Sources:
La reine Christine de Suède à Anvers et Bruxelles 1654-1655, by Carl Johan Reinhold Burenstam, 1891
De Orde van de Vrolijkheid, Brieven Constantijn Huygens online, June 14, 2020
The letter:
Monsieur, si au milieu de toutes les victoires qui vous environe presentement vous pouvés vous donner le loisir d'escouter la Grand Maîtresse, elle vous diras une histoire qui mérite sans doute vôtre attention, mais avant que de la commencer, je vous dirés que j'ay receu deux de vos lestres de Stetin, dequoy je vous suis inffinement obligée; il est vray que ce sont les premières que j'ay veue depuis que vous este cheuailler et que j'auray droit de me plaindre de votre paresse comme grande Maîtresse, mais je ne la suis pas toujours et j'aime mieux representer asteure c'est autre moy mesme qui vous doit rendre mille graces de l'honneur que vous luy faite en luy éscrivant que de vous parler en G. Maîtresse offencee vous scauvez donc pour commencer mon histoire que j'ay eu l'honeur d'auoir veu c'este divine Reyne de qui vous m'avés si souuant entretenus, la Grande et incomparable Christine, et ce qui est le plus extraordinaire, c'est que j'en ay esté veue et en ay receu des graces et faveurs si fort au de la de tout ce que l'on peut esperer que je ne suis pas capable de vous le pouvoir representer, je croy que vous ne douté pas de la curiosité que j'ay eu toute ma vie pour voir c'este grande Reyne et j'en ay cherchés les moiene depuis que S. M. est au païs bas sans les auoir peu trouver qu'asteure, il i as enuiron un mois, estant seule à G.[ertruiden] bergue et M. de Slauata m'ayant donnes en partant pour Viane la permission de me prommener par tout le Brabant, je ne consultés pas lontant qu'el chemin je deuois prendre et ayant pris trois ou catre fille et autant d'hommes avec moi, je m'en allés à Bruxelle, et je passois pour suivante de tout cela, voulant tenir mon voiage cecret jusques à mon retour, et sans ce desguisement je craignis de rencontrer quelques Hollandais qui en porta les nouuelles a la Haye plustot que moy, je sçay bien que pour Bruxelle et pour la Cour de la Reyne je n'auois pas besoing de ce desguisement et qu'il m'auroit esté bien difficile de me faire cognoistre, quant bien je leur aurois dit mon nom, mon nom sur nom ma deuise et ma couleur et le nom de mon serviteur, j'auoue que ceste parenthèse est bien longue, ayant à nous dire tant de choses de la plus grande Reyne de la terre; la premiere fois que j'eus l'honeur de la uoir ce fut au parc ou S M se promenoit en carosse. On me dit qu'on ne la pouuoit voir autrement a moins que de luy faire demender audience, je vous laisse a pencer si sela ne me fachas pas horriblement et sy je me pouvois contenter de c'este veue qui n'estois guere plus que la veue d'un portrait et bien que j'eusse mieux aimér mourir que d'osér me présenter deuant la Reyne, je souhaitois toutefois d'en estre assé proche pour l'entendre parler et la uoir sans en estre veue, a quoy je ne uoiois nulle aparence, mais je ne demeurés pas lontant dans c'este inquietude, et M. d'Aunoy, qui estoit proche de la Reyne, ne me vis pas plustot qu'il ne me recognut, je puis dire pour mon grand bonheur, puisque je luy suis redeuable de toutes les graces que j'ay receu de la Reyne; d'abord il uoulut que j'allasse faire la réuérence a S M a quoy je ne me pus résoudre et toutes les fois que je me représentois c'este G[rande] Christine qui fait tant de bruit dans le monde et que l'on disoit auoir peu d'inclination ou plustot du mespris pour nôtre sexce en general, je n'osoy pas en former la pences et M. d'Aynoy fut enffin contraint de me promestre qu'il me la ferois uoir et entendre parler sans en estre veue, ce qui ariuas le lendemain au matin lors que S M joua au mail ou j'eus le bonheur de la voir deux heures de suite et de l'entendre parler a quantites de perssonnes de qualité qui estoit autour d'elle et cependant je ne croies estre fort incognue a tout ce monde la; il ce trouve un certain baron de Spar, frere de la belle comtesse que j'auois veu à la haie et des autres encore ou M. d'Aunoy luy même, car je ne sçay pas bien qui ce fut qui s'auisa de dire à la Reyne qu'il y auoit la des dammes hollandoises qui estoit uenue expres pour la uoir et ne uouloit pas estre ueue, je m'aperceu d'abord que la Reyne s'approchoit plus souuant du lieux ou j'estois et eut la complaisance de s'y arester for lontant en faisant semblant le mal jouér et que le jeu L'arestoit la, affin que je la pusse uoir a loisir, je vous prie d'admirer encore c'este grande Bonté et j'estois desja trop satisfaite de mon uoiage, mais