Saturday, June 15, 2019

Pierre Chanut's description of Kristina, year 1648

Pierre Hector Chanut (1601-1662) was a civil servant in the Auvergne, a French ambassador in Sweden and the Dutch Republic, and state counsellor.


Chanut's memoirs were published posthumously in the 1670s, and the book sources this description of Kristina from a report letter that Chanut wrote on February 1, 1648.

Sources:



The description:

Les belles qualitez de la Reine de Suede faisoient en ce temps-là un si grand bruit par toute l'Europe, que leurs Majestez ordonnerent au sieur Chanut de leur envoyer le Portrait de cette Princesse; ... mais comme ce Portrait ne pouvoit faire voir que les lineamens exterieurs du corps, il leur en envoya un par advance, qui representoit non seulement les beautez de son corps, mais aussi les plus belles qualitez de son esprit; mais comme les curieux y pourroient remarquer plusieurs deffaux qui n'estoient point en l'Original, il dit pour s'excuser qu'il n'avoit jamais pris la liberté de regarder fixement, ni attentivement la beauté de cette Princesse, toutesfois s'il luy estoit permis de se fier sur le rapport d'autruy, il pouvoit asseurer que la premiere fois qu'on la voyoit on ny trouvoit pas d'abort tant de merveilles que quand on la consideroit plus à loisir; il disoit qu'un seul Portrait ne suffisoit pas pour representer son visage, & qu'il changeoit si subitement selon les divers mouvemens de son esprit, que d'un moment à l'autre elle n'estoit plus connoissable; ordinairement elle paroissoit un peu pensive, qu'elle passoit fort aisement, & fort souvent à d'autres mouvemens; que son visage, quelque revolution que se fist en son esprit, conservoit toûjours quelque chose de serein, & d'agreable; qu'il est vray que si quelques fois elle desapprouvoit ce qu'on luy disoit, ce qui luy arrivoit tres-rarement, on voyoit son visage se couvrir comme d'un certain nuage, qui sans le defigurer donnoit de la terreur à ceux qui la regardoient; qu'elle avoit pour l'ordinaire le son de la voix fort doux, & de quelque fermeté dont elle prononçast ses mots, on jugeoit bien clairement que c'estoit le langage d'une fille; quelquefois neantmoins elle changeoit ce son, mais sans affectation, ou cause apparente, pour en prendre un plus robuste, & plus fort que celuy de son sexe, qui revenoit petit à petit, & insensiblement à sa mesure ordinaire; Sa taille estoit un peu au dessous de la mediocre, ce qui auroit peu paru si cette Princesse eust voulu se servir de la chaussure dont les Dames se servent ordinairement, mais pour estre plus commodement dans son Palais, marcher a pied ou à cheval à la campagne, elle ne portoit que des souliers à simple semelle d'un petit Marroquin noir semblables à ceux des hommes.
S'il est permis de juger de l'interieur par les signes qui nous paroissent au dehors, elle avoit de grands sentimens de la Divinité, & un attachement fidelle au Christianisme, elle n'approuvoit pas que dans les entretiens ordinaires des sciences, on quittast la doctrine de la grace pour philosopher à la payenne; que ce qui n'estoit pas conforme à l'Evangile passoit auprés d'elle pour resverie; Elle n'avoit nulle aigreur parmy la dispute qu'elle faisoit sur les differens qui sont entre les Evangeliques, & les Catholiques Romains, il sembloit qu'elle prist moins de soin de s'informer de ces difficultez que de celles que nous sont en general les Philosophes, les Gentils, & les Juifs, sa devotion envers Dieu paroissoit en la confiance qu'elle témoignoit avoir en sa protection, plus qu'en toutes autres choses: Au reste elle n'est point scrupuleuse, & elle n'affecte point les demonstrations d'une devotion ceremonieuse, elle n'a rien de plus present en l'esprit que l'amour incroyable d'une haute vertu, dont elle fait toute sa joye, & ses delices, à quoy elle joint une passion extreme pour la gloire, & à ce qu'on en peut juger elle souhaitte la vertu accompagnée de l'honneur. Elle se plaist quelquefois de parler comme les Stoïciens de cette éminence de la vertu, qui fait nostre souverain bien en cette vie, elle est merveilleusement forte sur ce sujet, & quand elle en parle avec des personnes, qui luy sont familieres, & qu'elle entre sur l'estime veritable que l'on doit faire des choses humaines: C'est un plaisir extreme de luy voir mettre sa Couronne sous les pieds, & publier que la vertu est l'unique bien où tous les hommes doivent s'attacher indispensablement sans tirer avantage de leurs conditions; mais parmy cet adveu elle n'oublie pas long-temps qu'elle est Reine, elle reprend incontinent sa Couronne, elle en reconnoist le poids, & met le premier degré pour aller à la vertu, à bien s'acquiter de sa profession, aussi a-t-elle de grands avantages de la nature pour y reüssir dignement: car elle une facilité merveilleuse à comprendre & à penetrer les affaires: Une memoire qui la sert si fidellement, qu'on peut dire que souvent elle en abuse; elle parle Latin, François, Allemand, Flamand, Suedois, & elle estudie à la Langue Grecque; elle a des personnes sçavantes qui l'entretiennent à ses heures perduës de tout ce qu'il y a de plus curieux dans les sciences; & cet esprit avide de connoistre toutes choses, s'informe de tour; il ne se passe jour qu'elle ne lise quelque chose de l'Histoire de Tacite, qu'elle apelle un jeu d'échets: Cet Auteur qui donne à penser aux sçavans, luy est tres-intelligible dans les endroits les plus difficiles, & où les plus doctes s'arrestent, comme hesitans sur le sens des