Mémoires concernant Christine, volume 1, page 481, Johan Arckenholtz, 1751
The letter:
Mon Cousin,
V. E. est l'unique personne de tous ceux, que j'honore infiniment en Suède, qui se soit souvenue de moi depuis que je suis partie. Vous avez voulu me le témoigner par une lettre obligeante que Mr. le Comte Tott me donna de votre part. Il sera témoin de la joïe que j'eus en voïant les sentimens avantageux que vous avez pour moi & je n'ai pas voulu attendre son retour par vous en remercier. L'impatience de vous conjurer de me continuer votre bienveillance, m'oblige de me procurer plûtôt la satisfaction de vous entretenir. Je vous conjure donc d'être persuadé qu'il n'y a personne qui vous estime à l'égal de moi, & si mon amitié peut obtenir de V. E. quelque considération & mérite, je serai trop récompensée, si vous me permettrez de vous donner la commission d'assurer le Roi de Suède, Messieurs les Collégues de V. E., & enfin toute la Suède de la passion que j'ai & que j'aurai pour leur commun bien. Je conserverai autant que ma vie les sentimens d'amour & de respect que je leur porte, & quoiqu'il me puisse arriver, je perdrai plûtôt la vie, que de permettre qu'aucune pensée contraire me rende coupable envers eux, quoique puissent dire & faire ceux qui me veulent du mal, & que je plains sans les haïr, ni leur envier aucune sorte de fortune. Je persisterai jusqu'à la mort dans la fidélité que je dois à la patrie, & V. E. verra, qu'en quel lieu du monde que je me trouverai, je n'y ferois jamais aucune action qui puisse démentir cette protestation. Je vous supplie de me maintenir en cette opinion en Suède & de ne pas permettre, que ceux qui prennent la peine de s'ériger en ennemi contre moi, puissent me rendre mauvais office en interprétant mal mon absence. Quelque longue qu'elle puisse être, elle ne me fera jamais oublier les devoirs de l'honneur & de la naissance, & je la finirois aussitôt, que je pourrois juger que ma présence pourroit être utile à ma patrie. Dans l'état où sont les choses, je crois qu'il est de la bienséance & du bien de mon païs, que je sois absente, & je m'imagine, qu'il est nécessaire pour le commun repos de tous, que je ne me fasse pas voir en un lieu, où j'ai gouverné autrefois. Que V. E. ne s'imagine point que j'ai du regrèt d'y voir commander un autre. Je vous proteste que cette raison ne m'en éloigne pas. Au contraire j'ai cet unique déplaisir dans l'état heureux où je suis, de me voir privée de contempler de près la seule action qui m'a donné un plaisir inconcevable, & de pouvoir, en voïant sous mes yeux mon ouvrage, renouveller ce plaisir sans égal. Mais je m'en prive puisque la raison le veut ainsi, & la même raison, qui impose cet éxil volontaire, m'ordonne aussi en même tems, que si quelque changement des affaires du monde, qui sont si sujettes à des révolutions, faisoit prendre aux affaires de la Suède une autre façe, & qu'alors la Suède jugeât, que ma présence lui seroit utile, je vole aussitôt, quand même ce seroit pour leur sacrifier ma vie. Je mourrois trop glorieuse & trop satisfaite de pouvoir perdre le jour dans le même lieu, où je l'ai trouvé, pourvû que ma mort fut utile à ma patrie. Je souhaite néanmoins, que je vous demeure inutile, comme je suis, & qu'aucune nécessité ne vous fasse souvenir de moi, que par de continuels succès & triomphes: Que Votre Etat fleurisse; Que vous aïez partout la victoire. Que la Suède dans ses confins ne reçoive que la joïe & le repos & qu'elle donne au reste de la terre & de la jalousie & de la crainte, & qu'aucun malheur ne vous arrive qui puisse troubler l'obscurité & le repos dont je jouis! Dans l'état où je suis il n'y a que vos succès qui puissent augmenter ma félicité, & vos seuls malheurs sont capables de troubler mon repose. Je n'ai de desir ni de crainte que pour la Suède, & je puis sans honte ressentir pour elle des foiblesses, puisque tout le reste de la Terre m'est presque indifférent. Après cela jugez, si je ne suis pas la plus heureuse personne du monde, & si je ne dois pas conserver avec soin ces sentimens qui font une partie de ma félicité. Oui, Mon Cousin, je les conserverai chérement, & j'en ferai gloire partout, comme aussi de la reconnoissance que j'ai pour Vous. Conservez-moi Votre amitié & obligez-moi de me faire connoître telle que je suis, & soiez certain, que j'aurai pour V. E. toute la gratitude, que vous pourriez souhaiter.
CHRISTINE.
de Bruxelles le 30 Mars 1655.
