sur l'Ocean, & elle faisoit estat d'estre six semaines en son voyage.
With modernised spelling:
... On était fort occupé en Suède à découvrir les auteurs d'un libelle diffamatoire tendant à sédition, qui avait été adressé à Son Altesse Royale le prince de Suède, qui l'envoya à Sa Majesté aussitôt qu'il l'eût reçu; comme il était sans souscription, le prince de Suède voulait savoir d'où il venait. Celui qui lui avait présenté, qui était un de ses domestiques, lui dit qu'une femme chez laquelle ils avaient logé à Calmar le lui avait addressé; Son Altesse Royale dépêcha aussitôt un des siens, avec ordre de faire des enquêtes si exactes qu'il pût découvrir qui avait fait cet écrit, et d'en venir aussitôt rendre compte à la reine. Cet homme apprît de cette hôtesse à Calmar qu'un bourgeois de la ville l'avait prié de le faire tenir en Öland au prince de Suède. Cet homme interrogé dit qu'on lui avait envoyé de la chancellerie de Stockholm.
Ce gentilhomme du prince alla ensuite à Stockholm et s'adressa au comte Magnus, à qui le prince de Suède écrivait et lui donna une lettre de Son Altesse Royale pour la reine, avec ce libelle fermé et cacheté, qui lui dit avoir été envoyé à son maître par quelqu'un de la chancellerie, ainsi qu'il s'en était informé. Le comte Magnus se transporta aussitôt chez la reine, et Sa Majesté n'eût pas plutôt vu cet écrit qu'elle soupçonna celui qui l'avait dressé; toutefois, comme elle n'en connaissait point la main ni le caractère, et qu'il était déjà tard, elle jugea qu'il fallait attendre au lendemain pour s'en mieux éclaircir, et procéder à cette découverte avec le plus de prudence et de sûreté qu'il serait possible.
Le lendemain, qui étoit un jour d'ordinaire, et auquel elle avait accoutumé de faire plusieurs dépêches, elle envoya quérir ses sécrétaires, leur montra cette lettre, et leur demanda s'ils n'en connaissaient point le caractère. Il y en eut un qui dit qu'il connaissait point du tout la main qui avait écrit le dedans de la lettre, mais oui bien la suscription au prince, et qu'il était fort trompé si un de ses commis ne l'avait écrit. La reine lui commanda de le faire venir et de ne lui parler de rien, ni à qui que ce soit sur peine de la vie, et, pour empêcher qu'il ne se doutât point de l'affaire, Sa Majesté lui dit de lui faire apporter quelques régistres au Conseil, comme si on avait envie d'y voir dedans quelque chose. Cependant les autres sécrétaires demeurèrent dans la Chambre tandis qu'il allât chez lui, d'où il revint aussitôt avec ce commis.
Sa Majesté, s'adressant à lui, lui fit voir cette suscription de lettre qui s'adressait au prince, lui demanda s'il ne connaissait point qui l'avait écrit. Il dit sans hésiter que c'était lui; alors la reine lui ayant demandé qui la lui avait fait écrire. Il répondit qu'un de ses amis qui demeurait à Stockholm, ne sachant pas les titres du prince de Suède, ni comment lui faire tenir ce paquet en Öland, le lui avait envoyé fermé pour y mettre l'adresse et le faire rendre à Son Altesse Royale.
«Qui est cet ami?», lui dit la Reine.
«C'est le fils de Messenius, historiographe de Votre Majesté!», — qui était celui que la reine soupçonnait.
Alors la reine leur commanda à tous de ne point sortir de sa chambre, et elle jugea que le jeune Messenius n'étant pas capable de dresser cette lettre, car il n'avait encore que seize ou dix-sept ans, il fallait que ce fût le père qui l'eût composée, et qui la lui eût fait écrire. Elle le fit arrêter, et ensuite il lui fut aisé de se saisir du fils. Mais comme la reine soupçonna que Messenius n'était pas seul dans cette affaire, et qu'il avait plusieurs complices; pour ne pas faire éclater la chose avant qu'elle en fût instruite, elle commanda au comte Magnus d'envoyer dire à Messenius, par un de ses domestiques, de le venir trouver, afin de lui ôter toutes les défiances qu'il eût pu avoir si le prince ou la reine lui eût donné cet ordre.
