Thursday, November 24, 2022

René Descartes' letter to Pierre Hector Chanut, dated February 11/21 (New Style), 1648

Source:

Œuvres de Descartes, correspondance V: mai 1647-février 1650, page 129, published by Charles Adam and Paul Tannery, 1903


The letter:

Monsieur,
Il faut que ie vous die que ie suis marry du trop fauorable accueil que vous auez procuré aux écrits que ie vous auois enuoyez pour la Reine de Suede. Car i'ay peur que sa Maiesté, n'y trouuant rien, en les lisant, qui corresponde à l'esperance que vous luy en auez fait auoir, en ait d'autant moins bonne opinion, qu'elle l'aura eüe meilleure auparauant. I'ay encore vn autre déplaisir, qui est que, puisque mon pacquet a esté retenu trois semaines à Amsterdam (ce que i'ay sceu estre arriué pource qu'on pensoit le deuoir enuoyer par mer & qu'on en attendoit l'occasion), ie regrette de n'auoir pas employé ce temps-là pour tascher d'écrire quelque chose qui fust moins indigne d'vn si bon accueil. Car, encore que i'aye tasché de faire mon mieux, toutesfois les secondes pensées ont coutume d'estre plus nettes que les premieres, & ie m'estois hasté en faisant cette dépesche, pour témoigner, au moins par ma promptitude, combien i'estois desireux d'obeïr à vn commandement, que ie cherissois comme le plus grand honneur que ie puisse receuoir. Voila, M[onsieur], tous les suiets de tristesse que ie puisse imaginer, afin de moderer l'extréme ioye que i'ay d'aprendre que cette grande Reine veüille lire & considerer à loisir les écrits que i'ay enuoyez. Car i'ose me promettre que, si elle gouste les pensées qu'ils contiennent, elles ne seront pas infructueuses, & pource qu'elle est l'vne des plus importantes personnes de la terre, que cela mesme peut n'estre pas inutile au public. Il me semble auoir trouué par experience que la consideration de ces pensées fortifie l'esprit en l'exercice de la vertu, & qu'elle sert plus à nous rendre heureux, qu'aucune autre chose qui soit au monde. Mais il n'est pas possible que ie les aye assez bien exprimées, pour faire qu'elles paroissent aux autres comme à moy. Et i'ay vn desir extréme d'aprendre quel iugement en fera sa Maiesté, mais particulierement aussi quel sera le vostre. La parole a beaucoup plus de force pour persuader que l'écriture, & ie ne doute point que vous ne luy en fassiez aysément auoir les mesmes sentimens que vous aurez, au moins s'ils sont à mon auantage; car l'affection dont vous me donnez tous les iours des preuues, m'assure que vous ne luy en voudriez pas faire auoir d'autres.

Ie seray bien-aise de voir la harangue de M. F[reinshemius], à cause de la matiere dont il traite, & ie ne manqueray pas de la demander à M. Brasset lors qu'il l'aura receuë.

Au reste, ie me propose d'aller à Paris au commencement du mois prochain. Ie pourrois dire que, pour mon interest, ie ne souhaite pas d'auoir si-tost l'honneur de vous y voir, à cause des faueurs que vous me procurez au lieu où vous estes; mais ie n'ay iamais aucun égard à moy, lors qu'il peut y aller du contentement de mes amis. Et i'auouë que ie ne souhaiterois pas vn employ penible, qui m'ostast le loisir de cultiuer mon esprit, encore que cela fust recompensé par beaucoup d'honneur & de profit. Ie diray seulement qu'il ne me semble pas que le vostre soit du nombre de ceux qui ostent le loisir de cultiuer son esprit; au contraire, ie croy qu'il vous en donne les occasions, en ce que vous estes auprés d'vne Reine qui en a beaucoup, & qu'il ne faut pas auoir manque d'adresse pour satisfaire entierement à ses maistres, agréer à ceux vers lesquels on est enuoyé, & ne ioüer cependant aucun autre personnage que celuy d'vn homme d'honneur, ainsi que ie m'assure que vous faites. On peut tousiours tirer beaucoup de satisfaction de ce qu'on occupe son esprit en des choses difficiles, lors qu'on y reüssit, encore qu'on ne l'occupe pas aux mesmes choses qu'on auroit peut-estre choisies, si on en auoit eu la liberté. Le vostre estant propre à tout, ie ne doute point que vous ne tiriez beaucoup de satisfaction d'vn employ dont vous vous acquitez si bien. Si pourtant vous aprochiez du temps de vostre retraite, & que vous reuinsiez bien-tost à Paris, ie serois rauy d'auoir l'honneur de vous y voir. Que si vous faites encore quelque seiour au lieu où vous estes, ie me consoleray sur ce que i'espere que vous continüerez à me procurer la bien-veillance de cette grande Reine, pour les vertus de laquelle vous m'auez fait auoir beaucoup de veneration & de zele. Ie suis, &c.
D'Egmond, le 21 Feurier 1648.