paroles, elle les exprime mesme in nostre Langue avec une facilité merveilleuse, mais elle fuit, ou du moins elle neglige de paroistre avoir leu, & sçavoir; elle prend un extréme plaisir à oüir traiter des questions problematiques, particulierement parmy des personnes sçavantes qui sont de sentimens differends, sur lesquelles elle ne dit jamais son sentiment que tout le monde n'ait parlé, & encore en peu de paroles, & le tout si bien raisonné qu'il peut passer pour une décision formelle, & positive. ... ses Ministres, quand elle est dans son Conseil, ont peine à découvrir de quel côté elle planche; elle se garde à elle mesme le secret avec fidelité, & comme elle ne se laisse pas prevenir sur les rapportes qu'on luy fait, elle paroist deffiante, ou difficile à persuader à ceux qui l'abordent avec quelque proposition qu'ils affectionnent, parce qu'ils ne trouvent pas qu'elle acquiesse à ce qu'ils veulent aussi promptement qu'ils souhaittent; il est vray qu'elle panche un peu vers l'humeur soupçonneuse, & que par fois elle est un peu trop lente à s'eclaircir de la verité, & trop facile à presumer de la finesse en autruy. ... Elle ne fait part à personne de celles [affaires] de sa Maison, ni de celles qui dépendent privativement de son autorité absoluë; mais elle delibere dans son Senat de toutes celles qui concernent le gouvernement de l'Estat, il est incroyable combien elle est puissante dans son Conseil, car elle ajoûte à la qualité de Reine, la grace, le credit, les bien-faits, & la force de persuader, jusques là que souvent les Senateurs mesmes s'étonnent du pouvoir qu'elle a sur leurs sentimens, lorsqu'ils sont assemblez.
Quelques-uns attribuent cette grande soumission que ses Ministres ont pour elle à sa qualité de fille, s'imaginant que la secrette inclination de la nature; & la defference que l'on a pour ce sexe les fait plier insensiblement; mais à en parler veritablement cette grande autorité qu'elle a naist des bonnes qualitez qui sont en sa personne, & on dit qu'un Roy qui auroit les mesmes vertus seroit aussi absolu dans son Senat: cela toutesfois seroit moins surprenant, que de voir une fille tourner comme il luy plaist les esprits de tant de vieux & de sages Conseillers: Ce n'est pas merveille qu'elle fist paroistre une prudence masle dans son Senat, veu que dans les actions exterieurs, qui semblent plus attachez à la difference du sexe, que celle de l'esprit, la nature ne luy refuse aucune des qualitez, dont un jeune Cavalier seroit gloire; Elle est indefatigable au travail de la Campagne, jusques à demeurer à cheval dix heures à la chasse, le froid ni chaud ne l'incommodent point, son manger est simple, negligé, & sans delices; il n'y a personne en Suede, qui sçache mieux qu'elle arrester un liévre en courant d'un coup de fusil avec une balle seule; elle fait faire à un cheval toutes sortes de maneges sans aucune affectation, bien loin d'en vouloir tirer de la gloire; elle parle rarement aux Dames de sa Cour, parce que les exercices qu'elle pratique à la Campagne, où les soins des affaires de son Estat qui la retiennent leur ostent sa conversation, & elles ne la frequentent point, si ce n'est en quelque forte de visite, & encore les laisse-t-elle en un costé de la Chambre apres la civilité pour s'entretenir avec les hommes. Quand elle est avec des personnes de qui elle ne croit pas pouvoir apprendre quelque chose, elle tranche court, & ne s'étend en discours qu'autant que la necessité le demande, aussi tous ses domestiques luy parlent peu, mais ils ne laissent pas de l'aimer, parce que pour peu qu'elle leur parle c'est avec douceur, & elle leur est tres-bonne Maistresse, liberale mesme au de-là de la puissance de son Estat; Elle se divertist quelquefois à railler avec eux, & elle le fait de fort bonne grace, & sans aigreur. Il seroit peut estre mieux qu'elle s'en abstint; parce qu'il reste toûjours quelque apprehension de mépris en ceux qui ont esté raillez; mais cela ne luy arrive que rarement, parce que les affaires, & l'estude ne luy laissent presque aucun temps; elle le ménage aussi avec avarice, car elle dort peu, & ne demeure ordinairement au lict que cinq heures, ainsi ce temps n'estant pas suffisant pour rétablir ses forces, elle est quelquefois obligée, principalement en Esté, de dormir pendant une heure après qu'elle a disné; elle s'attache peu à son habillement ni à sa parure, il n'en faut pas faire estat dans la distribution de sa journée; en un quart d'heure de temps elle est habillée, & si vous en exceptez les jours des grandes solemnitez, le peigne seul, & un bout de ruban fait toute sa coëffure, cependant ses cheveux ainsi negligez accompagnent fort bien son visage, mais elle en a si peu de soin, que ni au Soleil, ni au vent, ni à la pluye, ni dans la Ville, ni à la Campagne elle ne porte ni coeffe ni masque. Lorsqu'elle marche à cheval elle n'a pour toute deffense contre les injures de l'air qu'un chapeau avec des plumes; de sorte qu'un Estranger qui l'a veuë à la chasse avec sa hongreline, & un petit collet à la maniere des hommes ne la prendroit jamais pour la Reine: Il y a sans doute de l'excés dans cette negligence qu'elle a pour sa personne ...; mais toutes choses ne luy sont rien auprés de cet amour ardent qu'elle a pour l'honneur, & pour la vertu, & l'on peut dire que son ambition est plus à rendre son nom éclattant par un merite extraordinaire, que par des Conquestes, & qu'elle aime mieux devoir sa reputation à elle-mesme, qu'à la valeur de ses sujets.