Le comte Magnus y envoya un de ses gardes, qui était ami de Messenius; cet officier le rencontra dans la rue et le pria de la part du comte de le venir trouver, qu'il avait quelque chose à lui dire. Ils allèrent donc tous deux au château, et comme ils passèrent devant le corps de garde, qui est entre les deux portes, il lui dit qu'il le faisait prisonnier de la part de la reine et le fit entrer dans une chambre, qui était proche du corps de garde. Aussitôt qu'il fût en sûreté, la reine envoya chez lui, où l'on arrêta son fils, et on scéla partout dans son logis.
Le fils étant devant la reine, cette princesse lui demanda s'il ne connaissait point cet écrit; il lui répondit effrontément par deux fois qu'il ne le connaissait pas.
«Comment», lui dit la Reine, «vous êtes bien effronté d'oser en ma présence soutenir ce mensonge, et devant des gens qui connaissent votre écriture!» Car tous les sécrétaires de la reine, et leurs commis, étaient présents à cet interrogatoire.
Alors ce pauvre misérable se prit à pleurer, se jetta aux pieds de Sa Majesté, et lui demanda sa grace; il lui avoua qu'il avait dressé cet écrit sur quelques mémoires de son père; qu'il avoit cru rendre en cela un grand service à sa Patrie, et que son père ne savait pas ce que s'était de ce libelle. La reine commanda qu'on le menât au corps de garde et qu'on fît montrer son père.
D'abord qu'il fût arrivé, la reine, lui faisant voir cette suscription, lui demanda s'il ne connaissait point ce caractère. Il lui répondit que non.
«Considerez-lui bien», lui dit la reine; alors il lui dit qu'il croyait qu'il fût de son fils, mais qu'il ne la savait pas bien certainement, et que si cela se vérifiait, et que son fils se trouvât coupable, il serait le premier à le condamner; qu'il était innocent de cette affaire, et qu'il n'était pas obligé de répondre des actions de son fils.
La reine le renvoya aussitôt au corps de garde avec ordre de les tenir séparés, d'empêcher qu'ils ne se parlassent, et de ne leur donner rien à manger que ce que les officiers de sa cuisine leur apporteraient.
Le vingt-quatrième du mois de décembre, la reine leur donna des commissaires pour les examiner; on les amena devant eux séparément dès l'après-dîner, mais ils n'en purent tirer aucun esclaircissement, car le fils soutenait qu'il était le seul auteur de ce libelle, que son père n'y avait aucune part, et qu'il ne savait pas même qu'il eût fait. Le père, d'autre côté, soutenait qu'il était innocent, et qu'il n'était point mêlé dans le crime de son fils. Le lundi suivant on les examina pour la seconde fois, et quoique les juges les tinsent en leur chambre jusqu'à sept heures du soir, ils n'en purent rien tirer; mais comme il était vrai qu'ils n'étaient pas les seuls auteurs de ce libelle, et que de la manière qu'il était conçu ils avaient plusieurs complices, on résolut de leur faire donner le lendemain la question ordinaire, et l'extraordinaire en cas qu'ils ne confessassent rien. Mais Messenius le père, à la vue des instruments qui étaient preparés pour les tourmenter, dit qu'il connaissait bien qu'il y avait un Dieu au Ciel, juste vengeur des crimes, et qu'il voyait bien qu'il n'y avait plus lieu d'échapper à sa justice; qu'ainsi il voulait décharger sa conscience et dire plusieurs choses importantes à l'État, et qu'il serait bien aise que ce fût devant la reine.
