Sources:
Christine de Suède et la cardinal Azzolino. Lettres inédites (1666-1668), Carl Bildt, 1899
Kristina wrote this letter to Cardinal Decio Azzolino on May 23, 1668.
The letter:
23 May 1668 —
Vostre lestre du 28 passe est plaine de sentiments de tan damitie pour moy quon ne peut Vous en estre plus oblige que ie Vous la suis. quelle ioye pour moy de Voir les obligentes reflexion que Vous faittes, Sur nostre accidant, et mesme sur nos lestres. Vous Conoistrez que ie les ay fait de mesme que Vous, et Jl y a quelque Chose si admirable en toutte les Circonstances de cette avanture, que ie Vous advoue que ie ne Voudrois pas pour tout lor du monde quelle ne fust arrive. ie la prens pour un oracle du ciel qui explique nostre destin, et pour moy iy Consens de tout mon Coeur.
la paix est ausi asseure que Vous le savez et lon ne parle presentement que de licenciement de gens de gerre de tout Costes. Cepandant la triple Aliance entre Ollande lAngleterre et la Suede et signe, mais la Suede nen tirera ou peu ou poin dargent, et ie la Vois ausi mal en les affaires de tout Costes quun estat le puisse estre au monde. la diette est Comme ie Vous ay dit irrevocable, mais ie viens de faire vn grande perte par la mort que ie Crois desia peut estre arrive dun gentilhomme qui devoit estre le president de la noblesse dans cette diette. on mescrit quil estoit desespere et quon n'attendoit que le moment de le Voir expirer. Cest pour moy vn perte irreparable en cette occasion. la noblesse lavoit Chosẏ pour leur Cheff dans la derniére diette passe, pour succeder au vne austre quil la este dans les derniere temps. il estoit tres suspects a la regence pour on la voulu l'envoier hors du pay sous des spesieux pretextes pour lesloinger mais Jl na pas voulu, et tout Cela pour lamour de moy, Car on le Conoist affectionne a mes interest. quant iallay en Suede on luy donna une Commission en finlande pour lesloinger et pour menpecher de luy parler et de le Voir. mais ninporte Celon toutte les apparence celluy qui luy succedera sera ausi de mes amis Car parmis la noblesse il y a peu de gens Capables dvne telle Charge qui ne me soit entierement devoue. mais cela nenpeche pas que ie ne regrette fort cette perte. sil est mort, Jl meurt dun maladie contagieuse qui Court presentement en Suede et qui est Comme une espece de peste qui fait mourir des paroisses entieres san quil y reste vne asme Vivante Cette mortalite se mesle ausi parmy les gens de Condition et fait mourir des famillies entieres en deux et trois iours. il ny a du reste rien de nouveaux de Suede et dycy il ny a rien si non que Vrangel a este Contremande de Venir en Suede, Jl sera icy dans quise iour ou trois semaines.
Je vous envoy vne lestre de Change qui sera bientost accompange dune austre Car ie force par la iustice le marchant de lubeck a me paẏer. ayez un peu de pacience et soiez persuade que ie Vous renderay satisfait de moy
Ie ne puis Vous expliquer la satisfaction que me donne la nouvelle de la parfaitte et bonne sante du pape dieu Conserve sa S.te de longes annees en cette estat. ausi fautJl que ie Vous dise ma ioye de Voir que sa S.te habite dans le palais de S.t piere et quelle si trouve si bien. Vous savez Combien iame le Vatican, et Combien iay souhaitte de le Voir habite par le pape, mais de le Voir occupe par Clement neuf se sera pour moy la plus agreable Vision du monde. en effect ils sont faits lun pour laustre, le Vatican est fait expres pour loger le maistre de lunivers, et nostre Clement est digne de lestre. ne maccusez pas de linterest du Voisinage, Car en Verite ie ne le Considere pas, et iyray avec ioye iusques au bout du monde Voir ce Gran pape.
apres cela Jl faut que ie Vous Conte ma douleur pour le suiet du pauvre pezza qui est en un estat qui me fait Craindre pour luy. depuis son accident appoplectique Jl nest sest iamais entierement remis. on fait toutte les diligences possibles et humaines pour les Conserver, et Jespere quil ne seront pas inutiles, mais ie Vous advue que je Crains. Vous saurez du marquis del Monte et du medicin les particularites. toutte la maison est malade, et moy mesme ie me porte pas le mieux du monde mon mal de Coste gauche, que ie Croẏois gerri ne lest nullement et me tourmente autan et plus que iamais. Ce maudit paẏs nesparnge personne et ny la ieunesse ny la force ne peuvent luy resister, si la diette ne finist bientost ie pense que nous y mourerons touts tans que nous sommes. pour moy ẏ ay Contracte vne intenperie qui minCommodera le reste de ma vie. mais pacience.
