Friday, May 29, 2020

Further account of Kristina from Mademoiselle de Montpensier

Source:

Mémoires de Mlle de Montpensier: petite-fille de Henri IV, Volume 2, page 477


The account:

La reine de Suède descendit au milieu de la cour. La reine dit qu'elle ne fut jamais si surprise que de la voir, et que, quoique l'on lui eût bien dit qu'elle n'étoit pas faite comme les autres, elle ne se la pouvoit imaginer faite comme elle la trouva. Le maréchal et la maréchale de La Mothe donnèrent une grande collation. ...

Le temps que cette reine fut à Compiègne, on tâcha de lui donner tous les divertissements possibles: les comédiens françois et italiens, et les vingt-quatre violons du roi; mais elle ne voulut pas danser; toutes sortes de musiques et de chasses. Elle se plaisoit fort à la cour; mais comme elle n'y plaisoit pas tant, on lui fit dire qu'elle y avoit été assez longtemps, mais fort honnêtement. Il se rencontra que les jésuites de Compiègne firent jouer une tragédie par leurs écoliers; on la convia d'y aller; ce qu'elle fit, et Leurs Majestés aussi. Elle se moqua fort de ces pauvres pères, les tourna en ridicule au dernier point; elle fit les postures que je lui avois vu faire à Essonne, dont la reine fut fort surprise.

Elle avoit entendu parler de l'amour du roi pour mademoiselle de Mancini; de sorte que, pour faire sa cour, elle s'alloit mettre en tiers, et leur disoit qu'il falloit se marier ensemble; qu'elle vouloit être la confidente, et disoit au roi: «Si j'étois à votre place, j'épouserois une personne que j'aimerois.» Je crois que ces discours ne plurent ni à la reine ni à M. le cardinal, et qu'ils contribuèrent à hâter son départ; car à la cour, on n'aime pas les gens qui entrent en matière sans que l'on les en prie.

J'étois à Pont, lorsqu'elle partit de Compiègne; je croyois qu'elle y dût passer, et c'eût été son chemin, si elle eût pris celui de Bourgogne. J'envoyai à Melun lui faire compliment; elle me manda qu'elle vouloit me venir voir à Pont; mais que l'on lui avoit dit que j'étois à Saint-Fargeau, et que c'étoit son chemin d'y passer et qu'elle étoit au désespoir de ne me point voir. Le gentilhomme que j'y avois envoyé me dit qu'elle coucheroit le lendemain à Montargis; la fantaisie me prit de la voir encore une fois. J'envoyai des relais, et je partis à la pointe du jour, j'arrivai à Montargis à dix heures du soir. Je n'avois que madame de Thianges et madame de Frontenac avec moi, la comtesse de Fiesque et mademoiselle de Vandy n'ayant pas assez de force pour soutenir une telle fatigue.

Comme j'arrivai, je fus droit à son logis; on me dit: «La reine se vient de coucher.» Je fis semblant de n'entendre pas l'italien, et je disois que l'on dit à la reine que c'étoit moi. Enfin, après l'avoir dit plûsieurs fois, on me vint dire de monter toute seule. Je la trouvai couchée dans un lit où mes femmes couchoient toutes les fois que je passois à Montargis, une chandelle sur la table, et elle avoit une serviette autour de la tête comme un bonnet de nuit; pas un cheveu; une chemise fermée sans collet, avec un gros nœud couleur de feu; ses draps qui ne venoient qu'à la moitié de son lit; une vilaine couverture verte. Elle ne me parut pas jolie en cet état. Elle me salua d'abord, et me dit qu'elle étoit bien fâchée de la peine que j'avois prise; que j'avois bien eu de la fatigue de me lever si matin; puis me demanda qui étoit venu avec moi. Je lui dis: «Madame de Thianges et madame de Frontenac.» Elle me dit de les faire appeler; elle fit assez bonne chère à madame de Thianges.

Je lui demandai comme elle avoit trouvé le roi. Elle me dit: «Fort bien fait et fort honnête homme;» que c'étoit dommage qu'il n'aimât une plus belle personne que mademoiselle de Mancini; qu'elle trouvoit Monsieur fort joli; mais qu'il avoit été honteux avec elle; ce qui l'avoit surprise, croyant le roi le plus farouche. Puis elle me demanda des nouvelles du comte de Hollac. Je ne lui dis pas qu'il étoit prisonnier, car je ne le savois point pour lors. Elle me parla encore de M. le Prince; si je lui écrivois. Je lui dis que non, que cela m'étoit défendu; puis je m'en allai, jugeant bien que ma visite avoit été trop longue. Si elle eût été plus civile, elle me seroit venue voir le lendemain avant que de partir; mais ce seroit trop demander à une reine des Goths.

Je me levai matin et m'en allai à son logis; je la trouvai jolie, avec un justaucorps neuf, bien poudrée, en belle humeur. Elle proposa à madame de Thianges de s'en aller à Rome avec elle, et que c'étoit une raillerie de s'amuser à son mari; que le meilleur n'en vouloit rien, et qu'il étoit fort à propos de le quitter. Elle pesta fort contre le mariage, et me conseilla de ne me jamais marier, trouvant abominable d'avoir des enfants. Elle se mit à parler des dévotions de Rome d'une manière assez libertine. Ensuite elle me dit: «Je passe à Turin; que voulez-vous que je dise si on m'y parle de vous?» Je lui répondis que je ne doutois pas que ce ne fût de la bonne manière, parce que madame de Savoie étoit ma tante et qu'elle m'avoit toujours témoigné beaucoup d'amitié. A quoi elle répliqua: «Son fils vous aime plus qu'elle; il vous désire fort et il a raison; mais pour elle, elle vous craint, parce qu'elle veut gouverner, et elle a peut-être raison aussi de son côté.»