Les commissaires, qui étaient des principaux du Sénat, firent avertir la reine et la supplièrent de venir prendre sa place au Conseil. Elle s'y rendit aussitôt, et Messenius s'adressant à elle, il lui dit qu'il lui protestait qu'il n'était point l'auteur de ce libelle séditieux; que son fils seul l'avait dressé sur quelques mémoires qu'il lui avait fournis, mais qu'il était vrai que son fils le lui avait communiqué apres qu'il l'eût composé et qu'il ne l'avait pas empêché, comme il le devait, de l'envoyer au prince de Suède, pour lui persuader, s'il avait pu, de prendre les armes et se rendre maître du gouvernement. Qu'un bourguemaître de Stockholm appellé Nils Nilsson, l'écrivain de la ville, un prêtre de Västerås, et quelques autres qu'il ne nomma pas, en avaient eu la participation; qu'il étaient d'accord d'aider au prince en cas qu'il voulût entendre à cette entreprise et se faire roi, l'assurant qu'ils avaient parole que les peuples, tant les villes, que de la campagne se soulèveraient en sa saveur.
La reine envoya se saisir des trois qu'il nomma, et comme le bourguemaître Nilsson était assez aimé de la bourgeoisie, on fit redoubler toutes les gardes du château et de la ville; et même on posa un corps de garde au faubourg du Sud, afin d'empêcher que l'emprisonnement de ces personnes ne put causer de désordre parmi le peuple. On envoya ensuite se saisir des autres qui étaient à la campagne, et on amena à Stockholm le prêtre de Västerås.
Les evêques qui était à l'Assemblée des Notables, qui se tenait à Stockholm, étant avertis de l'arrêt de ce prêtre et de la qualité de son crime, deputèrent à Sa Majesté pour recevoir là-dessus ses ordres, et elle les députa juges de ce prêtre en cette matière.
Messenius se voyant convaincu, et par consequent perdu, supplia Sa Majesté qu'il put, encore une fois avant que de mourir, avoir l'honneur de baiser sa main. La reine, qui était une princesse extrêmement bonne, fut touchée de cela, et la lui présenta; mais elle lui reprocha sa perfidie et son ingratitude. Car elle l'avait fait sortir de prison où il avait été quatorze ans, l'avait fait son historiographe, l'avait annobli, et lui avait donné deux mille riksdalers de rente en fonds de terre. Il confessa hautement que tout ce que il possédait il le tenait de la liberalité de la reine; mais qu'il fallait qu'il lui dit que depuis trois ans que Sa Majesté lui avait fait perdre un procès qu'il avait contre sa sœur. Il en avait conçu une si grande aversion contre elle qu'il ne la pouvait plus souffrir, et qu'enfin il avait juré sa perte.
Ce libelle était non seulement injurieux à la reine, mais aussi au connêtable, au chancelier, et au comte Magnus, il y traitait Sa Majesté d'enfant, rémontrait au prince de Suède; qu'elle n'entendait rien moins que le gouvernement du royaume; qu'elle ne songeait qu'aux jeux et aux divertissements, qui causeraient sans doute la ruine entière de l'État; qu'elle avait aliené tout son domaine, et qu'elle donnait tout aux étrangers. Il la faisait parler à son maître de danse, pour lui faire des ballets; il lui faisait demander combien il fallait d'argent pour lui en faire un; et ce maître de danse lui avant répondu qu'il couterait bien trente mille écus, il faisait dire à Sa Majesté: «Quoi il ne faut que cela? Beaulieu», — c'était le nom du maître de danse, — «faites-le promptement, l'argent est tout prêt à la Chambre des Comptes.»
Il faisait, ensuite de ce bal, parler cette princesse à un de ses valets de chambre, nommé Jean Holm, et lui demandait ce qu'on disait par la ville.
