Mémoires de ce qui s'est passé en Suède, volume 3, page 453, Pierre Hector Chanut, 1675
Recueil de lettres serieuses & galantes, pages 123 to 125, published by Charles-Honoré le Gallois de Grimarest, 1721
Mémoires concernant Christine, volume 1, page 416, Johan Arckenholtz, 1751
The letter:
MONSIEUR ET COUSIN.
J'aurois tort de quitter le poste que j'ay occupé jusques ici, sans vous donner part de la resolution que j'ay prise de l'abandonner; je croy vous devoir cette civilité par l'estime, & l'amitié que j'ay tousiours euë pour vous, & par celle que vous m'avez témoignée durant le temps que j'ay eu l'honneur de gouverner cet Estat, à present que j'ay changé de fortune, & de condition, je viens vous protester que quelque changement que le temps ait apporté à nostre fortune, je conserveray toûjours pour vous les mesmes sentimens que je croy devoir à vostre merite; je fais ma plus haute gloire de vostre approbation, & je me tiens autant honorée par vostre estime que par la Couronne que j'ay portée, si apres l'avoir quittée vous m'en jugez moins digne; j'avouëray que le repos que j'ay tant souhaité me couste cher, mais je ne me repentiray pourtant pas de l'avoir achepté à ce prix, & je ne noirciray jamais mon action qui m'a semblè si belle, par un lasche repentir, quelques sentimens que vous puissiez avoir sur ce sujet, je conserveray tousiours pour vous l'estime, dont vous estes si digne, & s'il arrive que vous condamniez cette action je me contenteray de vous dire pour toute excuse, que je n'aurois pas quitté l'avantage que la fortune m'a donné, si je l'eusse crû necessaire à ma felicité, & que j'aurois sans doute pretendu à l'Empire du monde, si j'eusse esté aussi asseurée de reüssir, ou de mourir dans une si haute entreprise que l'est le Grand Prince de Condé.
CHRISTINE.
With modernised spelling:
Monsieur et cousin,
J'aurais tort de quitter le poste que j'ai occupé jusqu'ici sans vous donner part de la résolution que j'ai prise de l'abandonner. Je crois vous devoir cette civilité par l'estime et l'amitié que j'ai toujours eue pour vous, et par celle que vous m'avez témoignée durant le temps que j'ai eu l'honneur de gouverner cet État. A présent que j'ai changé de fortune et de condition, je viens vous protester que, quelque changement que le temps ait apporté à notre fortune, je conserverai toujours pour vous les mêmes sentiments que je crois devoir à votre mérite. Je fais ma plus haute gloire de votre approbation, et je me tiens autant honorée par votre estime que par la couronne que j'ai portée, si, après l'avoir quittée, vous m'en jugez moins digne. J'avouerai que le repos que j'ai tant souhaité me coûte cher, mais je ne me repentirai pourtant pas de l'avoir acheté à ce prix, et je ne noircirai jamais mon action, qui m'a semblé si belle, par un lâche repentir, quelques sentiments que vous puissiez avoir sur ce sujet. Je conserverai toujours pour vous l'estime, dont vous êtes si digne; et, s'il arrive que vous condamniez cette action, je me contenterai de vous dire pour toute excuse que je n'aurais pas quitté l'avantage que la fortune m'a donné si je l'eusse cru nécessaire à ma félicité, et que j'aurais sans doute prétendu à l'empire du monde si j'eusse été aussi assurée de réussir ou de mourir dans une si haute entreprise que l'est le grand prince de Condé.
Christine.