V. E. est l'unique personne de tous ceux, que j'honore infiniment en Suède, qui se soit souvenue de moi depuis que je suis partie. Vous avez voulu me le témoigner par une lettre obligeante que Mr. le Comte Tott me donna de votre part. Il sera témoin de la joïe que j'eus en voïant les sentimens avantageux que vous avez pour moi & je n'ai pas voulu attendre son retour par vous en remercier. L'impatience de vous conjurer de me continuer votre bienveillance, m'oblige de me procurer plûtôt la satisfaction de vous entretenir. Je vous conjure donc d'être persuadé qu'il n'y a personne qui vous estime à l'égal de moi, & si mon amitié peut obtenir de V. E. quelque considération & mérite, je serai trop récompensée, si vous me permettrez de vous donner la commission d'assurer le Roi de Suède, Messieurs les Collégues de V. E., & enfin toute la Suède de la passion que j'ai & que j'aurai pour leur commun bien. Je conserverai autant que ma vie les sentimens d'amour & de respect que je leur porte, & quoiqu'il me puisse arriver, je perdrai plûtôt la vie, que de permettre qu'aucune pensée contraire me rende coupable envers eux, quoique puissent dire & faire ceux qui me veulent du mal, & que je plains sans les haïr, ni leur envier aucune sorte de fortune. Je persisterai jusqu'à la mort dans la fidélité que je dois à la patrie, & V. E. verra, qu'en quel lieu du monde que je me trouverai, je n'y ferois jamais aucune action qui puisse démentir cette protestation. Je vous supplie de me maintenir en cette opinion en Suède & de ne pas permettre, que ceux qui prennent la peine de s'ériger en ennemi contre moi, puissent me rendre mauvais office en interprétant mal mon absence. Quelque longue qu'elle puisse être, elle ne me fera jamais oublier les devoirs de l'honneur & de la naissance, & je la finirois aussitôt, que je pourrois juger que ma présence pourroit être utile à ma patrie. Dans l'état où sont les choses, je crois qu'il est de la bienséance & du bien de mon païs, que je sois absente, & je m'imagine, qu'il est nécessaire pour le commun repos de tous, que je ne me fasse pas voir en un lieu, où j'ai gouverné autrefois. Que V. E. ne s'imagine point que j'ai du regrèt d'y voir commander un autre. Je vous proteste que cette raison ne m'en éloigne pas. Au contraire j'ai cet unique déplaisir dans l'état heureux où je suis, de me voir privée de contempler de près la seule action qui m'a donné un plaisir inconcevable, & de pouvoir, en voïant sous mes yeux mon ouvrage, renouveller ce plaisir sans égal. Mais je m'en prive puisque la raison le veut ainsi, & la même raison, qui impose cet éxil volontaire, m'ordonne aussi en même tems, que si quelque changement des affaires du monde, qui sont si sujettes à des révolutions, faisoit prendre aux affaires de la Suède une autre façe, & qu'alors la Suède jugeât, que ma présence lui seroit utile, je vole aussitôt, quand même ce seroit pour leur sacrifier ma vie. Je mourrois trop glorieuse & trop satisfaite de pouvoir perdre le jour dans le même lieu, où je l'ai trouvé, pourvû que ma mort fut utile à ma patrie. Je souhaite néanmoins, que je vous demeure inutile, comme je suis, & qu'aucune nécessité ne vous fasse souvenir de moi, que par de continuels succès & triomphes: Que Votre Etat fleurisse; Que vous aïez partout la victoire. Que la Suède dans ses confins ne reçoive que la joïe & le repos & qu'elle donne au reste de la terre & de la jalousie & de la crainte, & qu'aucun malheur ne vous arrive qui puisse troubler l'obscurité & le repos dont je jouis! Dans l'état où je suis il n'y a que vos succès qui puissent augmenter ma félicité, & vos seuls malheurs sont capables de troubler mon repose. Je n'ai de desir ni de crainte que pour la Suède, & je puis sans honte ressentir pour elle des foiblesses, puisque tout le reste de la Terre m'est presque indifférent. Après cela jugez, si je ne suis pas la plus heureuse personne du monde, & si je ne dois pas conserver avec soin ces sentimens qui font une partie de ma félicité. Oui, Mon Cousin, je les conserverai chérement, & j'en ferai gloire partout, comme aussi de la reconnoissance que j'ai pour Vous. Conservez-moi Votre amitié & obligez-moi de me faire connoître telle que je suis, & soiez certain, que j'aurai pour V. E. toute la gratitude, que vous pourriez souhaiter.
CHRISTINE.
de Bruxelles le 30 Mars 1655.