«Madame,» lui disait ce valet de chambre, «le peuple est fort triste depuis que Votre Majesté ne danse plus de ballets;
«Jean Holm, appellez Beaulieu», répondait la reine, «il faut divertir le peuple.»
Beaulieu étant venu, elle lui disait: «Il faut que vous me fassiez un ballet, mais que coutera-t-il?»
«Madame, il pourra couter vingt-mille riksdalers», lui répartait Beaulieu.
«Allez à la Chambre des Comptes», lui disait la reine, «que l'on vous fournisse cette somme.»
«Mais, Madame», lui répondait Beaulieu, «il n'y a point d'argent à la Chambre.»
«Faites ce que je vous dis», lui répartait la reine, «j'en ferai bien trouver.»
Il y avait cent autres impostures contre la reine dans ce libelle, afin d'animer contre elle, et le prince et le peuple, et porter tout le royaume à un soulèvement.
Il avertissait Son Altesse Royale de se donner de garde du connêtable, du chancelier, et du comte Magnus; il disait qu'ils obsédaient l'esprit de la reine, qu'ils étaient cause qu'il n'avait point de part au gouvernement, qu'ils avaient résolu de ne lui en donner jamais, et qu'à cet effet ils se voulaient défaire de lui; qu'il prît garde de ne point aller à Stockholm avant la Diète générale, qu'ils avaient dessein de l'empoisonner; qu'il ne se fiât point à la première, ni à la seconde classe de la noblesse, mais bien à la troisième, aux prêtres, aux bourgeois, et aux paysans. Ils lui conseillaient de prévenir ses ennemis et de se joindre aux bien-intentionnés pour le bien de la Patrie; qu'il n'avait qu'à venir à Stockholm, s'il était en cette résolution, qu'il y trouverait plus de secours qu'il ne pensait. Que ceux qui lui donnaient ces consens étaient ses très fidèles et obéissants sujets, qui se déclareraient à lui lorsqu'il en serait temps; qu'il fallait qu'il prît exemple sur le roi Charles, qui fit mourir les principaux du Sénat qui s'opposaient à sa grandeur et à ses desseins; qu'il ne serait jamais Roi autrement; qu'il fallait pour se mettre la couronne sur la tête, qu'il fît mourir la reine et les principaux de son Conseil, ce qui ne serait pas difficile à l'aide de ses fidels sujets, qu'après cela il régnerait paisiblement et heureusement au bien et à l'avantage de toute la Suède.
Voilà à peu près la teneur de ce libelle, qui ne méritait pas le feu que ses auteurs. Quand on leut ce libelle en plein Sénat, le connêtable, le chancelier, et le comte Magnus se lévèrent et prièrent la reine de leur faire justice et de leur permettre de se porter partie contre Messenius et ses complices.
On remarqua ensuite que le grand-père de ce Messenius avait eu la tête coupée pour un crime presque semblable; que son père était mort dans une prison pour avoir voulu faire des cabales dans l'État, et que celui-ci avait déjà été quatorze ans en prison pour avoir parlé insolemment du gouvernement. ...
