Sources:
Recüeil des harangues qui ont esté faites à la reyne de Suede, page 212, published by Claude Bardin, 1660
Mémoires de ce qui s'est passé en Suède, volume 3, page 300, Pierre Hector Chanut, 1675
Monumenta varia inedita variisque linguis conscripta, volume 2, pages 69 to 71, by Joachim Friedrich Feller, 1714
Mémoires concernant Christine, volume 1, page 399, Johan Arckenholtz, 1751
In response to this letter from Kristina:
The letter:
De la Haye le dernier Mars 1654.
MADAME,
La lettre que VOSTRE MAIESTÉ s'est donnée la peine de m'écrire de Westras, m'a surpris d'vne telle admiration que de long-tems ie ne seray capable d'y respondre, auec la liberté que VÔTRE MAIESTÉ a tousiours permise à ses seruiteurs. Tout y est grand & majestueux, il n'y a rien en particulier qui ne force mon esprit à y donner son consentement: mais quand ie me trouue à la fin transporté si loin de la route ordinaire des sentimens communs, ie retournerois volontiers sur mes pas pour reconnoistre si ie ne me suis point détourné. C'est ma foiblesse, MADAME, que VOSTRE MAIESTÉ n'a pas seulement eu la bonté de dissimuler en cette Lettre dont il luy a pleu m'honorer; mais elle m'a voulu rendre complice de la hauteur de ses pensées. Ie parle ainsi pource que le monde tient pour des deffauts les Vertus qu'il ne connoist pas, comme pour des offenses les biens-faits qu'il ne peut reconnoistre. Ie ne refuserois point d'estre chargé de quelque part de cette Illustre accusation en la plus celebre cause que le monde ait iamais examinée, s'il estoit vray que ie meritasse cette gloire: mais VÔTRE MAIESTÉ sçait que je n'ay esté que le spectateur; Elle reconnoist que i'ay bien osé deuant elle soustenir le party des opinions vulgaires, & que ie luy ay souuent auoüé que sa presence & ses discours me faisoient voir la vertu d'vn air que ie n'auois iamais connu. Mon seul partage dans le grand dessein de VOSTRE MAIESTÉ, qui exerce le iugement de toutes les Nations, puis qu'elle veut bien que l'on sçache qu'elle a eu la bonté de me le communiquer, est de témoigner par tout, où ie seray oüy, que la premiere & plus forte consideration, qui a porté VOSTRE MAIESTÉ, à former cette pensée, a esté le bien de ses Sujets, & la seureté de son Estat, en preuenant les confusions, & les partialitez difficiles à éuiter apres les deceds des Princes Souuerains, qui sont considerez comme les derniers de la Maison Royale. C'est le motif qu'il plust à VOSTRE MAIESTÉ de me découurir il y a prés de six ans, ayant l'honneur de seruir le Roy aupres d'Elle; & de cette premiere cause sont venus en suite les resolutions que VOSTRE MAIESTÉ a fait prendre à ses Estats pour l'establissement de Monsieur le Prince de Suede, dont la Prudence & la valeur estoient à VOSTRE MAIESTÉ des cautions du bon-heur auenir de son Royaume, & faisoi[en]t voir à tout le monde qu'vn choix si iudicieux ne pouuoit partir que de l'amour de VOSTRE MAIESTÉ pour ses peuples; de sorte que s'il arriue qu'elle veüille maintenant joüir elle mesme du plaisir d'auoir effectiuement donné vne Couronne à Monsieur le Prince, & vn digne Roy à ses bons sujets, establissant en presence vn Throne qui ne se pouuoit mieux affermir que par sa propre main; Il n'y a personne qui ne puisse apperceuoir la suite de tout ce grand projet, & qui ne doiue admirer, que VOSTRE MAIESTÉ ayant voulu que le bien public regnast plus absolumẽt sur elle, qu'elle n'a desiré de regner sur ses Sujets. Ce coup neantmoins est si hardy, qu'il estonnera tous ceux qui ne sçauent pas que la retraite que VOSTRE MAIESTÉ se prepare, est plus grande que tous les Royaumes de la terre, & qu'elle a dans son ame des tresors inépuisables de bon-heur & de ioye. C'est ce que ie voudrois leur pouuoir expliquer, auec cette force & cette lumiere qui éclate en la Lettre de VOSTRE MAIESTÉ puis que ie ne la puis donner à personne par communication, pource qu'elle m'y a traitté plus honnorablement que ie ne merite en verité: Mais bien que ie ne me puisse pas faire entendre auec cette vigueur, l'effet n'en sera pas moindre; car la connoissance de ces choses toutes Diuines est vn feu que chacun ne prend pas selon la grandeur du flambeau qui l'embrase, mais à mesure qu'il est capable luy-mesme de le conceuoir; de sorte qu'auec cette petite esteincelle, que Dieu m'a fait la grace de mettre dans mon ame, & que VOSTRE MAIESTÉ a reveillée, ie puis allumer de grandes flâmes dans les esprits de ceux qui sont nez à brûler de ce beau feu. Et pour les autres la Lettre mesme de VOSTRE MAIESTÉ, qui est tout dire, ne les échaufferoit pas. Ie ne prens pas garde en écriuant cecy, que VOSTRE MAIESTÉ ne desire point de nous ces seruices & qu'elle s'est mise au dessus de tous nos iugemens, mais si elle ne les agrée pas pour elle, ie la supplie tres-humblement qu'elle me les permette pour ma satisfaction; car ie me condamnerois comme ingrat, & ie me tiendrois pour vn mal-heureux, s'il se passoit vn moment de ma vie où ie ne fusse pas disposé de faire tout ce qui sera en mon pouuoir, pour estre en effet.