English translation (from source 2):

The fine qualities of the Queen of Sweden made at that time so great a noise throughout Europe, that their majesties ordered M. Chanut to send them a portrait of her: but as this portrait could make known only the exterior lineaments of the body, he sent them in advance one which represented not only the beauties of the body, but also the finest qualities of her mind: but as curious people might remark therein various defects, not existing in the original, he said, to excuse himself, that he never took the liberty of looking fixedly or attentively at the beauty of this princess; if, however, he might be permitted to trust to the report of another, he could assure them that the first time one looked at her one saw not in her so much to wonder at as if one considered her more at leisure; he said that one portrait was not sufficient to paint her face, which was subject to such sudden changes, according to the various emotions of her soul, that it was not recognisable from one moment to another.

Usually she appears somewhat pensive, yet passes easily and often to other expressions. Her face, whatever be the revolutions of her mind, yet retains always a certain agreeable serenity; though certainly if, as but rarely happens, she disapproves of what is said to her, a sort of cloud may be seen to spread over her face, which without disfiguring her yet causes terror in those who see it. The tone of her voice is as a rule very soft, and however firmly she pronounces her words, they are clearly recognised as those of a girl: sometimes, however, yet without affectation or apparent cause, she changes this tone for one stronger and louder than that of her sex, which little by little sinks back to its ordinary pitch.
She is rather below the average height, which would not have been obvious, had this princess been willing to make use of shoes such as ladies are wont to wear; but, in order to be more at ease in her palace, or in walking or riding, she wears only shoes with a sole and a little black heel similar to those of a man.


If we may judge of the inside by the external signs, she has lofty opinions of the Deity, and a sincere attachment to Christianity; she does not approve, in ordinary scientific discourse, of leaving the doctrine of grace in order to philosophize after pagan fashion; what is not in harmony with the Gospel she considers as pure dreaming. She shows no bitterness in disputing on the differences between the Evangelicals and the Roman Catholics; she seems to be less anxious to gain insight into these difficulties than into those presented to us by philosophers, Jews and Gentiles. Her devotion to God appears in the confidence which she manifests in His protection, greater than in any other thing; for the rest, she is not scrupulous, and does not affect an outwardly pious ceremonial.