On la pressa de partir, ayant une assez longue journée à faire. Elle disoit: «Vous me donnez le plus sensible déplaisir que je sois capable de recevoir, de me séparer de Mademoiselle; je ne la verrai peut-être jamais.» Enfin elle me fit mille cajoleries de cette force. Je la vis monter en carrosse avec Sentinelli, un autre, et un gentilhomme qui étoit au roi, nommé Lesin. Rien n'est si bizarre que de voir une reine sans pas une femme. Je m'en allai coucher à Egreville chez madame la duchesse de Vitry, et de là je m'en retournai à Pont, où je fus le temps que j'ai dit.

English translation (my own):

The Queen of Sweden descended to the middle of the court. The Queen [of France] said that she was never so surprised to see her, and that, although she had been told that she was not formed like the others, she could not imagine her being made as she found her. The marshal and maréchale de la Mothe gave a great collation. ...

While this Queen was at Compiègne, they tried to give her all possible entertainment: the French and Italian comedians, and the King's twenty-four violins; but she did not want to dance; all kinds of music and hunting. She takes great pleasure in court; but as she did not like it so much, they made her say that she had been there long enough, but very honestly. It was found that the Jesuits of Compiègne had their schoolchildren play a tragedy; they invited her to go; which she did, and so did Their Majesties. She made fun of these poor fathers, ridiculed them excessively; she made the postures I had seen her do at Essonne, which very much surprised the Queen.

She had heard of the King's love for Mademoiselle de Mancini; so that, in order to pay her court, she went to a third party, and told them that it was necessary to marry together; that she wanted to be the confidante, and said to the King: "If I were in your place, I would marry a person whom I would love." I believe that these speeches pleased neither the Queen nor the Cardinal, and that they contributed to hasten her departure; because at court, we don't like people who enter into matters without being asked.

I was at Pont when she left Compiègne; I believed that she must have passed there, and it would have been her way if she had taken that of Burgundy. I sent Melun to compliment her; she told me that she wanted to come and see me at Pont; but that she had been told that I was at Saint-Fargeau, and that it was her way to go there and that she was in despair at not seeing me. The gentleman I sent there told me that she would be sleeping in Montargis the next day; the fancy took me to see her again. I sent horses, and I left at daybreak, arriving in Montargis at ten in the evening. I had only Madame de Thianges and Madame de Frontenac with me, the Comtesse de Fiesque and Mademoiselle de Vandy not having enough strength to bear such fatigue.

As I arrived, I went straight to her lodgings; I was told: "The Queen has just gone to bed." I pretended not to hear the Italian, and I said that the Queen was told that it was me. Finally, after saying it several times, I was told to go up on my own. I found her lying in a bed where my women slept whenever I passed Montargis, with a candle on the table, and she had a towel around her head like a nightcap; she had no hair; a closed shirt without a collar, with a large fire-colored ribbon; her sheets only came up to half of her bed; an ugly green blanket. She did not look pretty to me in this state. She greeted me first, and told me that she was very angry at the trouble I had taken; that I had been tired of getting up so early in the morning; then asked me who had come with me. I said to her: "Madame de Thianges and Madame de Frontenac." She told me to call them; she had already feasted enough on Madame de Thianges.

I asked her what she thought of the King. She said to me: "Very well formed and a very honest man"; that it was a pity that he did not love a more beautiful person than Mademoiselle de Mancini; that she found Monsieur very pretty; but that he had been ashamed with her; which surprised her, believing him to be the fiercest king. Then she asked me for news of the Count de Hollac. I did not tell him that he was a prisoner, for I did not know it at the time. She spoke to me again of the Prince; if I wrote to him. I told her no, that it was forbidden me; then I went away, judging that my visit had been too long. If she had been more civil, she would have come to see me the next day before leaving; but that would be asking too much of a queen of the Goths.

I got up in the morning and went to her lodgings; I found her pretty, with a new justaucorps, well powdered, in good humour. She proposed to Madame de Thianges to go to Rome with her, and that it was a mockery to amuse her husband; that the best wanted nothing of it, and that it was very fitting to leave him. She railed strongly against marriage, and advised me never to marry, finding it abominable to have children. She began to speak of the devotions of Rome in a rather libertine manner. Then she said to me: "I am going to Turin; what do you want me to say if people talk to me about you?" I replied that I had no doubt that it was the wrong way, because Madame de Savoie was my aunt and that she had always shown me great friendship. To which she replied: "Her son loves you more than she does; he wants you strong and he is right; but as for her, she fears you, because she wants to govern, and she may also be right."

She was urged to leave, her having a fairly long journey to make. She said: "You give me the most sensitive displeasure that I am capable of receiving, of separating myself from Mademoiselle; I may never see her." Finally she gave me a thousand cajoleries of this strength. I saw her get into a carriage with Santinelli, another man, and a gentleman who belonged to the King, named Lesin. Nothing is so strange as seeing a queen without a woman. I went to sleep at Egreville at Madame la Duchesse de Vitry's, and from there I returned to Pont, where I was the at time I said.


Above: Kristina.



Above: Mademoiselle de Montpensier.

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