With modernised spelling:

Monsieur,
Il faut que je vous die que je suis marri du trop favorable accueil que vous avez procuré aux écrits que je vous avais envoyés pour la Reine de Suède, car j'ai peur que Sa Majesté, n'y trouvant rien, en les lisant, qui corresponde à l'espérance que vous lui en avez fait avoir, en ait d'autant moins bonne opinion qu'elle l'aura eue meilleure auparavant. J'ai encore un autre déplaisir, qui est que, puisque mon paquet a été retenu trois semaines à Amsterdam (ce que j'ai su être arrivé pource qu'on pensait le devoir envoyer par mer et qu'on en attendait l'occasion), je regrette de n'avoir pas employé ce temps-là pour tâcher d'écrire quelque chose qui fut moins indigne d'un si bon accueil. Car, encore que j'aie tâché de faire mon mieux, toutefois les secondes pensées ont coutume d'être plus nettes que les premières; et je m'étais hâté en faisant cette dépêche, pour témoigner, au moins par ma promptitude, combien j'étais désireux d'obéir à un commandement que je chérissais comme le plus grand honneur que je puisse recevoir. Voilà, Monsieur, tous les sujets de tristesse que je puisse imaginer, afin de modérer l'extrême joie que j'ai d'apprendre que cette grande Reine veuille lire et considérer à loisir les écrits que j'ai envoyés; car j'ose me promettre que, si elle goûte les pensées qu'ils contiennent, elles ne seront pas infructueuses; et pource qu'elle est l'une des plus importantes personnes de la terre, que cela même peut n'être pas inutile au public. Il me semble avoir trouvé par expérience que la considération de ces pensées fortifie l'esprit en l'exercice de la vertu, et qu'elle sert plus à nous rendre heureux qu'aucune autre chose qui soit au monde. Mais il n'est pas possible que je les aie assez bien exprimées, pour faire qu'elles paraissent aux autres comme à moi. Et j'ai un désir extrême d'apprendre quel jugement en fera Sa Majesté, mais particulièrement aussi quel sera le vôtre. La parole a beaucoup plus de force pour persuader que l'écriture, et je ne doute point que vous ne lui en fassiez aisément avoir les mêmes sentiments que vous aurez, au moins s'ils sont à mon avantage; car l'affection dont vous me donnez tous les jours des preuves m'assure que vous ne lui en voudriez pas faire avoir d'autres.

Je serai bien-aise de voir la harangue de M. Freinshemius, à cause de la matière dont il traite, et je ne manquerai pas de la demander à M. Brasset lorsqu'il l'aura reçue.