Jattens avec impacience le reste de vostre Commedie, et Vous prie de remercier le Card.l Raggi de sort ma part du souvenir quil a de moy et ditte luy de ma part que Celon la mode du pay ou nous sommes ie boiray a sa sante de tout mon Coeur, de leau excellente quil ma enVoie, dont ie luy suis obligee. adieu
With modernised spelling:
Hambourg, 23 mai 1668.
Votre lettre du 28 passé est pleine de sentiments de tant d'amitié pour moi, qu'on ne peut vous en être plus obligée que je vous la suis. Quelle joie pour moi de voir les obligeantes réflexions que vous faites sur notre accident et même sur nos lettres! Vous connaîtrez que je les ai faites de même que vous, et il y a quelque chose si admirable en toutes les circonstances de cette aventure, que je vous avoue que je ne voudrais pas pour tout l'or du monde qu'elle ne fût arrivée. Je la prends pour un oracle du ciel qui explique notre destin, et pour moi j'y consens de tout mon cœur.
La paix est aussi assurée que vous le savez, et l'on ne parle présentement que de licenciement de gens de guerre de tous côtés. Cependant la triple alliance entre [la] Hollande, l'Angleterre et la Suède est signée; mais la Suède n'en tirera ou peu ou point d'argent, et je la vois aussi mal en les affaires de tous côtés qu'un État le puisse être au monde. La Diète est, comme je vous ai dit, irrévocable; mais je viens de faire une grande perte par la mort, que je crois déjà peut-être arrivée, d'un gentilhomme qui devait être le président de la noblesse dans cette Diète. On m'écrit qu'il était désespéré, et qu'on n'attendait que le moment de le voir expirer. C'est pour moi une perte irréparable en cette occasion. La noblesse l'avait choisi pour leur chef dans la dernière Diète passée, pour succéder à un autre qui l'a été dans les derniers temps. Il était très suspect à la régence; on l'a voulu envoyer hors du pays, sous des spécieux prétextes pour l'éloigner, mais il n'a pas voulu; et tout cela pour l'amour de moi, car on le connaît affectionné à mes intérêts. Quand j'allai en Suède, on lui donna une commission en Finlande pour l'éloigner et pour m'empêcher de lui parler et de le voir. Mais, n'importe, selon toutes les apparences, celui qui lui succédera sera aussi de mes amis, car parmi la noblesse il y a peu de gens capables d'une telle charge qui ne me soient entièrement dévoués. Mais cela n'empêche pas que je ne regrette fort cette perte. S'il est mort, il meurt d'une maladie contagieuse qui court présentement en Suède, et qui est comme une espèce de peste, qui fait mourir des paroisses entières sans qu'il y reste une âme vivante. Cette mortalité se mêle aussi parmi les gens de condition et fait mourir des familles entières en deux et trois jours. — Il n'y a, du reste, rien de nouveau de Suède, et d'ici il n'y a rien, sinon que Wrangel a été contremandé de venir en Suède; il sera ici dans quinze jours ou trois semaines.
Je vous envoie une lettre de change qui sera bientôt accompagnée d'une autre, car je force par la justice le marchand de Lübeck à me payer. Ayez un peu de patience et soyez persuadé que je vous rendrai satisfait de moi.
Je ne puis vous expliquer la satisfaction que me donne la nouvelle de la parfaite et bonne santé du pape. Dieu conserve Sa Sainteté de longues années en cet état! Aussi faut-il que je vous dise ma joie de voir que Sa Sainteté habite dans le palais de Saint-Pierre et qu'elle s'y trouve si bien. Vous savez combien j'aime le Vatican, et combien j'ai souhaité de le voir habité par le pape; mais de le voir occupé par Clément IX, ce sera pour moi la plus agréable vision du monde. En effet, ils sont faits l'un pour l'autre; le Vatican est fait exprès pour loger le maître de l'univers, et notre Clément est digne de l'être. Ne m'accusez pas de l'intérêt du voisinage, car, en vérité, je ne le considère pas, et j'irais avec joie jusqu'au bout du monde voir ce grand pape.
Après cela il faut que je vous conte ma douleur pour le sujet du pauvre Pezza, qui est en un état qui me fait craindre pour lui. Depuis son accident apoplectique, il ne s'est jamais entièrement remis. On fait toutes les diligences possibles et humaines pour le conserver, et j'espère qu'elles ne seront pas inutiles, mais je vous avoue que je crains. Vous saurez du marquis del Monte et du médecin les particularités. — Toute la maison est malade, et moi-même je [ne] me porte pas le mieux du monde. Mon mal de côté gauche, que je croyais guéri, ne l'est nullement et me tourmente autant et plus que jamais. Ce maudit pays n'épargne personne; ni la jeunesse ni la force ne peuvent lui résister; si la Diète ne finit bientôt, je pense que nous y mourrons tous tant que nous sommes. Pour moi, j'y ai contracté une intempérie qui m'incommodera le reste de ma vie; mais, patience!