Nothing is more constantly in her mind than an incredible love for a lofty virtue, wherein lies all her joy and delight: to this she joins an extreme passion for glory, and, as far as we can judge, her desire is for virtue coupled with honour. Sometimes it pleases her to speak, like the Stoics, of that "platform of excellence" which constitutes our sovereign good in this life; she is marvellously strong on this subject, and when she is talking to persons with whom familiar, and begins to discuss the true estimate which we should make of the things of this world, it is delightful to see her putting the crown beneath her feet, and announcing virtue as the only good, to which it behoves all men to apply themselves, without making capital of their rank; but during this avowal she soon recollects she is a queen, and therefore again assumes the crown, of which she is sensible of the weight.


She places the final step towards acquiring virtue in doing one's duty, and in fact she is largely endowed by nature with the qualities necessary to enable her to perform her part worthily; for she has a marvelous facility in understanding and seeing into affairs, and a memory which serves her so faithfully that it may be said she often abuses it. She speaks Latin, French, German, Flemish, Swedish, and is studying Greek; she has savants by her who discourse with her in her idle moments of all the most curious details in the sciences; her mind, greedy of knowing all things, seeks information on all. No day passes that she does not read in her history of Tacitus, which she calls her game at chess; this author, who makes savants puzzle over him, she understands easily in his most difficult passages, and where the most learned pause, hesitating as to the meaning, she translates well in our tongue with extraordinary facility. Yet she avoids or at any rate does not study to seem learned or savante. She takes great pleasure in listening to the discussion of problematic questions, especially by learned people of different opinions; her own opinion she never gives till all have spoken, and then only in few words, the whole so well considered that it may pass for a formal and positive decision. ...

Her ministers, when she is in council, can with difficulty discern to which side she leans; she preserves the secret faithfully; and as she never lets herself be prejudiced by what people tell her, she seems mistrustful, or difficult of persuasion, to those who gain access to her. ... 'Tis true she is inclined to be suspicious, and sometimes she is a little too slow at seeing the truth, and too ready to infer finesse in others. ... She asks no one's advice in her private affairs, but she deliberates in the Senate in all matters concerning the State. It is incredible how powerful she is in her council, for she adds to her position as Queen, grace, credit, benefits, and a power of persuasion, such that the senators themselves are often amazed at the influence she wields over their opinions, when they are assembled. Though some attribute this to the secret influence of her sex, yet to say truth this authority arises from her personal good qualities. A king of like virtue would be absolute in his senate; in any case that would be less surprising than to see a girl turning as she will the minds of so many old and wise councillors. It is no wonder that she displays the prudence of a man in the Senate, seeing that in action Nature has refused her none of these qualities, of which a young cavalier would brag.

She is indefatigable in field exercises, and will even when hunting be ten hours in the saddle. Cold and heat are indifferent to her; in eating she is simple, careless and entirely without epicureanism. No one in Sweden knows better than her how to knock over a hare in its course with a single ball; she can put a horse through all its paces, without pluming herself on it.


She rarely speaks to the ladies of the court, since her exercises, or the cares of state which keep her, give no opportunity for conversation, and they do not even see her, except by way of a visit; and then after the necessary civilities she leaves them in a corner of the room in order to go and converse with men. If she is with those from whom she thinks nothing is to be learned, she cuts down the conversation to the absolute minimum; accordingly her servants say little to her — still they like her, since, however little she addresses them, it is always with sweetness, and she is a good mistress, liberal even beyond her means.

Sometimes she amuses herself by jesting with them, which she does with good grace and without bitterness, yet it might be better if she abstained because this always leaves a suspicion in those who have been its objects that they are despised; still business and study leave her little time for this. Of her time she is very avaricious, for she sleeps little, and usually stays in bed only five hours; this not being sufficient, however, to restore her forces, she is sometimes obliged, principally in summer, to sleep an hour after dinner.


She cares little about dressing and adornment; we must not reckon it in the division of her day. She dresses in a quarter of an hour, and, excepting on great occasions or festivals, the comb alone and a knot of ribbon constitute her headdress. Nevertheless this negligent method of doing her hair suits her face very well; but so little care does she take of it that neither in sun, wind, rain, town or country, does she wear hat or veil. When she rides, she has for protection against the weather only a hat with feathers in it, so that a stranger who might see her hunting in her Hungarian habit with a little collar like a man's would never take her for the Queen.

Perhaps she carries this too far. ... but nothing is important in her eyes except the ambition of making herself renowned for extraordinary merit rather than conquest; she loves to owe her reputation to herself, rather than to the worth of her subjects.

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