... L'on exécuta les deux Messenius: le père eut la tête tranchée à Stockholm, et on permît à ses parents d'enlever son corps pour l'enterrer; le fils fut mené hors du faubourg, où on lui coupa le poin droit, et la tête, & ensuite on mît son corps en quatre quartiers, parce qu'il avait dressé lui seul le libelle diffamatoire et séditieux dont je vous ai parlé, et que son père n'en avait eu la communication qu'après qu'il avait été fait; c'est pourquoi sa mort fut plus douce. On mît en liberté ceux qu'ils accusèrent, parce que l'on ne les pût convaincre, et on leur donna des lettres de pardon, on se contenta donc de faire mourir les deux Messenius, comme les principaux auteurs pour servir d'exemples aux autres, et retenir dans le devoir ceux qui auraient eu quelque pensée de s'en éloigner, et de troubler l'État. On ne donna point la question à Messenius le père, parce qu'il dit à la reine de Suède que si on la lui faisait souffrir, il révèlerait des choses dont Sa Majesté-même ne serait pas bien aise d'être informée, et voudrait par après ne les avoir pas sues; c'est pourquoi on persuada à la reine de ne point exiger de lui cette confession, et de le faire mourir promptement, et même de comprendre dans le pardon qu'elle donneroit au bourguemaître Nilsson et au prêtre, ceux qui pourraient avoir eu part dans leur conspiration. On craignait qu'il n'accusât beaucoup de grands, dont la punition peut-être n'aurait pas été facile, pour le credit qu'ils auraient parmi le peuple tant des villes que de la campagne; on disait qu'il y avoit cinq copies de ce libelle dans le royaume, mais l'on ne savait pas entre les mains de qui, et il n'y avait que le prince de Suède qui eut envoyé à la reine celle qu'on lui avait adressée. Sa Majesté, pour reconnaître cette généreuse action, lui envoya un gentilhomme de sa chambre pour lui en témoigner sa gratitude et lui porter une boëtte de diamants, dans laquelle était son portrait, que l'on estimait vingt mille écus. Le prince ensuite lui fit un autre présent d'un cabinet rempli de médailles qu'il avait fait acheter à Nuremberg environ dix mille riksdalers.
On dit ensuite de la mort de Messenius, qu'il entretenait une étroite correspondance en Pologne, où il faisait savoir tout ce qui se passait en Suède, et les apparences qu'il y avait d'une prochaine guerre civile, et que c'était le sujet pour lequel les Polonais n'avaient point voulu traiter à Lübeck et s'étaient retirés de l'assemblée; ainsi, comme on tenait cette rélation véritable, il y avait lieu d'espérer qu'après cette découverte et cette punition exemplaire, les brouillons demeureraient dans le devoir, et que les Polonais perdant l'espérance que la Suède fût pour se diviser, retourneraient à Lübeck pour y traiter tout de bon la paix, que la Suède consentirait fort volontiers.
Ces libelles que l'on avait fait courir par le royaume alienèrent un peu les esprits des peuples, et leur donnèrent de mauvaises impressions du gouvernement; il est vrai que le peuple depuis ce temps-là parlait un peu librement, c'est pourquoi la reine jugea nécessaire de faire un tour par tout son royaume, afin que sa présence fît rentrer un chacun dans le devoir et conçut une meilleure opinion de sa conduite et lui rendît l'obéissance à lui était dûe. On assigna donc le jour de son départ au 20 de janvier, et elle devait aller jusqu'à Gothembourg, qui est sur l'océan, et elle faisait état d'être six semaines en son voyage.
English translation (my own):
They were very busy in Sweden in discovering the authors of a defamatory libel tending to sedition, which had been addressed to His Royal Highness the Prince of Sweden, who sent it to Her Majesty as soon as he had received it; as it was without subscription, the Prince of Sweden wanted to know where it came from. He who had introduced it to him, who was one of his servants, told him that a woman with whom they had lodged in Kalmar had addressed it to him; His Royal Highness immediately dispatched one of his men, with orders to make such exact inquiries that he was able to find out who had made this writing, and to report it to the Queen at once. This man learned from this hostess in Kalmar that a citizen of the town had asked him to have it delivered in Öland to the Prince of Sweden. This man, when questioned, said that it had been sent from the Chancellery in Stockholm.
This gentleman of the Prince then went to Stockholm and addressed himself to Count Magnus, to whom the Prince of Sweden was writing, and gave him a letter from His Royal Highness for the Queen, with this writing enclosed and sealed, which, as it was told to him, had been sent to his master by someone from the Chancellery, as he had informed himself. Count Magnus immediately went to the Queen, and Her Majesty had no sooner seen this writing than she suspected the one who had drawn it up. However, as she did not know the handwriting, nor the character, and it was already late, she judged that it was necessary to wait until the next day to be better understand, and to proceed in this discovery with the utmost caution and security possible.