MADAME,
de Vostre Majesté,
Le tres-humble, tres-obeïssant
& tres-fidele seruiteur,
CHANVT.
With modernised spelling:
De la Haye, le dernier mars 1654.
Madame,
La lettre que Votre Majesté s'est donnée la peine de m'écrire de Västerås m'a surpris d'une telle admiration que de longtemps je ne serai capable d'y répondre avec la liberté que Votre Majesté a toujours permise à ses serviteurs. Tout y est grand et majestueux, il n'y a rien en particulier qui ne force mon esprit à y donner son consentement; mais quand je me trouve à la fin transporté si loin de la route ordinaire des sentiments communs, je retournerais volontiers sur mes pas pour reconnaître si je ne me suis point détourné.
C'est ma faiblesse, Madame, que Votre Majesté n'a pas seulement eu la bonté de dissimuler en cette lettre dont il lui a plu m'honorer, mais elle m'a voulu rendre complice de la hauteur de ses pensées. Je parle ainsi pource que le monde tient pour des défauts les vertus qu'il ne connaît pas, comme pour des offenses les bienfaits qu'il ne peut reconnaître. Je ne refuserais point d'être chargé de quelque part de cette illustre accusation en la plus célèbre cause que le monde ait jamais examinée, s'il était vrai que je méritasse cette gloire, mais Votre Majesté sait que je n'ai été que le spectateur. Elle reconnaît que j'ai bien osé devant elle soutenir le parti des opinions vulgaires et que je lui ai souvent avoué que sa présence et ses discours me faisaient voir la vertu d'un air que je n'avais jamais connu.
Mon seul partage dans le grand dessein de Votre Majesté, qui exerce le jugement de toutes les nations, puisqu'elle veut bien que l'on sache qu'elle a eu la bonté de me le communiquer, est de témoigner partout où je serai ouï que la première et plus forte considération qui a porté Votre Majesté à former cette pensée a été le bien de ses sujets et la sûreté de son état, en prévenant les confusions et les partialités difficiles à éviter après les décès des princes souverains qui sont considérés comme les derniers de la maison royale.
C'est le motif qu'il plût à Votre Majesté de me découvrir il y a près de six ans, ayant l'honneur de servir le Roi auprès d'elle; et de cette première cause sont venus en suite les résolutions que Votre Majesté a fait prendre à ses États pour l'établissement de Monsieur le prince de Suède, dont la prudence et la valeur étaient à Votre Majesté des cautions du bonheur avenir de son royaume et faisai[en]t voir à tout le monde qu'un choix si judicieux ne pouvait partir que de l'amour de Votre Majesté pour ses peuples; de sorte que, s'il arrive qu'elle veuille maintenant jouir elle-même du plaisir d'avoir effectivement donné une couronne à Monsieur le prince et un digne roi à ses bons sujets, établissant en présence un trône qui ne se pouvait mieux affermir que par sa propre main. Il n'y a personne qui ne puisse apercevoir la suite de tout ce grand projet et qui ne doive admirer que Votre Majesté ayant voulu que le bien public régnât plus absolument sur elle qu'elle n'a désiré de regner sur ses sujets.
Ce coup néanmoins est si hardi qu'il étonnera tous ceux qui ne savent pas que la retraite que Votre Majesté se prépare est plus grande que tous les royaumes de la terre, et qu'elle a dans son âme des trésors inépuisables de bonheur et de joie. C'est ce que je voudrais leur pouvoir expliquer, avec cette force et cette lumière qui éclate en la lettre de Votre Majesté, puisque je ne la puis donner à personne par communication, pource qu'elle m'y a traité plus honorablement que je ne mérite en vérité. Mais, bien que je ne me puisse pas faire entendre avec cette vigueur, l'effet n'en sera pas moindre, car la connaissance de ces choses toutes divines est un feu que chacun ne prend pas selon la grandeur du flambeau qui l'embrasse; mais à mesure qu'il est capable lui-même de le concevoir, de sorte qu'avec cette petite étincelle que Dieu m'a fait la grâce de mettre dans mon âme et que Votre Majesté a réveillée, je puis allumer de grandes flammes dans les esprits de ceux qui sont nés à brûler de ce beau feu. Et pour les autres, la lettre-même de Votre Majesté, qui est tout dire, ne les échaufferait pas.
Je ne prends pas garde en écrivant ceci que Votre Majesté ne désire point de nous ces services et qu'elle s'est mise au-dessus de tous nos jugements, mais si elle ne les agrée pas pour elle, je la supplie très humblement qu'elle me les permette pour ma satisfaction. Car je me condamnerais comme ingrat, et je me tiendrais pour un malheureux, s'il se passait un moment de ma vie où je ne fusse pas disposé de faire tout ce qui sera en mon pouvoir pour être en effet,
Madame,
de Votre Majesté
le très humble, très obéissant et très fidèle serviteur
Chanut.
