Source:
Christine de Suède et la cardinal Azzolino. Lettres inédites (1666-1668), Carl Bildt, 1899
Kristina wrote this letter to Cardinal Decio Azzolino on June 6, 1668.
The letter (with modernised spelling):
Hambourg, 6 juin 1668.
Vous me grondez à tort dans votre lettre du 12 passé sur le sujet de mon voyage en Suède, mais comme je vous estime et honore infiniment, je le souffre sans me plaindre de vous. Je ne vous ai rien dit que ne fût très véritable touchant les affaires de Suède, et je vous dis encore qu'elles sont dans la plus favorable disposition du monde pour moi. Cela n'empêche pas qu'il n'y ait du danger et du risque en ce voyage, et c'est pour moi un grand malheur qu'un homme clairvoyant et un si grand politique que vous puisse avoir peine à comprendre ces vérités. Pour vous les expliquer en peu de paroles, je vous dirai que tout ce qui commande en Suède me craint et me hait, et que tout ce qui obéit m'aime et me désire. Après cela, jugez ce que je dois et espérer et craindre. On ne me craint et on ne me hait que parce qu'on m'aime, et ma gloire et ma fortune forment toute mon appréhension. Le temps vous fera comprendre toutes ces vérités. Pour moi, ce sera la dernière fois que je vous en parlerai, et je vous laisserai la liberté et le plaisir de croire aux rapports des autres de qui vous croyez prendre le meilleures informations; vous assurant cependant que je n'aime pas assez la vie pour ne l'exposer pas en cette occasion, si j'étais bien assurée de ne courir pas autre risque que celui que de la perdre. J'ai perdu tout ce qui pourrait me la rendre agréable, et après cette perte, je ne suis pas en état ni en volonté de la ménager, et je ne saurais regarder le jour de ma mort que comme le plus heureux de ma vie, puisqu'il en sera le dernier. Après cela je dirai que vous me parlez d'un air de mes affaires particulières qui me semble un peu extraordinaire, mais je souffre tout de vous; et, pour votre consolation, je vous dirai seulement que mon retour à Rome n'est pas encore si proche que vous l'appréhendez. Votre félicité ne sera pas troublée de longtemps par ma présence, et si je puis, comme j'espère, vaincre la force d'une fatalité qui m'attache à Rome, j'irai chercher un coin du monde où la pauvreté ne soit pas une infamie comme elle l'est à Rome, et où j'aurai du moins cette consolation que la mienne ne me sera pas éternellement reprochée de vous. Je ne vous réponds pas sur le chapitre des dettes; je ne [sic] vous dirai seulement qu'il y a des gens plus riches que moi qui en font, mais que j'ai de quoi les payer et que [j']y satisferai quand je pourrai. J'ai trop de considération pour vous, pour vous dire rien de plus.
Votre comédie est toute belle, elle est l'antidote de vos lettres; mais, hélas! mes maux sont véritables et leurs remèdes sont des poésies. Tout cela ne m'empêchera pas de vous être jusqu'à la mort ce que [je] vous suis. — Adieu.
English translation (my own):
Hamburg, June 6, 1668.
You scold me wrongly in your letter of the 12th of last month on the subject of my journey to Sweden, but as I esteem and honour you infinitely, I suffer it without complaint. I have said nothing to you that is not very true concerning the affairs of Sweden, and I also tell you that they are in the most favourable disposition of the world for me. This does not prevent there being danger and risk in this journey, and it is a great misfortune to me that a clairvoyant man and such a great politician as you can find it difficult to understand these truths. To explain them to you in a few words, I will tell you that all those who command in Sweden fear and hate me, and that all those who obey love and desire me. After that, judge what I should hope and fear. They fear me and hate me only because they love me, and my glory and my fortune form all my apprehension. Time will make you understand all of these truths. For me, this will be the last time that I will speak to you about it, and I will leave you the freedom and the pleasure to believe in the reports of the others from whom you believe to take the best information; assuring you, in the meantime, that I do not love life enough not to expose it on this occasion, if I was quite sure of running no other risk than that of losing it. I have lost everything that could make it pleasant to me, and after this loss, I am neither in a state nor in the will to spare it, and I can only regard the day of my death as the happiest of my life, since it will be the last. After that I will say that you speak to me in an air of my private affairs which seems a little extraordinary to me, but I suffer all from you; and, for your consolation, I will only tell you that my return to Rome is not yet so near as you apprehend. Your felicity will not be disturbed for long by my presence, and if I can, as I hope, overcome the force of a fatality which binds me to Rome, I will seek a corner of the world where poverty is not such an infamy as it is in Rome, and where I will at least have this consolation that mine will not be eternally reproached to me from you. I am not answering you on the chapter of debts; I will only tell you that there are people richer than me who make it, but that I have enough to pay for them and that I will satisfy them when I can. I have too much regard for you to tell you anything more.
Your comedy is very beautiful, it is the antidote to your letters; but alas! my ills are veritable and their remedies are poems. All this will not prevent me from being to you until death what I am to you. — Goodbye.
Above: Kristina.
Above: Cardinal Decio Azzolino.
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