The next day, which was mail day, and to which she was accustomed to making several dispatches, she sent for her secretaries, showed them this letter, and asked them whether or not they knew its character. There was one who said that he did not know at all the hand which had written the inside of the letter, but heard indeed the address to the Prince, and that he was greatly deceived if one of his clerks had not written it. The Queen ordered him to summon him, and to speak neither to him nor to anyone about anything on pain of his life, and, to prevent him from suspecting the matter, Her Majesty told him to have him bring some registers to the Council, as if one wanted to see something in it. However, the other secretaries remained in the room while he went to his house, whence he returned immediately with this clerk.
Her Majesty, addressing herself to him, showed him this superscription of a letter addressed to the Prince and asked him if he did not know who had written it. He said without hesitation that it was him. Then, the Queen having asked him who had made him write it, he replied that one of his friends, who lived in Stockholm, not knowing the titles of the Prince of Sweden, nor how to get this package to him in Öland, had sent it closed to put the address there, and have it returned. to His Royal Highness.
"Who is this friend?", the Queen asked him.
"It is the son of Messenius, Your Majesty's historiographer!" — the one whom the Queen had suspected.
Then the Queen ordered them all not to leave her chamber, and she judged that the young Messenius was not capable of writing this letter, for he was still only sixteen or seventeen years old; it must have been the father who had composed it and made him write it. She had him arrested, and then it was easy for her to seize the son. But the Queen suspected that Messenius was not alone in this affair and that he had several accomplices, therefore, so as not to explode the matter before she was informed of it, she ordered Count Magnus to send to Messenius, through one of his servants, to come and find him, in order to take away all the mistrust he might have had if the Prince or the Queen had given him this order.
Count Magnus sent there one of his guards, who was a friend of Messenius. This officer met him in the street and prayed him on behalf of the Count to come and see him, that he had something to say to him. So they both went to the castle, and as they passed in front of the guardhouse, which is between the two doors, he told him that he was taking him prisoner on behalf of the Queen, and made him enter a room which was close to the guardhouse. As soon as he was in security the Queen sent him home, where they arrested his son, and they sealed everything in his lodge.
The son being before the Queen, this princess asked him if he did not know this writing. He replied shamelessly twice that he did not know it.
"How," the Queen asked him, "can you be so shameless as to dare in my presence to support this lie, and in front of people who know your handwriting!" For all the Queen's secretaries, and their clerks were present at this examination.
Then this poor wretch began to cry, threw himself at Her Majesty's feet, and begged for her grace. He confessed to her that he had drawn up this writing on some memoirs of his father, that he thought he was rendering a great service to his country in doing this, and that his father did not know what was involved in this libel. The Queen ordered him to be taken to the guardhouse and his father to be shown to her.
As soon as he had arrived, the Queen, showing him this address, asked him if he did not know this character. He told her no.
"Consider it well," said the Queen to him; then he told her that he believed that it was from his son, but that he certainly did not know it very well, and that if this were true, and his son were found guilty, he would be the first to condemn him, that he was innocent of this affair, and that he was not obliged to answer for the actions of his son.
The Queen immediately sent him back to the guards, with orders to keep them separated, to prevent them from speaking to each other, and to give them nothing to eat except what the officers of her kitchen brought them.
On the 24th of December the Queen gave them commissaries to examine them. They were brought before them separately in the afternoon, but they could not get any clarification, for the son maintained that he was the sole author of this libel, that his father had no part in it, and that he did not even know he would have done it. The father, on the other hand, maintained that he was innocent and that he was not involved in the crime of his son. The following Monday they were examined for the second time, and although the judges held them in their chambers until seven in the evening, they could not get anything out; but as it was true that they were not the only authors of this libel, and that, as it was conceived, they had several accomplices, it was resolved to make them give the ordinary question the next day, and the extraordinary in the event that they did not confess anything. But Messenius the father, seeing the instruments which were prepared to torture them, said that he well knew that there was a God in Heaven justly avenging crimes, and that he saw clearly that there was no longer reason to escape His justice, that in this way he wished to discharge his conscience, and say several important things to the State, and that he would be very glad if it were before the Queen.