Chanut's transcript of the letter:
MADAME,
La lettre que vostre Majesté s'est donnée la peine de m'escrire de Vvestros m'a surpris d'une telle admiration, que de long-temps je ne seray capable d'y répondre avec la liberté, que vostre Majesté a tousiours permise à ses serviteurs, tout y est grand, & majestueux, il n'y a rien en particulier, qui ne force mon esprit à y donner son consentement; mais quand je me trouve à la fin transporté si loin de la route ordinaire des sentimens communs, je retournerois volontiers sur mes pas pour reconnoistre si je ne me suis point détourné: C'est ma foiblesse, Madame, que vostre Majesté n'a pas eu seulement la bonté de dissimuler en cette lettre, dont il luy a plû m'honnorer, mais elle m'a voulu rendre complice de la hauteur de ses pensées. Je parle ainsi, parce que le monde tient pour des deffaux les vertus qu'il ne connoist pas, comme pour des offenses les bien-faits qu'il ne peut connoistre. Je ne refuserois pas d'estre chargé de quelque part de cette illustre accusation en la plus celebre cause que le monde ait jamais examiné, s'il estoit vray que je meritasse cette gloire; mais vostre Majesté sçait, que je n'ay esté que le spectateur, elle reconnoist que j'ay bien ozé devant elle soûtenir le party des opinions vulgaires, & que je luy ay souvent avoüé, que sa presence, & ses discours me faisoient voir la vertu d'un air que je n'avois jamais connu, mon seul partage dans le grand dessein de vostre Majesté, qui exercera le jugement de toutes les Nations, puisqu'elle veut bien que l'on sçache, qu'elle a eu la bonté de me le communiquer, est de tesmoigner par tout où je seray oüy, que la premiere, & la plus forte consideration, qui a porté vostre Majesté à former cette pensée a esté le bien de ses Sujets, & la seureté de son Estat, en prevenant les confusions, & les partialitez difficiles à éviter, apres le deceds des Princes Souverains, qui sont considerez comme les derniers de la Maison Royale; c'est le motif qu'il plût à vostre Majesté de me découvrir il y a près de six ans, ayant l'honneur de servir le Roy auprés d'elle, & de cette premiere cause sont venuës ensuite les resolutions que vostre Majesté a fait prendre à ses Estats, pour l'établissement de Monsieur le Prince de Suede, dont la prudence, & la valeur estoient à vostre Majesté des cautions du bon-heur advenir de son Royaume, & faisoient voir à tout le monde qu'un choix si judicieux ne pouvoit partir que de l'amour de vostre Majesté pour son peuple; de sorte que s'il arrive qu'elle veüille maintenant joüir elle-mesme du plaisir d'avoir effectivement donné une Couronne à Monsieur le Prince, & un digne Roy à ses bons Sujets, establissant en sa personne un Throsne qui ne se pouvoit mieux affermir que par sa propre main; il n'y a personne qui ne puisse appercevoir la suite de tout ce grand projet, & qui ne doive admirer que vostre Majesté ait voulu que le bien public regnast plus absolument sur elle, qu'elle n'a desiré de regner sur ses Sujets; ce coup neantmoins est si hardy, qu'il estonnera tous ceux qui ne sçavent pas, que la retraite, que Vostre Majesté se prepare est plus grande que tous les Royaumes de la terre, & qu'elle a dans son ame des tresors inespuisables de bon-heur, & de joye; c'est ce que je voudrois leur pouvoir expliquer avec cette force, & cette lumiere, qui éclate en celle de Vostre Majesté, puisque je ne la puis donner à personne par communication, parce qu'elle m'y a traité plus honnorablement que je ne merite en verité. Mais bien que je ne me puisse pas faire entendre avec cette vigueur, l'effet n'en sera pas moindre: car la connoissance de ces choses toutes divines, est un feu que chacun ne prend pas selon la grandeur du flambeau qui l'embrase, mais à mesure qu'il est capable luy-mesme de le concevoir; de sorte qu'avec cette petite éteincelle, que Dieu m'a fait la grace de mettre dans mon ame, & que Vostre Majesté a reveillé, je puis allumer de grandes flammes dans les esprits de ceux qui sont nays à brusler de ce beau feu, & pour les autres la lettre mesme de Vostre Majesté, qui est tout divine, ne les échaufferoit pas; je ne prends pas garde en examinant cecy, que Vostre Majesté ne desire point de nous ces services, & qu'elle s'est mis[e] au dessus de tous nos jugemens; mais si elle ne les aggrée pas pour elle, je la supplie tres-humblement qu'elle me les permette pour ma satisfaction: car ie me condamnerois comme ingrat, & ie me tiendrois pour un malheureux s'il se passoit un moment de ma vie, où ie ne fusse pas disposé de faire tout ce qui sera en mon pouvoir pour estre en effet.
MADAME,
De Vostre Majesté,
Le tres-humble, tres-obeissant, & tres-obligé serviteur,
CHANVT.
A la Haye le Mars 1654.
With modernised spelling:
Madame,
La lettre que Votre Majesté s'est donnée la peine de m'écrire de Västerås m'a surpris d'une telle admiration que de longtemps je ne serai capable d'y répondre avec la liberté que Votre Majesté a toujours permise à ses serviteurs. Tout y est grand et majestueux, il n'y a rien en particulier qui ne force mon esprit à y donner son consentement; mais quand je me trouve à la fin transporté si loin de la route ordinaire des sentiments communs, je retournerais volontiers sur mes pas pour reconnaître si je ne me suis point détourné.
C'est ma faiblesse, Madame, que Votre Majesté n'a pas eu seulement la bonté de dissimuler en cette lettre dont il lui a plu m'honorer, mais elle m'a voulu rendre complice de la hauteur de ses pensées. Je parle ainsi parce que le monde tient pour des défauts les vertus qu'il ne connaît pas, comme pour des offenses les bienfaits qu'il ne peut connaître. Je ne refuserais pas d'être chargé de quelque part de cette illustre accusation en la plus célèbre cause que le monde ait jamais examiné, s'il était vrai que je méritasse cette gloire; mais Votre Majesté sait que je n'ai été que le spectateur. Elle reconnaît que j'ai bien osé devant elle soutenir le parti des opinions vulgaires et que je lui ai souvent avoué que sa présence et ses discours me faisaient voir la vertu d'un air que je n'avais jamais connu.