je ne fus pas plutôt retiree a mon logis que M. d'Aunoy et sa femme me vindre trouuer et me dirent que la Reyne me vouloit voir et quil falloit enffin me resoudre à luy obeir et luy aller faire la reuerence, qu'elle s'auoit mon nom et le sujet qui m'auoit mennés la, enffin que j'aurois fort mauuaise grace sy j'en usois autrement je les supliés aussitost d'asseurer S M que la crainte et le respect estoit les seules raisons qui m'auoit empeches de lui oser faire la reuerence et veritablement je n'en auois point d'autres, puisque j'auois creu que c'estoit une audace trop grande a moy de m'oser présenter a S. M., mais puisque c'est honeur me pouuoit estre permis, que je serois rauie d'obtenir c'este grace. Un moment apres ils me menerent chez la Reyne ou je n'allay pas sans trembler, mais ou je fus receue avec une siuilité extraordinaire et la Reyne eut des bontés pour moi qui ne sont pas conssevables, me demandas d'abord des nouuelles de la santé de M. de Brederode et parla de toute la famille qu'elle dissoit for bien cognoistre de reputation, enfin mille choses obligentes de ceste nature la, et quand je uous aurés dit que la Reyne me commandas de demeurer la quelque jours et de ne bougér d'aupres d'elle, me demander tous les jours qu'el diuertissement j'aimois le mieux affin de me le donner, et qu'elle commedie j'aimois le plus il i auoit deux piece toute nouvelle et for belle que la Reyne fit jouer, et me dit: je ne donne ces pieces la qu'à des perssone que j'ayme me dire cent fois de souhaiter que je puisse avec elle en italie et demeurer tousjours avec elle je vous laisse a pencer si je n'estois pas bien empecher a respondre a des bontés si grandes je luy dit le regret que j'auois de n'estre pas a moy pour me pouuoir donnér abssolument a elle, a quoy elle respondit qu'elle s'auoit bien que j'estois trop engagee en mon païs sa M. voulut aussi recommender les pretentions que M de Slauata as en Boime a S M imp et lui escrivit aussitot une lettre en ma faveur la plus obligeante du monde pour moi sans que je Lui eusse demandes cette grace et obligas un certain comte de Montecuculy qui estoit la de recommender ses affaires avec grand empressement enffin vous alles sçauoir la chose qui a merites L'atention qu'il vous a faillus auoir pour ce long discours et a quoy vous aves grand interes comme cheuallier c'est que la Grande Christine est cheuallière de nôtre précieux ordre, en vérité cela ne vous doit pas peu surprendre n'y peu resjouir ouy elle L'as voulus abssolument et comme vous sçaves que S M entent toute choses en perffection elle a pris c'este raillerie d'une maniere la plus gallante et la plus spirituelle du monde et me dit de cognoitre desja ce bel ordre par reputation car je vous laisse a pencer si j'eusse osé luy parler d'une telle follie, puisque sans cela j'estois comme une muette sans oser ouurir la bouche, acause qu'il i auoit eu une personne assé extravagante à Bruxcelle pour auoir dit a la Reyne que je me piquois d'esprit ce qui me fut redit ausi tot sans me nommer toutefois la personne qui m'auois rendus ce bon office, je vous jure que j'en devins plus stupide de la moitié et en presence de la Reyne je n'osois presque respondre ni dire un mot, de peur qu'elle ne creut qu'il fut uray que j'eusse c'este imagination, mais ce qui est le plus surprenant de toute mes aduantures et celle ou je comprens le moins c'est que S M me commendas abssolument de luy donner mon portrait, m'envoia un paintre ches moy le lendemain; elle voulu que le paintre vint dans sa chambre et ce fut en sa presence en celle de beaucoup de monde que je fus painte en vérite toutes les fois que je pence encore a cela je suis toute preste a sortir des gens aussi bien que la gouvernante du triolet. S M m'a fait present de deux de ses portraits, un grand et un petit, dans une boite, mais ce fut a condition que je ne manquasse point a luy enuoier mon ordre et me dit celuy qui me la porteras uous aporteras mon portrait que uous n'aures si je n'ay vôtre ordre uous pouves pensser si ce commendement et la gloire que j'auois de pouuoir estre G[rande] Maitresse de la G[rande] Christine, ce qui n'est pas un petit titre, ne me firent aporter toute la diligence imaginable pour enuoier l'ordre à la Reyne, je fis faire une pièc de deux sous d'or esmaillée avec une couronne fermee par dessus avec de for petits diamants comme la seule cheualiere couronnee il i falloit un peu de difference; ce fut M. de Grandiere qui porta l'ordre et S. M. luy donnas une for belle bague, mais je n'aurois jamais fait si je uoulois uous redire toute les graces.