Au reste, je me propose d'aller à Paris au commencement du mois prochain. Je pourrais dire que, pour mon intérêt, je ne souhaite pas d'avoir si tôt l'honneur de vous y voir, à cause des faveurs que vous me procurez au lieu où vous êtes; mais je n'ai jamais aucun égard à moi lorsqu'il peut y aller du contentement de mes amis. Et j'avoue que je ne souhaiterais pas un emploi pénible qui m'ôtât le loisir de cultiver mon esprit, encore que cela fût récompensé par beaucoup d'honneur et de profit. Je dirai seulement qu'il ne me semble pas que le vôtre soit du nombre de ceux qui ôtent le loisir de cultiver son esprit; au contraire, je crois qu'il vous en donne les occasions, en ce que vous êtes auprès d'une Reine qui en a beaucoup, et qu'il ne faut pas avoir manqué d'adresse pour satisfaire entièrement à ses maîtres, agréer à ceux vers lesquels on est envoyé, et ne jouer cependant aucun autre personnage que celui d'un homme d'honneur, ainsi que je m'assure que vous faites. On peut toujours tirer beaucoup de satisfaction de ce qu'on occupe son esprit en des choses difficiles lorsqu'on y reussit, encore qu'on ne l'occupe pas aux mêmes choses qu'on aurait peut-être choisies, si on en avait eu la liberté. Le vôtre étant propre à tout, je ne doute point que vous ne tiriez beaucoup de satisfaction d'un emploi dont vous vous acquittez si bien. Si pourtant vous approchiez du temps de votre retraite, et que vous revinsiez bientôt à Paris, je serais ravi d'avoir l'honneur de vous y voir. Que si vous faites encore quelque séjour au lieu où vous êtes, je me consolerai sur ce que j'espère que vous continuerez à me procurer la bienveillance de cette grande Reine, pour les vertus de laquelle vous m'avez fait avoir beaucoup de vénération et de zèle. Je suis, etc.
D'Egmond, le 21 février 1648.

Swedish translation (my own):

Monsieur,
Jag måste säga Er att jag är bedrövad över det alltför gynnsamma mottagande Ni gav de skrifter som jag skickat till Er för Sveriges drottning, ty jag fruktar att Hennes Majestät, inte finnande något i dem vid läsningen av dem, vilket motsvarar hoppet att Ni har fått henne att ha det, har en mindre bra uppfattning om det, desto bättre kommer hon att ha haft den förut. Jag har fortfarande ett annat missnöje, vilket är att eftersom mitt paket hölls uppe i tre veckor i Amsterdam (vilket jag visste hade hänt eftersom man trodde att man måste skicka det sjövägen och man väntade på möjligheten), ångrar jag att jag inte fick använde den tiden till att försöka skriva något som var mindre ovärdigt ett så bra mottagande. Ty fastän jag har försökt göra mitt bästa, brukar de andra tankarna vara tydligare än de första; och jag hade skyndat mig att göra detta utskick, för att åtminstone genom min snabbhet visa hur ivrig jag var att lyda en befallning som jag omhuldade som den högsta ära jag kunde få. Dessa, monsieur, är alla de orsaker till sorg som jag kan föreställa mig, för att dämpa den extrema glädje jag har att få veta att denna stora drottning önskar läsa och på fritiden överväga de skrifter som jag har sänt; ty jag vågar lova mig själv att om hon smakar de tankar de innehåller, så blir de inte fruktlösa; och eftersom hon är ju en av de viktigaste människorna på jorden, så kanske inte ens det är värdelöst för allmänheten. Det förefaller mig som om jag av erfarenhet har funnit att hänsynen till dessa tankar stärker sinnet i utövandet av dygd, och att det gör mer för att göra oss lyckliga än något annat i världen. Men det är inte möjligt att jag har uttryckt dem tillräckligt bra för att få dem att framstå för andra som för mig. Och jag har en extrem önskan att förnimma vilken bedömning Hennes Majestät kommer att göra av det, men särskilt också vad den Er kommer att bli. Talet har mycket mer kraft att övertala än skrivandet, och jag tvivlar inte på att Ni lätt kommer att få henne att ha samma känslor som Ni, åtminstone om de är till min fördel; ty vars tillgivenhet Ni ger mig bevis varje dag försäkrar mig om att Ni inte vill att hon skall ha mer.

Jag vore glad att se herr Freinsheims harang, på grund av det ärende han sysslar med, och jag kommer inte att underlåta att be monsieur Brasset om det när han får det.