Mon seul partage dans le grand dessein de Votre Majesté, qui exercera le jugement de toutes les nations, puisqu'elle veut bien que l'on sache qu'elle a eu la bonté de me le communiquer, est de témoigner partout où je serai ouï que la première et la plus forte considération qui a porté Votre Majesté à former cette pensée a été le bien de ses sujets et la sûreté de son état, en prévenant les confusions et les partialités difficiles à éviter après le décès des princes souverains qui sont considérés comme les derniers de la maison royale.
C'est le motif qu'il plût à Votre Majesté de me découvrir il y a près de six ans, ayant l'honneur de servir le Roi auprès d'elle; et de cette première cause sont venues ensuite les résolutions que Votre Majesté a fait prendre à ses États pour l'établissement de Monsieur le prince de Suède, dont la prudence et la valeur étaient à Votre Majesté des cautions du bonheur avenir de son royaume et faisaient voir à tout le monde qu'un choix si judicieux ne pouvait partir que de l'amour de Votre Majesté pour son peuple; de sorte que, s'il arrive qu'elle veuille maintenant jouir elle-même du plaisir d'avoir effectivement donné une couronne à Monsieur le prince et un digne roi à ses bons sujets, établissant en sa personne un trône qui ne se pouvait mieux affermir que par sa propre main, il n'y a personne qui ne puisse apercevoir la suite de tout ce grand projet et qui ne doive admirer que Votre Majesté ait voulu que le bien public régnât plus absolument sur elle qu'elle n'a désiré de régner sur ses sujets.
Ce coup néanmoins est si hardi qu'il étonnera tous ceux qui ne savent pas que la retraite que Votre Majesté se prépare est plus grande que tous les royaumes de la terre, et qu'elle a dans son âme des trésors inépuisables de bonheur et de joie. C'est ce que je voudrais leur pouvoir expliquer avec cette force, et cette lumière qui éclate en celle de Votre Majesté, puisque je ne la puis donner à personne par communication, parce qu'elle m'y a traité plus honorablement que je ne mérite en vérité. Mais bien que je ne me puisse pas faire entendre avec cette vigueur, l'effet n'en sera pas moindre. Car la connaissance de ces choses toutes divines est un feu que chacun ne prend pas selon la grandeur du flambeau qui l'embrasse, mais à mesure qu'il est capable lui-même de le concevoir, de sorte qu'avec cette petite étincelle, que Dieu m'a fait la grâce de mettre dans mon âme et que Votre Majesté a réveillé, je puis allumer de grandes flammes dans les esprits de ceux qui sont nés à brûler de ce beau feu; et pour les autres la lettre-même de Votre Majesté, qui est tout divine, ne les échaufferait pas.
Je ne prends pas garde en examinant ceci que Votre Majesté ne désire point de nous ces services et qu'elle s'est mise au-dessus de tous nos jugements, mais, si elle ne les agrée pas pour elle, je la supplie très humblement qu'elle me les permette pour ma satisfaction. Car je me condamnerais comme ingrat et je me tiendrais pour un malheureux s'il se passait un moment de ma vie où je ne fusse pas disposé de faire tout ce qui sera en mon pouvoir pour être en effet,
Madame,
de Votre Majesté
le très humble, très obéissant et très obligé serviteur
Chanut.
A la Haye, le [...] mars 1654.
Feller's transcript of the letter:
Madame.
La lettre que V. M. s'est donnée la peine de m'escrire m'a surpris d'une telle admiration, que de long temps je ne seray capable d'y repondre avec la liberté, que V. M. a toujours permise à ses Serviteurs. Tout y est grand & majestueux: Il n'y a rien en particulier qui ne force mon esprit à y donner son consentement. Mais quand je me trouve à la fin transporté si loin de la route ordinaire des sentimens communs, je retournerois volontiers sur mes pas, pour reconnoistre, si je ne me suis point de tourné. C'est ma foiblesse, Madame, que V. M. n'a pas eu seulement la bonté de dissimuler en cette lettre, dont il luy a plu m'honorer, mais elle m'a voulu rendre complice de la hauteur de ses pensées. Je parle ainsy pour ce que tout le monde tient pour des defauts les vertus qu'il ne connoist pas, comme pour des offenses les bienfaits qu'il ne peut connoistre. Je ne refuserois pas d'estre chargé de quelque part de cette illustre accusation en la plus celébre cause, que le monde ayt jamais examinée, s'il estoit vray que je meritasse cette gloire; mais V. M. sçait, que j'ay bien ozé devant elle soustenir le party des opinions vulguaires, & que je luy ay souvent aduoüé, que sa presence & ses discours me faisoient voir la vertu d'un air que je n'avois jamais connüe. Mon seul partage dans le grand dessein de V. M. qui exerce le jugement de touttes les nations, puis qu'elle veult bien que l'on sache, qu'elle a eu la bonté de me le communiquer, est de tesmoigner par tout ou je seray, que la premiere & la plus forte consideration, qui a porté V. M. à former cette pensée, est le bien de ses sujects, & la seureté de son Estat, en prevenant les confusions & les partialitez difficiles à eviter aprés le decede de Princes souverains, qui sont considerez comme les derniers de la maisson Royalle. C'est le motif, qu'il a pleu à V. M. de me descouvrir il y a pres de six ans, ayant l'honneur de servir le Roy auprés Elle & de cette premiere cause sont venuës les resolutions, que V. M. a fait prendre à ses Estats pour l'establissement de Mr. le Prince de Suede, dont la prudence & la valeur estoient à V. M. des cautions du bonheur avenir de Son Royaume, & faisoient voir à tout le monde, qu'un choix si judicieux ne pouvoit, partir que de l'amour de V. M. pour ses peuples, de sorte que s'il arrive qu'elle veuille maintenant jouir elle mesme du plaisir d'avoir effectivement donné une couronne a Mr. le