With modernised spelling:
Monsieur, si au milieu de toutes les victoires qui vous environnent présentement, vous pouvez vous donner le loisir d'écouter la Grand-Maîtresse, elle vous dira une histoire qui mérite sans doute votre attention; mais avant que de la commencer, je vous dirai que j'ai reçu deux de vos lettres de Stettin, dequoi je vous suis infiniement obligée. Il est vrai que ces sont les premières que j'ai vue depuis que vous êtes chevalier et que j'aurai droit de me plaindre de votre paresse comme Grande-Maîtresse, mais je ne la suis pas toujours, et j'aime mieux représenter à cette heure cette autre moi-même, qui vous doit rendre mille grâces de l'honneur que vous lui faite en lui écrivant que de vous parler en Grande-Maîtresse offensée. Vous sauvez donc pour commencer mon histoire que j'ai eu l'honneur d'avoir vu cette divine Reine, de qui vous m'avez si souvent entretenus, la grande et incomparable Christine; et ce qui est le plus extraordinaire, c'est que j'en ai été vue et en ai reçu des grâces et faveurs si fort au de-là de tout ce que l'on peut espérer que je ne suis pas capable de vous le pouvoir representer. Je crois que vous ne doutez pas de la curiosité que j'ai eu toute ma vie pour voir cette grande Reine; et j'en ai cherchés les moyens depuis que Sa Majesté est au Pays-Bas sans les avoir peu trouver qu'à cette heure. Il y a environ un mois, étant seule à Geertruidenberg, et M. de Slavata m'ayant donné en partant pour Viane la permission de me promener par tout le Brabant.
Je ne consultais pas lointain quel chemin je devois prendre; et ayant pris trois ou quatre filles et autant d'hommes avec moi, je m'en allais à Bruxelles; et je passais pour suivante de tout cela, voulant tenir mon voyage secret jusqu'à mon retour, et sans ce déguisement je craignais de rencontrer quelques Hollandais qui en porta les nouvelles à La Haye plutôt que moi. Je sais bien que pour Bruxelles et pour la Cour de la Reine je n'avois pas besoin de ce déguisement, et qu'il m'aurait été bien difficile de me faire connaître, quand bien je leur aurais dit mon nom, mon nom, surnom, ma devise et ma couleur, et le nom de mon serviteur. J'avoue que cette parenthèse est bien longue, ayant à nous dire tant de choses de la plus grande Reine de la terre.
La première fois que j'eus l'honneur de la voir, ce fut au parc où Sa Majesté se promenait en carosse. On me dit qu'on ne la pouvait voir autrement, à moins que de lui faire demander audience. Je vous laisse à penser si cela ne me fâcha pas horriblement et si je me pouvais contenter de cette vue qui n'étais guère plus que la vue d'un portrait; et bien que j'eusse mieux aimer mourir que d'oser me présenter devant la Reine, je souhaitais toutefois d'en être assez proche pour l'entendre parler et la voir sans en être vue, à quoi je ne voyais nulle apparence. Mais je ne demeurais pas lointain dans cette inquiétude, et M. d'Aunoy, qui était proche de la Reine, ne me vis pas plutôt qu'il ne me reconnut, je puis dire pour mon grand bonheur, puisque je lui suis redevable de toutes les grâces que j'ai reçu de la Reine. D'abord il voulut que j'allasse faire la révérence à Sa Majesté, à quoi je ne me pus résoudre et toutes les fois que je me représentais cette grande Christine, qui fait tant de bruit dans le monde, et que l'on disait avoir peu d'inclination, ou plutôt du mépris, pour notre sexe en general, je n'osai pas en former la pensée. Et M. d'Aunoy fut enfin contraint de me promettre qu'il me la ferais voir et entendre parler sans en être vue, ce qui arriva le lendemain au matin lorsque Sa Majesté joua au mail, où j'eus le bonheur de la voir deux heures de suite et de l'entendre parler a quantités de personnes de qualité qui étaient autour d'elle; et cependant je ne croyais être fort inconnue a tout ce monde-là.