Le Gallois de Grimarest's transcript of the letter:
Monsieur & Cousin J'aurois tort de quitter le poste que j'ai occupé jusques ici sans vous donner part de la resolution que j'ai prise de l'abandonner, je crois vous deuoir cette ciuilité par l'estime & l'amitié que j'ai toujours eüe pour vous & par celle que vous m'auez temoignée durant le tems que j'ai eu l'honeur de gouuerner cet Etat, à present que j'ai changé de fortune & de condition, je viens vous protester que quelque changement que le tems ait apporté à notre fortune, je conserverai toujours pour vous les memes sentimens que je crois deuoir à votre merite, je fais ma plus haute gloire de votre approbation, & je me tiens autant honorée par votre estime que par la Couronne que j'ai portée, si apres l'auoir quitte, vous m'en jugez moins digne, j'auoüerai que le repos que j'ai tant souhaite me coute cher, mais je ne me repentirai pourtant pas de l'auoir acheté à ce prix, & je ne noircirai jamais vne action qui ma semblé si belle, par vn lache repentir, quelques sentimens que vous puissiez auoir sur ce sujet, je conseruerai toujours pour vous l'estime dont vous estes si digne, & s'il arriue que vous condamniez cette action, je me contenterai de vous dire pour toute excuse, que je n'aurois pas quitté l'auantage que la fortune m'a donné, si je l'eusse crû necessaire à ma felicité, & que j'aurois sans doute pretendu à l'empire du monde si j'eusse esté aussi asseurée de reussir ou de mourir dans vne si haute entreprise que l'est le Prince de Condé.
Christine.
With modernised spelling:
Monsieur et cousin,
J'aurais tort de quitter le poste que j'ai occupé jusqu'ici sans vous donner part de la résolution que j'ai prise de l'abandonner. Je crois vous devoir cette civilité par l'estime et l'amitié que j'ai toujours eue pour vous et par celle que vous m'avez témoignée durant le temps que j'ai eu l'honneur de gouverner cet État. A présent que j'ai changé de fortune et de condition, je viens vous protester que quelque changement que le temps ait apporté à notre fortune, je conserverai toujours pour vous les mêmes sentiments que je crois devoir à votre mérite. Je fais ma plus haute gloire de votre approbation, et je me tiens autant honorée par votre estime que par la couronne que j'ai portée, si, après l'avoir quitté, vous m'en jugez moins digne. J'avouerai que le repos que j'ai tant souhaité me coûte cher, mais je ne me repentirai pourtant pas de l'avoir acheté à ce prix, et je ne noircirai jamais une action qui m'a semblé si belle par un lache repentir. Quelques sentiments que vous puissiez avoir sur ce sujet, je conserverai toujours pour vous l'estime dont vous êtes si digne; et s'il arrive que vous condamniez cette action, je me contenterai de vous dire pour toute excuse que je n'aurais pas quitté l'avantage que la fortune m'a donné si je l'eusse cru nécessaire à ma félicité et que j'aurais sans doute prétendu à l'empire du monde si j'eusse été aussi assurée de réussir ou de mourir dans une si haute entreprise que l'est le prince de Condé.
Christine.
Arckenholtz's transcript of the letter:
Monsieur mon Cousin,
J'aurois tort de quitter le poste que j'ai occupé jusqu'ici sans vous donner part de la résolution que j'ai prise de l'abandonner: je crois vous devoir cette civilité par l'estime, & l'amitié que j'ai toûjours eu pour vous, & par celle que vous m'avez témoignée durant le tems que j'ai eu l'honneur de gouverner cet Etat. A présent que j'ai changé de fortune & de condition, je veux vous protester que quelque changement que le tems ait apporté à notre fortune, je conserverai toûjours pour vous les mêmes sentimens que je crois devoir à votre mérite; je fais ma plus haute gloire de votre approbation, & je me tiens autant honorée par votre estime que par la Couronne que j'ai portée, si après l'avoir quittée, vous ne m'en jugez moins digne, j'avouërai que le repos que j'ai tant souhaité me coûte cher, mais je ne me repentirai pourtant pas de l'avoir acheté à ce prix, & je ne noircirai jamais mon action qui m'a semble si belle, par un lache repentir. Quelques sentimens que vous puissiez avoir sur ce sujèt, je conserverai toûjours pour vous l'estime, dont vous êtes si digne, & s'il arrive que vous condamniez cette action, je me contenterai de vous dire pour toute excuse, que je n'aurois pas quitté l'avantage que la fortune m'a donné, si je l'eusse crû nécessaire à ma félicité, & que j'aurois sans doute prétendu à l'Empire du monde, si j'eusse été aussi assurée de réussir, ou de mourir dans une si haute entreprise, que l'est le Grand Prince de Condé.