Prince, & un digne Roy à ses bons sujects, establissant en sa presence un Trosne, qui ne se pouvoit mieux affermir que par sa propre main, il n'y a personne qui ne puisse apercevoir la suitte de tout ce grand prix, & qui ne veuille admirer que V. M. aye voulut, que le bien public regnast plus absolument sur elle, qu'elle n'a desiré de regner sur ses sujects. Ce coup neanmoins est si hardy, qu'il estonnera tous ceux qui ne sçauent pas, que la retraicte que V. M. se prepare est plus grande que tous les Royaumes de la terre, & qu'elle a dans son estendüe des tresors inepuissables de bonheur & de joye. C'est ce que je voudrois pouvoir expliquer avec cette force & cette lumiere, qui esclatte en la lettre de V. M. puisque je ne la puis donner à personne par communication, pource qu'elle m'y traitte plus honorablement que je ne merite mais bien que je ne me puisse pas faire entendre avec cette vigueur, l'effect n'en sera pas moindre, car la cognoissance de ces choses touttes divines est un feu, que chacun ne prend pas selon la grandeur du flambeau, qui l'embraze; mais à cette petite est[e]incelle, que Dieu m'a fait la grace de mettre dans mon ame, & que V. M. a recueillye, je puis allumer de grandes flammes dans l'esprit de ceux, qui sont nez à brusler de ce beau feu, & pour les autres la lettre de V. M. qui est tout dire, ne les eschaufferoit pas. Je ne prens pas garde en escrivant cecy que V. M. ne desire point de nous ces services, & qu'elle s'est mise au dessus de tous nos jugemens. Mais si elle ne les agrée pas pour elle, je la suplie tres humblement, qu'elle me les permette pour ma satisfaction, car je me condamnerois comme un ingrat, & me tiendrois pour un malheureux, s'il se passoit un moment de ma vie, ou je ne fusse pas dispozé de faire tout ce qui sera en mon pouvoir pour estre en effect &c.
With modernised spelling:
Madame,
La lettre que Votre Majesté s'est donnée la peine de m'écrire m'a surpris d'une telle admiration que de longtemps je ne serai capable d'y répondre avec la liberté que Votre Majesté a toujours permise à ses serviteurs. Tout y est grand et majestueux, il n'y a rien en particulier qui ne force mon esprit à y donner son consentement. Mais, quand je me trouve à la fin transporté si loin de la route ordinaire des sentiments communs, je retournerais volontiers sur mes pas pour reconnaître si je ne me suis point de tourné. C'est ma faiblesse, Madame, que Votre Majesté n'a pas eu seulement la bonté de dissimuler en cette lettre, dont il lui a plu m'honorer, mais elle m'a voulu rendre complice de la hauteur de ses pensées.
Je parle ainsi pour ce que tout le monde tient pour des défauts les vertus qu'il ne connaît pas comme pour des offenses les bienfaits qu'il ne peut connaître. Je ne refuserais pas d'être chargé de quelque part de cette illustre accusation en la plus célèbre cause que le monde ait jamais examinée, s'il était vrai que je méritasse cette gloire. Mais Votre Majesté sait que j'ai bien osé devant elle soutenir le parti des opinions vulgaires et que je lui ai souvent avoué que sa présence et ses discours me faisaient voir la vertu d'un air que je n'avais jamais connue.
Mon seul partage dans le grand dessein de Votre Majesté, qui exerce le jugement de toutes les nations, puisqu'elle veut bien que l'on sache qu'elle a eu la bonté de me le communiquer, est de témoigner partout où je serai que la première et la plus forte considération qui a porté Votre Majesté à former cette pensée est le bien de ses sujets et la sûreté de son État, en prevenant les confusions et les partialités difficiles à éviter après le décède de princes souverains, qui sont considérés comme les derniers de la maison royale.
C'est le motif qu'il a plu à Votre Majesté de me découvrir il y a près de six ans, ayant l'honneur de servir le Roi auprès elle et de cette première cause sont venues les résolutions que Votre Majesté a fait prendre à ses États pour l'établissement de Monsieur le prince de Suède, dont la prudence et la valeur étaient à Votre Majesté des cautions du bonheur avenir de son royaume et faisaient voir à tout le monde qu'un choix si judicieux ne pouvait partir que de l'amour de Votre Majesté pour ses peuples, de sorte que s'il arrive qu'elle veuille maintenant jouir elle-même du plaisir d'avoir effectivement donné une Couronne à Monsieur le prince et un digne roi à ses bons sujets, établissant en sa présence un trône qui ne se pouvait mieux affermir que par sa propre main. Il n'y a personne qui ne puisse apercevoir la suite de tout ce grand prix et qui ne veuille admirer que Votre Majesté ait voulu que le bien public régnât plus absolument sur elle qu'elle n'a désiré de régner sur ses sujets.
Ce coup néanmoins est si hardi qu'il étonnera tous ceux qui ne savent pas que la retraite que Votre Majesté se prépare est plus grande que tous les royaumes de la terre, et qu'elle a dans son étendue des trésors inépuisables de bonheur et de joie. C'est ce que je voudrais pouvoir expliquer avec cette force et cette lumière, qui éclate en la lettre de Votre Majesté, puisque je ne la puis donner à personne par communication, pource qu'elle m'y traite plus honorablement que je ne mérite. Mais, bien que je ne me puisse pas faire entendre avec cette vigueur, l'effet n'en sera pas moindre, car la connaissance de ces choses toutes divines est un feu que chacun ne prend pas selon la grandeur du flambeau qui l'embrasse. Mais, à cette petite éteincelle que Dieu m'a fait la grâce de mettre dans mon âme et que Votre Majesté a recueillie, je puis allumer de grandes flammes dans l'esprit de ceux qui sont nés à brûler de ce beau feu, et pour les autres la lettre de Votre Majesté, qui est tout dire, ne les échaufferait pas.