Il se trouve un certain baron de Sparre, frère de la belle Comtesse, que j'avais vu à La Haye et des autres encore ou M. d'Aunoy lui-même, car je ne sais pas bien qui ce fut qui s'avisa de dire à la Reine qu'il y avait là des dames hollandaises, qui étaient venues exprès pour la voir et ne voulaient pas être vues. Je m'apperçus d'abord que la Reine s'approchait plus souvent du lieu où j'étais et eut la complaisance de s'y arrêter fort lointain en faisant semblant le mal jouer. Et que le jeu l'arrêtait là, afin que je la pusse voir à loisir, je vous prie d'admirer encore cette grande bonté; et j'étais déjà trop satisfaite de mon voyage.
Mais je ne fus pas plutôt retirée a mon logis que M. d'Aunoy et sa femme me viendrent trouver et me dirent que la Reine me voulait voir et qu'il fallait enfin me resoudre à lui obéir et lui aller faire la révérence, qu'elle s'avait mon nom et le sujet qui m'avait menés là. Enfin que j'aurais fort mauvaise grâce si j'en usais autrement, je les suppliais aussitôt d'assurer Sa Majesté que la crainte et le respect étaient les seules raisons qui m'avaient empêchés de lui oser faire la révérence; et veritablement je n'en avais point d'autres, puisque j'avais cru que c'était une audace trop grande à moi de m'oser présenter à Sa Majesté. Mais puisque cet honneur me pouvait être permis que je serais ravie d'obtenir cette grâce, un moment après ils me menèrent chez la Reine, où je n'allai pas sans trembler.
Mais où je fus reçue avec une civilité extraordinaire, et la Reine eut des bontés pour moi qui ne sont pas concevables, me demanda d'abord des nouvelles de la santé de M. de Brederode et parla de toute la famille qu'elle disait fort bien connaître de réputation, enfin mille choses obligeantes de cette nature-là, et quand je vous aurez dit que la Reine me commanda de demeurer là quelque jours et de ne bouger d'auprès d'elle, me demander tous les jours quel divertissement j'aimais le mieux afin de me le donner, et qu'elle comédie j'aimais le plus. Il y avait deux pièces toutes nouvelles et fort belles que la Reine fit jouer, et me dit: «Je ne donne ces pièces-là qu'à des personnes que j'aime.» Me dire cent fois de souhaiter que je puisse avec elle en Italie et demeurer toujours avec elle. Je vous laisse à penser si je n'étais pas bien empêcher à répondre à des bontés si grandes.
Je lui dit le regret que j'avais de n'être pas à moi pour me pouvoir donner absolument a elle, à quoi elle répondit qu'elle s'avait bien que j'étais trop engagée en mon pays. Sa Majesté voulut aussi recommender les prétentions que M. de Slavata a en Bohème à Sa Majesté Impériale et lui écrivit aussitôt une lettre en ma faveur la plus obligeante du monde pour moi, sans que je lui eusse demandé cette grâce et obliga un certain comte de Montecuccoli, qui était la de recommender ses affaires avec grand empressement.
Enfin vous allez savoir la chose qui a mérité l'attention qu'il vous a faillu avoir pour ce long discours et à quoi vous avez grand intérêt comme chevalier. C'est que la Grande Christine est chevalière de notre précieux ordre, en vérité cela ne vous doit pas peu surprendre n'y peu réjouir oui elle l'a voulu absolument, et comme vous savez que Sa Majesté entent toute choses en perfection, elle a pris cette raillerie d'une manière la plus galante et la plus spirituelle du monde, et me dit de connaître déjà ce bel ordre par reputation. Car je vous laisse a penser si j'eusse osé lui parler d'une telle folie, puisque sans cela j'étais comme une muette sans oser ouvrir la bouche, à cause qu'il y avait eu une personne assez extravagante à Bruxelles pour avoir dit à la Reine que je me piquais d'esprit, ce qui me fut redit aussitôt sans me nommer toutefois la personne qui m'avais rendus ce bon office, je vous jure que j'en devins plus stupide de la moitié; et en presence de la Reine je n'osais presque répondre ni dire un mot, de peur qu'elle ne crut qu'il fut vrai que j'eusse cette imagination.