J'attends avec impatience le reste de votre comédie, et vous prie de remercier le cardinal Raggi du souvenir qu'il a de moi et dites-lui de ma part que, selon la mode du pays où nous sommes, je boirai à sa santé, de tout mon cœur, de l'eau excellente qu'il m'a envoyée, dont je lui suis obligée. — Adieu.
English translation (my own):
May 23, 1668.
Your letter of the 28th of last month is full of sentiments of so much friendship for me that one cannot be more obliged to you than I am. What a joy for me to see the obliging reflections you make on our accident and even on our letters! You will know that I did them as you did, and there is something so admirable in all the circumstances of this adventure, that I confess to you that I would not wish for all the gold in the world that it had not happened. I take it for an oracle from heaven who explains our destiny, and for me I agree with all my heart.
Peace is as secure as you know, and there is talk at the moment of the dismissal of warriors on all sides. However the triple alliance between Holland, England and Sweden is signed; but Sweden will derive little or no money from it, and I see it as badly in affairs on all sides as a state can be in the world. The Riksdag is, as I told you, irrevocable; but I have just suffered a great loss through the death, which I believe has perhaps already happened, of a gentleman who was to be the president of the nobility in this Riksdag. They wrote to me that he was in despair, and that they were only waiting for the moment to see him expire. It is for me an irreparable loss on this occasion. The nobility had chosen him for their leader in the last past Riksdag, to succeed another who was in later times. He was very suspicious of the regency; they wanted to send him out of the country, under specious pretexts to drive him away, but he did not want to; and all this for the love of me, because he is known affectionate to my interests. When I went to Sweden, he was given a commission in Finland to get him away and to prevent me from talking to him and seeing him. But, no matter what, by all appearances, the one who succeeds him will also be a friend of mine, for among the nobility there are few people capable of such a charge who are not entirely devoted to me. But that does not prevent me from deeply regretting this loss. If he is dead, he has died of a contagious disease which is currently circulating in Sweden, and which is like a kind of plague which kills entire parishes without a living soul remaining. This mortality is also mixed among the people of condition and kills entire families in two and three days. — There is, moreover, nothing new from Sweden, and there is nothing from here except that Wrangel has been ordered to come to Sweden; he will be here in a fortnight or three weeks.
I am sending you a bill of exchange which will soon be accompanied by another, because I am legally compelling the merchant from Lübeck to pay me. Have a little patience and be sure that I will make you satisfied with me.
I cannot explain to you the satisfaction I receive from the news of the Pope's perfect and good health. May God keep His Holiness for many years in this state! So I must tell you my joy to see that His Holiness lives in the palace of Saint Peter and that he is so well there. You know how much I love the Vatican and how much I wished to see it inhabited by the Pope; but to see it occupied by Clement IX, that will be for me the most pleasant vision in the world. Indeed, they are made for each other; the Vatican is made expressly to house the master of the universe, and our Clement is worthy of it. Do not accuse me of the interest of the neighbourly relations, because, in truth, I do not consider it, and I would go with joy to the end of the world to see this great Pope.
After that I must tell you about my pain on the subject of poor Pezza, who is in a state which makes me fear for him. Since his apoplectic accident, he has never fully recovered. We are using all possible and humane diligence to preserve him, and I hope they will not be useless, but I confess that I am afraid. You will know the particularities from the Marquis del Monte and the doctor. — The whole house is sick, and I myself am not doing the best in the world. My left side pain, which I believed to be cured, is not at all and torments me as much and more than ever. This cursed country spares no one; neither youth nor strength can resist it; if the Riksdag doesn't end soon, I think we'll all die here. For myself, I contracted a bad weather there which will inconvenience me the rest of my life; but, patience!
I look forward to the rest of your comedy and beg you to thank Cardinal Raggi for remembering me and tell him on my behalf that, according to the fashion of the country where we are, I will drink to his health, with all my heart, the excellent water which he has sent me, for which I am obliged to him. — Goodbye.
Above: Kristina.
Above: Cardinal Decio Azzolino.
Notes: The peace of Aix-la-Chapelle was signed on May 2, 1668.
"The president of the nobility in this Riksdag" = Baron Johan Gyllenstierna.
Clement IX also lived in the Quirinal. Kristina found him there on her return to Rome. The Palazzo Riario, where Kristina lived, is much closer to the Vatican than to the Quirinal.
intempérie = bad constitution of the bodily humours.
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