Je ne prends pas garde en écrivant ceci que Votre Majesté ne désire point de nous ces services, et qu'elle s'est mise au-dessus de tous nos jugements. Mais si elle ne les agrée pas pour elle, je la supplie très humblement qu'elle me les permette pour ma satisfaction, car je me condamnerais comme un ingrat et me tiendrais pour un malheureux s'il se passait un moment de ma vie, où je ne fusse pas disposé de faire tout ce qui sera en mon pouvoir pour être en effet, etc.
Arckenholtz's transcript of the letter:
Madame
La lettre que Votre Majesté s'est donnée la peine de m'écrire de Vesteråhs m'a surpris d'une telle admiration, que de long tems je ne serai capable d'y répondre avec la liberté que V. Majesté a toûjours permise à ses Serviteurs. Tout y est grand & Majestueux, il n'y a rien en particulier qui ne force mon esprit à y donner son consentement; mais quand je me trouve à la fin transporté si loin de la route ordinaire des sentimens communs, je retournerois volontiers sur mes pas, pour reconnoître si je ne me suis point détourné. C'est ma foiblesse, Madame, que V. M. n'a pas seulement eu la bonté de dissimuler en cette lettre dont il lui a plû m'honnorer; mais elle m'a voulu rendre complice de la hauteur de ses pensées. Je parle ainsi, pource que le monde tient pour des défauts les vertus qu'il ne connoit pas, comme pour des offenses les bienfaits qu'il ne peut reconnoître. Je ne refuserois point d'être chargé de quelque part de cette illustre accusation en la plus célèbre cause que le monde ait jamais éxaminée, s'il étoit vrai que je méritasse cette gloire: mais V. M. sait que je n'ai été que le spectateur; Elle reconnoit que j'ai bien osé devant elle soutenir le parti des opinions vulgaires, & que je lui ai souvent avoué que sa présence & ses discours me faisoient voir la vertu d'un air que je n'avois jamais connu. Mon seul partage dans le grand dessein de V. M. qui éxerce le jugement de toutes les Nations, puisqu'elle veut bien que l'on sache qu'elle a eu la bonté de me le communiquer, est de témoigner partout, où je serai, que la prémière & plus forte considération, qui a porté V. M. à former cette pensée, a été le bien de ses Sujèts & la sûreté de son Etat, en prévenant les confusions & les partialités difficiles à éviter après les décès des Princes souverains, qui sont considérés comme les derniers de la Maison Roïale. C'est le motif qu'il plut à Votre Majesté de me découvrir il y a près de six ans, aïant l'honneur de servir le Roi, auprès d'Elle, & de cette première cause sont venuës ensuite les résolutions que V. M. a fait prendre à ses Etats, pour l'établissement de Monsieur le Prince de Suède, dont la Prudence & la Valeur étoient à V. M. des cautions du bonheur avenir de son Roïaume, & faisoient voir à tout le monde qu'un choix si judicieux ne pouvoit partir que de l'amour de V. M. pour ses peuples, de sorte que s'il arrive qu'Elle veuille maintenant jouir elle-même du plaisir d'avoir effectivement donné une Couronne à Monsieur le Prince & une digne Roi à ses bons Sujèts, établissant en présence un Trône qui ne se pouvoit mieux affermir que par sa propre main; il n'y a personne qui ne puisse apperçevoir la suite de tout ce grand projèt, & qui ne doive admirer que Votre Majesté, aïant voulu que le bien public régnât plus absolument sur elle, qu'elle n'a desiré de régner sur ses Sujèts. Ce coup néanmoins est si hardi, qu'il étonnera tous ceux qui ne savent pas que la retraite, que V. M. se prépare, est plus grande que tous les Roïaumes de la Terre, & qu'elle a dans son ame des trésors inépuisables de bonheur & de joïe. C'est ce que je voudrois leur pouvoir expliquer, avec cette force & cette lumière qui éclate en la lettre de V. M. puisque je ne la puis donner à personne par communication, pour ce qu'elle m'y a traité plus honorablement que je ne mérite en vérité: mais bien que je ne me puisse pas faire entendre avec cette vigueur, l'effèt n'en sera pas moindre, car la connoissance de ces choses toutes Divines est un feu que chacun ne prend pas selon la grandeur du flambeau qui l'embrasse; mais à mesure qu'il est capable lui-même de le conçevoir; desorte qu'avec cette petite étincelle, que Dieu m'a fait la grace de mettre dans mon ame, & que V. M. a réveillée, je puis allumer de grandes flammes dans les esprits de ceux qui sont nés à bruler de ce beau feu. Et pour les autres, la lettre même de V. M. qui est tout dire, ne les échaufferoit pas. Je ne prends pas garde en écrivant ceci, que Votre Majesté ne desire point de nous ces services, & qu'elle s'est mise au-dessus de tous nos jugemens; mais si elle ne les agrée pas pour elle, je la supplie très-humblement qu'elle me les permette pour ma satisfaction, car je me condamnerois comme un ingrat, & je me tiendrois pour un malheureux, s'il se passoit un moment de ma vie où je ne fusse pas disposé de faire tout ce qui sera en mon pouvoir, pour être en effèt.
Madame
de Votre Majesté
Le très-humble, très-obéissant & très-fidèle Serviteur
CHANUT.