Mais ce qui est le plus surprenant de toute mes aventures, et celle ou je comprens le moins, c'est que Sa Majesté me commenda absolument de lui donner mon portrait, m'envoya un peintre chez moi le lendemain; elle voulu que le peintre vint dans sa chambre et ce fut en sa présence en celle de beaucoup de monde que je fus peinte. En vérite, toutes les fois que je pense encore à cela, je suis toute prête a sortir des gens aussi bien que la gouvernante du triolet.
Sa Majesté m'a fait présent de deux de ses portraits, un grand et un petit, dans une boite, mais ce fut à condition que je ne manquasse point a lui envoyer mon ordre; et me dit celui qui me la portera vous apportera mon portrait que vous n'aurez si je n'ai votre ordre. Vous pouvez penser si ce commandement et la gloire que j'avais de pouvoir être Grande Maîtresse de la Grande Christine, ce qui n'est pas un petit tître, ne me firent apporter toute la diligence imaginable pour envoyer l'ordre à la Reine. Je fis faire une pièce de deux sous d'or, émaillée avec une couronne fermée par-dessus avec des forts petits diamants, comme la seule chevalière couronnée. Il y fallait un peu de différence: ce fut M. de Grandière, qui porta l'ordre, et Sa Majesté lui donna une fort belle bague, mais je n'aurais jamais fait si je voulais vous redire toutes les grâces.
English translation (my own):
Monsieur, if, in the midst of all the victories which surround you at present, you can give yourself the leisure to listen to the Grand Mistress, she will tell you a story which undoubtedly deserves your attention; but before starting it, I will tell you that I have received two of your letters from Stettin, for which I am infinitely obliged to you. It is true that these are the first that I have seen since you were a knight and that I will have the right to complain about your laziness as Grand Mistress, but I am not always that, and I like to represent it better at this hour this other me, who owes you a thousand thanks for the honour that you have done her by writing to her to speak to you as an offended Grand Mistress. So you save to begin my story that I had the honour of having seen this divine Queen of whom you have so often spoken to me, the great and incomparable Kristina; and what is most extraordinary is that I have been seen by her and have received graces and favours from her so far beyond all that one can hope that I am not capable of being able to represent it to you. I believe that you do not doubt the curiosity that I have had all my life to see this great Queen; and I have been looking for the means since Her Majesty has been in the Netherlands without having found them until now. About a month ago, being alone in Geertruidenberg, and Monsieur de Slavata having given me on leaving for Viane permission to walk through all of Brabant.
I did not consult far away which path I should take; and having taken three or four girls and as many men with me, I went to Brussels; and I was taken for the following of it all, wanting to keep my trip a secret until my return, and without this disguise I was afraid to meet some Dutch people who brought the news to The Hague rather than to me. I know very well that for Brussels and for the court of the Queen I did not need this disguise, and that it would have been very difficult for me to make myself known, even if I had told them my name, my name, nickname, my motto and my colour, and the name of my servant. I admit that this parenthesis is very long, having to tell us so many things about the greatest Queen on earth.
The first time I had the honour of seeing her, it was in the park, where Her Majesty was riding in a coach. I am told that she could not be seen any other way, unless one asks her to give an audience. I leave you to think if that did not anger me horribly and if I could be satisfied with this sight which was little more than the sight of a portrait; and although I would have preferred to die than to dare to appear before the Queen, I nevertheless wished to be close enough to hear her speak and see her without being seen, of which I saw no appearance. But I did not remain distant in this anxiety, and Monsieur d'Aunoy, who was close to the Queen, did not see me rather than recognise me, I can say to my great happiness, since I am indebted to him for all the graces I have received from the Queen. First of all, he wanted me to go and bow to Her Majesty, to which I could not bring myself, and every time I pictured to myself that great Kristina, who makes so much noise in the world, and who was said to be to have little inclination, or rather contempt, for our sex in general, I dared not think. And Monsieur d'Aunoy was finally forced to promise me that he would let me see her and hear her speak without being seen, which happened the next morning when Her Majesty was playing pall mall, where I had the good fortune of seeing her two hours in a row and hearing her speak to a number of people of quality who were around her; and yet I did not believe I was very unknown to all those people.