CHRISTINE.
J'aurois tort de quitter le poste que j'ai occupé jusqu'ici sans vous donner part de la résolution que j'ai prise de l'abandonner: je crois vous devoir cette civilité par l'estime, & l'amitié que j'ai toûjours eu pour vous, & par celle que vous m'avez témoignée durant le tems que j'ai eu l'honneur de gouverner cet Etat. A présent que j'ai changé de fortune & de condition, je veux vous protester que quelque changement que le tems ait apporté à notre fortune, je conserverai toûjours pour vous les mêmes sentimens que je crois devoir à votre mérite; je fais ma plus haute gloire de votre approbation, & je me tiens autant honorée par votre estime que par la Couronne que j'ai portée, si après l'avoir quittée, vous ne m'en jugez moins digne, j'avouërai que le repos que j'ai tant souhaité me coûte cher, mais je ne me repentirai pourtant pas de l'avoir acheté à ce prix, & je ne noircirai jamais mon action qui m'a semble si belle, par un lache repentir. Quelques sentimens que vous puissiez avoir sur ce sujèt, je conserverai toûjours pour vous l'estime, dont vous êtes si digne, & s'il arrive que vous condamniez cette action, je me contenterai de vous dire pour toute excuse, que je n'aurois pas quitté l'avantage que la fortune m'a donné, si je l'eusse crû nécessaire à ma félicité, & que j'aurois sans doute prétendu à l'Empire du monde, si j'eusse été aussi assurée de réussir, ou de mourir dans une si haute entreprise, que l'est le Grand Prince de Condé.
CHRISTINE.
English translation (my own):
Monsieur my cousin*,
I would be wrong to leave the post I have occupied until now without giving you my resolution to abandon it; I believe you owe this civility by the esteem and the friendship that I have always had for you, and by that that you have shown me during the time that I had the honour of governing this state. Now that I have changed my fortune and my condition, I want to assure you that whatever change time has brought to our fortune, I will always have the same feelings for you that I believe I owe to your merit; I make my highest glory of your approval, and I hold myself as honoured by your esteem as by the Crown that I wore, if after having left it, you do not judge me less worthy of it. I will confess that the the rest that I so longed for is costing me dearly, but I will not regret having bought it at this price, and I will never blacken my action, which seems so beautiful to me, with cowardly repentance. Whatever feelings you may have on this subject, I will always preserve for you the esteem of which you are so worthy, and if it happens that you condemn this action, I will content myself with telling you for all excuses that I would not have left the advantage that fortune has given me, if I had thought it necessary for my happiness, and that I would doubtless have laid claim to the empire of the world if I had been so sure of succeeding, or to die in such a high enterprise that the Grand Prince de Condé is.
Kristina.
I would be wrong to leave the post I have occupied until now without giving you my resolution to abandon it; I believe you owe this civility by the esteem and the friendship that I have always had for you, and by that that you have shown me during the time that I had the honour of governing this state. Now that I have changed my fortune and my condition, I want to assure you that whatever change time has brought to our fortune, I will always have the same feelings for you that I believe I owe to your merit; I make my highest glory of your approval, and I hold myself as honoured by your esteem as by the Crown that I wore, if after having left it, you do not judge me less worthy of it. I will confess that the the rest that I so longed for is costing me dearly, but I will not regret having bought it at this price, and I will never blacken my action, which seems so beautiful to me, with cowardly repentance. Whatever feelings you may have on this subject, I will always preserve for you the esteem of which you are so worthy, and if it happens that you condemn this action, I will content myself with telling you for all excuses that I would not have left the advantage that fortune has given me, if I had thought it necessary for my happiness, and that I would doubtless have laid claim to the empire of the world if I had been so sure of succeeding, or to die in such a high enterprise that the Grand Prince de Condé is.
Kristina.
Above: Kristina.
Above: The Prince de Condé.
Note: In accordance with the nobility's ideals in the early modern era, kings and queens considered themselves siblings; when talking to someone of a lower rank than their own, they would refer to that person as "my cousin", regardless of whether or not they were related.
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