à la Haye ce 2. Mars 1654.
English translation (my own):
Madame,
The letter which Your Majesty took the trouble to write to me from Västerås surprised me with such admiration that for a long time I will not be able to answer it with the freedom which Your Majesty has always allowed your servants. Everything in it is grand and majestic, there is nothing in particular that does not force my mind to give its consent. But when I find myself at the end transported so far from the ordinary road of common feelings, I would gladly retrace my steps, to recognise if I have not turned away.
It is my weakness, Madame, that Your Majesty has not only had the goodness to conceal in this letter with which it has pleased you to honour me, but you wanted to make me an accomplice in the height of your thoughts. I speak thus, because the world regards the virtues which it does not know as faults as the benefits which it cannot recognise as offenses. I would not refuse to be charged from somewhere with this illustrious accusation in the most famous cause that the world has ever examined, if it were true that I deserved this glory. But Your Majesty knows that I have only been the spectator. You recognise that I have dared in front of you to support the party of vulgar opinions, and that I have often confessed to you that your presence and your speeches made me see virtue in an air I had never known. My only share in the great design of Your Majesty, who exercises the judgment of all nations, since you want people to know that you were kind enough to communicate it to me, is to testify wherever I will be, that the first and strongest consideration which led Your Majesty to form this thought was the good of your subjects and the safety of your State, by preventing the confusions and the partialities difficult to avoid after the deaths of sovereign princes who are considered the last of the royal house. This is the reason why Your Majesty pleased to reveal it to me almost six years ago, having the honour of serving the King, near you, and from this first cause then came the resolutions that Your Majesty made your Estates take, for the establishment of the Prince of Sweden, whose prudence and valour for Your Majesty guarantees for the future happiness of your kingdom, and made everyone see that such a judicious choice could only start from the love of Your Majesty for your people, so that if it happens now that you yourself wish to enjoy the pleasure of having actually given a crown to the Prince and a worthy king to your good subjects, establishing in presence a throne which could not be better established than by your own hand. There is no one who cannot see the result of all this great project, and who must not admire that Your Majesty, having wanted the public good to reign no longer absolutely over you, than you did not desire to reign over your subjects.
This blow, however, is so bold that it will astonish all those who do not know that the retreat which Your Majesty is preparing is greater than all the kingdoms of the earth, and that it has in its soul inexhaustible treasures of happiness and joy. This is what I would like them to be able to explain, with that force and that light which shines in Your Majesty's letter since I cannot give it to anyone by communication, for how you treated me there more honourably than I did not deserve in truth; but although I cannot make myself hear of these all divine things, that is a fire which each one does not take according to the size of the torch which embraces it. But as it is itself capable of conceiving it, so that with this little spark, which God has granted me the grace to put in my soul, and which Your Majesty has awakened, I can light great flames in the minds of those who are born to burn with this beautiful fire. And for the others, the very letter from Your Majesty, which says it all, would not excite them. I am not taking care in writing this that Your Majesty does not desire these services from us, and that you have placed yourself above all our judgments; but if you do not agree with them for you, I beg you most humbly to allow them to me for my satisfaction, for I would condemn myself as an ingrate, and I would consider myself an unhappy person, if there was not a moment my life where I was not willing to do everything in my power, to be in effect,
Madame,
Your Majesty's
Most humble, most obedient and most faithful servant
Chanut.
at The Hague, March 2, 1654.
Swedish translation of the original (my own):
Från Haag, den sista dag mars 1654.
Madam,
Brevet som Ers Majestät tagit sig besväret att skriva till mig från Västerås har förvånat mig med sådan beundran att jag länge inte kommer att kunna svara på det med den frihet Ers Majestät alltid låtit Era tjänare. Allt däri är storslaget och majestätiskt, det finns inget särskilt som inte tvingar mitt sinne att ge sitt samtycke till det; men när jag äntligen befinner mig så långt bort från vanliga känslornas vanliga väg, skulle jag gärna gå tillbaka för att upptäcka om jag inte har vänt mig åt sidan.
Det är min svaghet, madam, som Ers Majestät icke blott har haft snällheten att dölja i detta brev varmed Ni behagat hedra mig, utan Ni har velat göra mig till medbrottsling i Era tankars höghet. Jag talar så därför att världen har för brister de dygder som den inte känner till, liksom den har för kränkningar de fördelar som den inte kan erkänna. Jag skulle inte vägra att bli åtalad någonstans för denna lysande anklagelse i det mest berömda fall som världen någonsin har övervägt om det var sant att jag förtjänade denna ära, men Ers Majestät vet att jag bara har varit åskådaren. Ni inser att jag framför Er vågade stödja vulgära åsikter och att jag ofta har erkänt för Er att Er närvaro och Era diskurser har fått mig att se fördelen med en luft som jag aldrig hade känt.
Min enda del i Ers Majestäts stora plan, som utövar alla folks dom, eftersom Ni vill att det skall vara känt att Ni har haft godheten att meddela mig det, är att vittna, varhelst jag kommer att höras, att första och starkaste hänsyn som fick Ers Majestät att bilda sig denna tanke var Era undersåtars bästa och Er stats säkerhet, vilket förhindrade de förvirringar och partiskheter som är svåra att undvika efter döden av de suveräna furstar som anses vara de sista av konungahuset.