There is a certain Baron Sparre, brother of the beautiful Countess, whom I had seen in The Hague and others again, or Monsieur d'Aunoy himself, for I do not quite know who it was who saw him to tell the Queen that there were Dutch ladies there, who had come purposely to see her and did not want to be seen. I noticed at first that the Queen approached more often the place where I was and had the kindness to stop there very far away, pretending to play badly. And that the game stopped her there, so that I could see her at leisure, I beg you to admire this great kindness again; and I was already too satisfied with my trip.
But I was no sooner withdrawn to my lodgings than Monsieur d'Aunoy and his wife came to me and told me that the Queen wanted to see me and that I had to finally resolve to obey her and bow to her, that she knew my name and the subject that had brought me there. Finally, that I would have very bad grace if I did otherwise, I begged them at once to assure Her Majesty that fear and respect were the only reasons which had prevented me from daring to bow to her; and in truth I had no others, since I had believed that it was too much of an audacity for me to dare to present myself to Her Majesty. But since this honour could be afforded me that I would be delighted to obtain this grace, a moment later they took me to the Queen's, where I did not go without trembling.
But where I was received with extraordinary civility, and the Queen had kindnesses to me which are not conceivable, first asked me for news of Monsieur de Brederode's health and spoke of the whole family, which she said loudly. She knows well by reputation, well a thousand obliging things of that nature, and when I have told you that the Queen ordered me to stay there for a few days and not to move with her, she asked me every day what entertainment I would like to take that I liked best in order to give it to me, and which comedy I liked the most. There were two brand new and very beautiful pieces that the Queen had played, and said to me: "I only give these pieces to people I love." She told me a hundred times to wish that I could be with her in Italy and always stay with her. I leave you to think if I was not well prevented from responding to such great kindnesses.
I told her what regret I had at not being myself in order to be able to give myself absolutely to her, to which she replied that she knew that I was too committed to my country. Her Majesty also wished to recommend the claims which Monsieur de Slavata has in Bohemia to His Imperial Majesty and immediately wrote him a letter in my favour, the most obliging in the world for me, without my having asked him for this grace and obliged a certain Count Montecuccoli, who was there to recommend her affairs with great eagerness.
Finally you are going to know the thing which deserved the attention which you almost had for this long speech and in which you have a great interest as a knight. It is that the great Kristina is a knightess of our precious order, in truth this should not surprise you little nor rejoice that she absolutely wanted it, and as you know that Her Majesty understands all things in perfection, she has taken this mockery in the most gallant and witty manner in the world and told me to already know this fine order by reputation. Because I leave you to think if I would have dared to speak to her about such madness, since without that I was like a mute without daring to open my mouth, because there had been a person extravagant enough in Brussels to have said to the Queen that I was piquing myself, which was immediately repeated to me, without, however, naming me the person who had done me this good office, I swear to you that I became half stupid; and in the presence of the Queen I scarcely dared to answer or say a word, lest she believe it was true that I had this imagination.
But what is the most surprising of all my adventures, and the one where I understand the least, is that Her Majesty absolutely ordered me to give her my portrait and sent a painter to my house the next day; she wanted the painter to come to her room, and it was in her presence and in that of many people that I was portrayed in truth. Whenever I still think about it, I am all ready to take out people as well as the governess of the triplet.
Her Majesty made me a present of two of her portraits, a large and a small, in a box, but it was on condition that I did not fail to send her my order; and says to me the one who will take it to me will bring you my portrait which you will not have if I do not have your order. You can imagine if this command and the glory that I had to be able to be Grand Mistress of the great Kristina, which is not a small title, did not make me bring all the diligence imaginable to send the order to the Queen. I had a two-penny gold coin made, enamelled with a crown closed above with strong little diamonds, like the only crowned knightess. There had to be a little difference: it was Monsieur de Grandière who carried the order, and Her Majesty gave him a very beautiful ring, but I would never have done so if I wanted to thank you again.
Above: Kristina.
Above: Amalia Margaretha of Brederode, Madame de Slavata.
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