The Commissaries, who were principal members of the Senate, sent word to the Queen, and begged her to come and take her place in the Council. She went there immediately, and Messenius addressing her, he told her that he protested to her that he was not the author of this seditious libel, that his son alone had drawn it up on a few memoirs that he had provided him with, but that it was true that his son had communicated it to him after he had composed it, and that he had not stopped him, as he should, from sending it to the Prince of Sweden to persuade him, if he had been able, to take up arms and to make himself master of the government; that the mayor of Stockholm, Nils Nilsson, the city writer, a priest from Västerås, and a few others whom he did not name, had participated, whom he agreed to help the Prince, in case he wanted to hear this enterprise, and make himself king, assuring him that they had their word, that the people, both in the towns and in the countryside, would rise up in his favour.
The Queen sent to seize the three whom he named, and as the mayor Nilsson was quite loved by the bourgeoisie, all the guards of the castle and the city were redoubled, and a body of guards was even set up at the southern suburb, in order to prevent the imprisonment of these men from causing disorder among the people. Then they sent to seize the others who were in the countryside, and the priest of Västerås was brought to Stockholm.
The bishops who were at the Assembly of Notables, which was held in Stockholm, being informed of the judgment of this priest, and of the quality of his crime, depended on Her Majesty to receive her orders thereon, and deputed judges of this priest in this matter.
Messenius, seeing himself convicted, and therefore lost, begged Her Majesty that he could once again, before he died, have the honour of kissing her hand. The Queen, who was an extremely good princess, was touched by this and presented it to him, but she reproached him for his perfidy and his ingratitude. For she had him released from prison, where he had been for fourteen years, she had made him her historiographer, she had ennobled him, and she had given him 2,000 riksdalers of income in land. He loudly confessed that whatever he owned he got from the Queen's liberality. But he had to tell her that three years earlier Her Majesty had caused him to lose a lawsuit he had against his sister, he had conceived such a great aversion against her that he could no longer stand her, and that at last he had sworn his loss.
This libel was not only injurious to the Queen, but also to the Constable, to the Chancellor, and to Count Magnus, there he treated Her Majesty as a child, remonstrated with the Prince of Sweden; that she understood nothing less than the government of the kingdom; that she thought only of games and amusements, which would undoubtedly cause the entire ruin of the State; that she had alienated her whole domain, and that she gave everything to foreigners. He made her speak to her dance master to have her ballets; he made him ask how much money he needed to give her one; and this dance master answered her beforehand that it well would cost 30,000 crowns, he made Her Majesty say: "What is all that is needed? Beaulieu" — that was the name of the dance master, — "do it promptly; the money is all ready at the Chamber of Accounts."
He then made this ball talk about this princess to one of her valets, named Johan Holm, and asked him what was being said by the town.
"Madame," said this valet to her, "the people are very sad since Your Majesty no longer dances ballets."
"Johan Holm, call Beaulieu," replied the Queen, "we must entertain the people."
Beaulieu having come, she said to him: "You must have a ballet for me, but what will it cost?"
"Madame, it may cost 20,000 Riksdalers," Beaulieu replied.
"Go to the Chamber of Accounts," said the Queen to him, "and be provided with this sum."
"But Madame," replied Beaulieu, "there is no money in the Chamber."
"Do what I tell you," returned the Queen to him, "I will do well to find it."
There were a hundred other impostures against the Queen in this libel, in order to animate against her, and the prince, and the people, and bring the whole kingdom to revolt.