Detta är anledningen som det behagade Ers Majestät att upptäcka för mig för nästan sex år sedan, med äran att tjäna Konungen hos Er; och av denna första orsak kom de beslut som Ers Majestät lät Era Ständer anta till Sveriges prins, vars klokhet och tapperhet var Ers Majestät borgen för Ers rikes framtida lycka och lät alla inse, att ett sådant klokt val kunde utgå bara från Ers Majestäts kärlek till Ert folk; så att Ni, om det händer att Ni nu själv vill njuta av nöjet att faktiskt ha givit en krona till prinsen och en värdig konung till Era goda undersåtar, genom att inför hans närvaro upprätta en tron som inte kunde etableras bättre än av hennes egen hand. Det finns ingen som inte kan se resultatet av allt detta stora projekt och som inte får beundra att Ers Majestät har velat att allmännyttan skall regera mer absolut över er än Ni har önskat att regera över Era undersåtar.
Detta slag är emellertid så djärvt att det kommer att förvåna alla dem som icke vet att den reträtt som Ers Majestät förbereder åt Er är större än alla jordens riken, och att Ni i Er själ har outtömliga skatter av lycka och glädje. Detta är vad jag skulle vilja kunna förklara för dem, med denna kraft och detta ljus som lyser i Ers Majestäts brev, eftersom jag inte kan ge det till någon genom meddelande, eftersom Ni däri har behandlat mig hederligare än jag verkligen förtjänar. Men, fastän jag icke kan göra mig hörd med denna kraft, blir effekten icke mindre, ty kunskapen om dessa alla gudomliga ting är en eld, som var och en inte tar efter storleken på den fackla, som omfamnar honom; men som han själv kan föreställa sig det, så att jag med denna lilla gnista som Gud har givit mig nåden att lägga i min själ och som Ers Majestät har väckt kan tända stora lågor i andarna hos dem som är födda att brinna med denna vackra eld. Och för de andra skulle Ers Majestäts brev, som säger allt, inte upphetsa dem.
Jag bryr mig inte när jag skriver detta att Ers Majestät inte önskar dessa tjänster av oss och att Ni har satt Er själv över alla våra domar, men om Ni inte accepterar dem själva, ber jag Er mycket ödmjukt att Ni tillåter dem för min tillfredsställelse. Ty jag skulle döma mig själv som otacksam, och jag skulle betrakta mig själv som en stackare, om det skulle komma en tid i mitt liv då jag inte var villig att göra allt som stod i min makt för att vara i kraft,
Madam,
Ers Majestäts
ödmjukaste, lydigaste och trognaste tjänare
Chanut.
English translation of the original (my own):
From The Hague, the last day of March 1654.
Madame,
The letter Your Majesty has taken the trouble to write me from Västerås has surprised me with such admiration that for a long time I will not be able to reply to it with the freedom Your Majesty has always allowed your servants. Everything there is grand and majestic, there is nothing in particular that does not compel my mind to give its consent to it; but when I find myself at last transported so far from the ordinary route of common feelings, I would gladly retrace my steps to discover whether I have not turned aside.
It is my weakness, Madame, which Your Majesty has not only had the kindness to conceal in this letter with which you have been pleased to honour me, but you have wanted to make me an accomplice in the loftiness of your thoughts. I speak thus because the world holds for defects the virtues which it does not know, as it holds for offenses the benefits which it cannot recognise. I would not refuse to be charged somewhere with this illustrious accusation in the most famous case that the world has ever considered if it were true that I deserved this glory, but Your Majesty knows that I have only been the spectator. You recognise that I dared in front of you to support the side of vulgar opinions and that I have often confessed to you that your presence and your discourses have made me see the virtue of an air that I had never known.
My only share in the great design of Your Majesty, who exercises the judgment of all nations, as you want it to be known that you have had the goodness to communicate it to me, is to testify, wherever I will be heard, that the first and strongest consideration which led Your Majesty to form this thought was the good of your subjects and the security of your state, preventing the confusions and partialities which are difficult to avoid after the deaths of those sovereign princes who are considered as the last of the royal house.
This is the reason which it pleased Your Majesty to discover to me nearly six years ago, having the honour of serving the King near you; and from this first cause came the resolutions that Your Majesty made your Estates adopt for the establishment of the Prince of Sweden, whose prudence and valour were to Your Majesty sureties for the future happiness of your kingdom and made everyone see that such a judicious choice could only start from Your Majesty's love for your people; so that, if it happens that you now wish to enjoy for yourself the pleasure of having actually given a crown to the Prince and a worthy King to your good subjects, establishing in his presence a throne which could not be better established than by her own hand. There is no one who cannot see the outcome of all this great project and who must not admire that Your Majesty has wanted the public good to reign more absolutely over you than you have desired to reign over your subjects.
This blow, however, is so bold that it will astonish all those who do not know that the retreat which Your Majesty is preparing for yourself is greater than all the kingdoms of the earth, and that you have in your soul inexhaustible treasures of happiness and joy. This is what I would like to be able to explain to them, with this force and this light which shines in Your Majesty's letter, as I cannot give it to anyone by communication, because you have treated me more honourably therein than I truly deserve. But, although I cannot make myself heard with this vigour, the effect will not be less, for the knowledge of these all divine things is a fire which each one does not take according to the size of the torch which embraces him; but as he himself is able to conceive it, so that, with this little spark which God has given me the grace to put in my soul and which Your Majesty has awakened, I can kindle great flames in the spirits of those who are born to burn with this beautiful fire. And for the others, Your Majesty's letter itself, which says it all, would not excite them.
I take no heed in writing this that Your Majesty does not desire these services from us and that you have placed yourself above all our judgments, but if you do not accept them for yourself, I beg you very humbly that you permit them for my satisfaction. For I would condemn myself as ungrateful, and I would consider myself a wretch, if there should come a time in my life when I were not willing to do all in my power to be in effect,
Madame,
Your Majesty's
most humble, most obedient and most faithful servant
Chanut.
Above: Kristina.
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