I övrigt föreslår jag mig själv att åka till Paris i början av nästa månad. Jag skulle kunna säga att jag för mitt eget intresse icke vill ha äran att se Er där så snart, på grund av de ynnest Ni skaffar mig på den plats där Ni är; men jag har aldrig någon respekt för mig själv när mina vänners tillfredsställelse kan stå på spel. Och jag erkänner att jag inte skulle önska mig en smärtsam sysselsättning som skulle beröva mig fritiden att odla mitt sinne, även om det skulle belönas med mycket ära och vinst. Jag skall bara säga att det inte förefaller mig som om den Er är bland dem som tar bort fritiden att odla sitt sinne; tvärtom, jag tror att det ger Er möjlighet att göra det, i det att Ni är tillsammans med en drottning som har många mot dem till vilka man är sänd, och ändå inte spelar någon annan karaktär än en hedersman, som jag är säker på att Ni gör. Man kan alltid få mycket tillfredsställelse av att sysselsätta sitt sinne med svåra saker när man lyckas med dem, även om man inte sysselsätter det med samma saker som man skulle ha valt om man hade haft friheten. Eftersom Ni är lämplig för allt, tvivlar jag inte på att Ni får mycket tillfredsställelse av en anställning som Ni frikänner Er själv så väl från. Om Ni emellertid närmar Er tidpunkten för Er reträtt, och skulle Ni snart återvända till Paris, skulle jag vara glad att få äran att se Er där. Om Ni fortfarande tillbringar någon tid på den plats där Ni är, skall jag trösta mig med det faktum att jag hoppas att Ni skall fortsätta att skaffa mig denna stora drottnings välvilja, för vars dygder Ni har gjort mig till stor vördnad och iver. Jag är, osv.
Egmond, den 21 februari 1648.

English translation (my own):

Monsieur,
I must tell you that I am saddened by the overly favourable reception you gave to the writings I had sent you for the Queen of Sweden, for I fear that Her Majesty, finding nothing in them, upon reading them, which corresponds to the hope that you have made her have of it, has a less good opinion of it, the better she will have had it before. I still have another displeasure, which is that, since my package was held up for three weeks in Amsterdam (which I knew had happened because one thought one had to send it by sea and one was waiting for the opportunity), I regret not having used that time to try to write something that was less unworthy of such a good reception. For, though I have tried to do my best, the second thoughts are wont to be clearer than the first; and I had hastened in making this dispatch, to show, at least by my promptness, how eager I was to obey a command which I cherished as the highest honour I could receive. These, Monsieur, are all the causes of sadness that I can imagine, in order to moderate the extreme joy that I have to learn that this great Queen wishes to read and consider at leisure the writings that I have sent; for I dare to promise myself that, if she tastes the thoughts they contain, they will not be fruitless; and because she is one of the most important people on earth, that even that may not be useless to the public. It seems to me that I have found by experience that the consideration of these thoughts strengthens the mind in the exercise of virtue, and that it does more to make us happy than anything else in the world. But it is not possible that I have expressed them well enough to make them appear to others as to me. And I have an extreme desire to learn what judgment Her Majesty will make of it, but particularly also what yours will be. Speech has much more power to persuade than writing, and I have no doubt that you will easily make her have the same feelings that you will, at least if they are to my advantage; for the affection of which you give me proofs every day assures me that you would not want her to have any more.

I would be glad to see Mr. Freinsheim's harangue, on account of the matter he deals with, and I will not fail to ask Monsieur Brasset for it when he receives it.

For the rest, I propose to myself to go to Paris at the beginning of next month. I could say that, for my own interest, I do not wish to have the honour of seeing you there so soon, because of the favours you procure for me in the place where you are; but I never have any respect for myself when my friends' satisfaction might be at stake. And I confess that I would not wish for a painful employ which would deprive me of the leisure of cultivating my mind, even though that would be rewarded with much honour and profit. I will only say that it does not seem to me that yours is among those who take away the leisure of cultivating one's mind; on the contrary, I believe that it gives you the opportunity to do so, in that you are with a Queen who has many toward those to whom one is sent, and yet to play no other character than that of a man of honour, as I am sure you do. One can always derive much satisfaction from occupying one's mind with difficult things when one succeeds in them, although one does not occupy it with the same things one might have chosen if one had had the liberty. Yours being suitable for everything, I have no doubt that you derive much satisfaction from an employ of which you acquit yourself so well. If, however, you are approaching the time of your retreat, and should you soon return to Paris, I should be delighted to have the honour of seeing you there. If you still spend some time in the place where you are, I will console myself with the fact that I hope you will continue to procure for me the benevolence of this great Queen, for whose virtues you have made me have great veneration and zeal. I am, etc.
Egmond, February 21, 1648.


Above: Kristina.


Above: René Descartes.

Note: In reality, Descartes did not leave until the beginning of May.

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