English translation (my own):
My Cousin*,
Your Eminence is the only person of all those whom I greatly honour in Sweden who has remembered me since I left. You wanted to testify to me by an obliging letter which Lord Count Tott gave me on your behalf. He will be witness to the joy that I had in seeing the favourable feelings that you have for me and I did not want to wait for his return to thanking you. The impatience to conjure you to continue your benevolence to me obliges me to obtain rather the satisfaction of talking to you. I therefore implore you to be persuaded that there is no one who esteems you equally as me, and if my friendship can obtain from Your Eminence any consideration and merit, I will be too rewarded if you will allow me to give you the commission to assure the King of Sweden, Your Eminence's colleagues, and, finally, all of Sweden, of the passion that I have and that I will have for their common good. I will keep my feelings of love and respect for them as long as my life, and whatever happens to me, I would sooner lose my life than allow any contrary thought to make me guilty towards them, whatever may be said, and to do those who wish me harm, and whom I pity without hating them, nor envying them any sort of fortune. I will persist until death in the fidelity which I owe to the fatherland, and Your Eminence will see that, in whatever place of the world that I am, I would never take any action there which could contradict this assurance. I beg you to maintain this opinion in Sweden and not to allow those who take the trouble to set themselves up as enemies against me to do me a bad service by misinterpreting my absence. However long it may be, it will never make me forget the duties of honour and birth, and I will finish it as soon as I can judge that my presence could be useful to my country. As things are, I believe that it is for the propriety and good of my country that I be absent, and I imagine that it is necessary for the common rest of all that I do not show myself in a place where I once ruled. Let Your Eminence not imagine that I regretted seeing another order there. I assure you that this reason does not depart from me. On the contrary, I have this unique displeasure in the happy state in which I am to see myself deprived of closely contemplating the only action which has given me inconceivable pleasure, and of being able, by seeing my work before my eyes, to renew this unparalleled pleasure.
Your Eminence is the only person of all those whom I greatly honour in Sweden who has remembered me since I left. You wanted to testify to me by an obliging letter which Lord Count Tott gave me on your behalf. He will be witness to the joy that I had in seeing the favourable feelings that you have for me and I did not want to wait for his return to thanking you. The impatience to conjure you to continue your benevolence to me obliges me to obtain rather the satisfaction of talking to you. I therefore implore you to be persuaded that there is no one who esteems you equally as me, and if my friendship can obtain from Your Eminence any consideration and merit, I will be too rewarded if you will allow me to give you the commission to assure the King of Sweden, Your Eminence's colleagues, and, finally, all of Sweden, of the passion that I have and that I will have for their common good. I will keep my feelings of love and respect for them as long as my life, and whatever happens to me, I would sooner lose my life than allow any contrary thought to make me guilty towards them, whatever may be said, and to do those who wish me harm, and whom I pity without hating them, nor envying them any sort of fortune. I will persist until death in the fidelity which I owe to the fatherland, and Your Eminence will see that, in whatever place of the world that I am, I would never take any action there which could contradict this assurance. I beg you to maintain this opinion in Sweden and not to allow those who take the trouble to set themselves up as enemies against me to do me a bad service by misinterpreting my absence. However long it may be, it will never make me forget the duties of honour and birth, and I will finish it as soon as I can judge that my presence could be useful to my country. As things are, I believe that it is for the propriety and good of my country that I be absent, and I imagine that it is necessary for the common rest of all that I do not show myself in a place where I once ruled. Let Your Eminence not imagine that I regretted seeing another order there. I assure you that this reason does not depart from me. On the contrary, I have this unique displeasure in the happy state in which I am to see myself deprived of closely contemplating the only action which has given me inconceivable pleasure, and of being able, by seeing my work before my eyes, to renew this unparalleled pleasure.
But I deprive myself of it since reason wishes it so, and the same reason, which imposes this voluntary exile, also orders me at the same time that if some change in the affairs of the world, which are so subject to revolutions, took a different side to the affairs of Sweden, and let Sweden judge that my presence would be useful to her, I fly immediately, even if it would be to sacrifice my life for them. I would die too glorious and too satisfied to be able to lose the day in the same place where I found it, provided that my death was useful to my country. I wish nevertheless that I remain useless to you, as I am, and that no necessity makes you remember me, only by continual successes and triumphs: may your State flourish; may you have victory everywhere. May Sweden in her borders receive only joy and rest, and may she give the rest of the earth jealousy and fear, and may no calamity befall you which may disturb the darkness and the rest, which I enjoy! In the state in which I am, it is only your successes which can increase my happiness, and only your misfortunes are capable of disturbing my rest. I have no desire or fear except for Sweden, and I can shamelessly feel weaknesses for her, since all the rest of the Earth is almost indifferent to me. After that, judge if I am not the happiest person in the world, and if I should not carefully preserve those feelings which are part of my happiness. Yes, my cousin, I will keep them dearly, and I will praise them everywhere, as also for the gratitude I have for you. Maintain your friendship and oblige me to make myself known as I am, and be certain, that I will have for Your Eminence all the gratitude, that you could wish.
Kristina.
Brussels, March 30, 1655.
Above: Kristina.
Above: Per Brahe.
Kristina.
Brussels, March 30, 1655.
Above: Kristina.
Above: Per Brahe.
Note: In accordance with the nobility's ideals in the early modern era, kings and queens considered themselves siblings; when talking to someone of a lower rank than their own, they would refer to that person as "my cousin", regardless of whether or not they were related.
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