He warned His Royal Highness to take custody of the Constable, the Chancellor, and Count Magnus. He said that they obsessed the Queen's mind, that they were the cause that he had no part in the government, that they had resolved never to give him any, and that for this purpose they wanted to deal with him, that he took care not to go to Stockholm before the general Riksdag, that they intended to poison him, that he did not trust the first or the second class of the nobility, but well the third, the priests, the bourgeois, and the peasants. They advised him to warn his enemies and to join with the well-intentioned for the good of the country, that he had only to come to Stockholm, if he was in this resolution, that he would find there more help than he thought, that those who gave him this consent were his very faithful and obedient subjects who would declare to him, when the time was right, that he should take the example of King Charles, who put to death the principal members of the Senate who opposed his greatness and his designs; that he would never be king otherwise; that it was necessary to put the crown on his head, that he put the Queen to death, and the principals of her council, which would not be difficult with the help of his faithful subjects, that afterwards he would reign peacefully and fortunately for the good and the advantage of all Sweden.
Here is more or less the tenor of this libel, which did not deserve the fire of its authors. When this libel was read in the middle of the Senate, the Constable, the Chancellor, and the Count Magnus rose and begged the Queen to do them justice and to allow them to take part against Messenius and his accomplices.
It was then observed that the grandfather of this Messenius had had his head cut off for an almost similar crime, that his father had died in a prison for having wanted to make cabals in the State, and that the latter had already been fourteen years in prison for having spoken insolently of the government. ...
... The two Messeniuses were executed: the father had his head cut off in Stockholm, and his parents were allowed to remove his body to bury it; the son was led out of the suburb where his right fist was cut off, and the head, and then they cut his body in four quarters, because he alone had drawn up the defamatory and seditious libel of which I have spoken to you, and that his father had not had the communication of it until after that it had been done; that is why his death was better. Those they accused were set free, because they could not be convicted, and letters of pardon were given to them, so they contented themselves with killing the two Messenius, as the principal authors, to serve as examples for the others, and retain in duty those who would have thought of departing from them, and of disturbing the State. The question was not given to Messenius the father, because he said to the Queen of Sweden that if they made him suffer, he would reveal things of which Her Majesty herself would not be glad to be informed and would wish afterwards not to have known them; this is why the Queen was persuaded not to require this confession of him and to put him to death promptly, and even to understand in the pardon she would give to the mayor Nilsson, and to the priest, those who might have taken part in their conspiracy. It was feared that he would accuse many of the great people whose punishment perhaps would not have been easy, for the credit they would have among the people, both in the towns and in the countryside. It was said that there were five copies of this libel in the kingdom; but it was not known in whose hands, and there was only the Prince of Sweden, who had sent to the Queen that which had been addressed to her. Her Majesty, to recognise this generous action, sent him a gentleman of her chamber, to show him her gratitude, and to bring him a box of diamonds, in which was her portrait, which was estimated at twenty thousand crowns; the Prince then made her another present from a cabinet full of medals, which he had bought at Nuremberg for about ten thousand Riksdalers.
It is then said of the death of Messenius that he maintained a close correspondence in Poland, where he made known everything that was happening in Sweden, and the appearances that there was a coming civil war, and that it was was the subject on which the Poles had not wished to treat at Lübeck, and had withdrawn from the Assembly; thus, as one held this true relation, there was reason to hope that, after this discovery and this exemplary punishment, the drafts would remain in the duty, and that the Poles, losing the hope that Sweden was to be divided, would return to Lübeck to treat peacefully there, which Sweden would willingly consent to.
These libels which had been circulated through the kingdom alienated the minds of the people a bit and gave them bad impressions of the government; it is true that the people at that time were speaking a little freely, which is why the Queen deemed it necessary to take a tour of all her kingdom, so that her presence would make everyone return to duty, form a better opinion of her conduct, and return her due obedience. The day of her departure was therefore assigned to the 20th of January [1652], and she was to go as far as Gothenburg, which is on the ocean, and she stated that she was six weeks on her journey.
Above: Kristina.
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