Thursday, November 24, 2022

René Descartes' letter to Princess Elisabeth of Bohemia, dated November 10/20 (New Style), 1647

Source:

Œuvres de Descartes, correspondance V: mai 1647-février 1650, page 89, published by Charles Adam and Paul Tannery, 1903


Descartes' letter to Kristina is here:


The letter:

Madame,
Puisque i'ay déia pris la liberté d'auertir vostre Altesse de la correspondance que i'ay commencé d'auoir en Suede, ie pense estre obligé de continuer, & de luy dire que i'ay receu depuis peu des lettres de l'amy que i'ay en ce païs-là, par lesquelles il m'aprend que, la Reine ayant esté à Vpsale, où est l'Academie du païs, elle auoit voulu entendre vne harangue du Professeur en l'eloquence, qu'il estime pour le plus habile & le plus raisonnable de cette Academie, & qu'elle luy auoit donné pour son suiet à discourir du Souuerain Bien de cette vie; mais qu'apres auoir ouy cette harangue, elle auoit dit que ces gens-là ne faisoient qu'efleurer les matieres, & qu'il en faudroit sçauoir mon opinion. A quoy il luy auoit répondu qu'il sçauoit que i'estois fort retenu à écrire de telles matieres; mais que, s'il plaisoit à sa Maiesté qu'il me la demandast de sa part, il ne croyoit pas que ie manquasse à tascher de luy satisfaire. Sur quoy elle luy auoit tres-expressement donné charge de me la demander, & luy auoit fait promettre qu'il m'en écriroit au prochain ordinaire; en sorte qu'il me conseille d'y répondre, & d'adresser ma lettre à la Reyne, à laquelle il la presentera, & dit qu'il est caution qu'elle sera bien receuë.

I'ay crû ne deuoir pas negliger cette occasion, & considerant que, lors qu'il m'a écrit cela, il ne pouuoit encore auoir receu la lettre où ie parlois de celles que i'ay eu l'honneur d'écrire à vostre Altesse touchant la mesme matiere, i'ay pensé que le dessein que i'auois eu en cela estoit failly, & qu'il le falloit prendre d'vn autre biais: c'est pourquoy i'ay écrit vne lettre à la Reyne, où, apres auoir mis briéuement mon opinion, i'adioute que i'obmets beaucoup de choses, parce que, me representant le nombre des affaires qui se rencontrent en la conduite d'vn grand Royaume, & dont sa Maiesté prend elle-mesme les soins, ie n'ose luy demander plus longue audiance; mais que i'enuoye à Monsieur Chanut quelques écrits, où i'ay mis mes sentimens plus au long touchant la mesme matiere, afin que, s'il luy plaist de les voir, il puisse les luy presenter.

Ces écrits que i'enuoye à Monsieur Chanut, sont les lettres que i'ay eu l'honneur d'écrire à vostre Altesse touchant le liure de Seneque de vita beata, iusques à la moitié de la sixiéme, où, apres auoir definy les Passions en general, ie mets que ie trouue de la difficulté à les dénombrer. En suite dequoy, ie luy enuoye aussi le petit Traitté des Passions, lequel i'ay eu assez de peine à faire transcrire sur vn broüillon fort confus que i'en auois gardé; & ie luy mande que ie ne le prie point de presenter d'abord ces écrits à la Reyne, pource que i'aurois peur de ne pas garder assez le respect que ie dois à sa Maiesté, si ie luy enuoyois des lettres que i'ay faites pour vne autre, plutost que de luy écrire à elle-mesme ce que ie pourray iuger luy estre agreable; mais que, s'il trouue bon de luy en parler, disant que c'est à luy que ie les ay enuoyées, & qu'apres cela elle desire de les voir, ie seray libre de ce scrupule; & que ie me suis persuadé qu'il luy sera peut-estre plus agreable de voir ce qui a esté ainsi écrit à vne autre, que s'il luy estoit adressé, pource qu'elle pourra s'assurer davantage que ie n'ay rien changé ou déguisé en sa consideration.

Ie n'ay pas iugé à propos d'y mettre rien de plus de vostre Altesse, ny mesme d'un exprimer le nom, lequel toutesfois il ne pourra ignorer à cause de mes lettres precedentes. Mais considerant que, nonobstant qu'il soit homme tres-vertueux & grand estimateur des personnes de merite, en sorte que ie ne doute point qu'il n'honore vostre Altesse autant qu'il doit, il ne m'en a toutesfois parlé que rarement en ses lettres, bien que ie luy en aye écrit quelque chose en toutes les miennes, i'ay pensé qu'il faisoit peut-estre scrupule d'en parler à la Reyne, pource qu'il ne sçait pas si cela plairoit ou déplairoit à ceux qui l'ont enuoyé. Mais, si i'ay d'oresnauant occasion de luy écrire à elle-mesme, ie n'auray pas besoin d'interprete; & le but que i'ay eu cette fois, en luy enuoyant ces écrits, est de tascher à faire qu'elle s'occupe dauantage à ces pensées, & que, si elles luy plaisent, ainsi qu'on me fait esperer, elle ait occasion d'en conferer auec vostre Altesse. De laquelle ie seray toute ma vie, &c.

With modernised spelling:

Madame,
Puisque j'ai déjà pris la liberté d'avertir Votre Altesse de la correspondance que j'ai commencé d'avoir en Suède, je pense être obligé de continuer et de lui dire que j'ai reçu depuis peu des lettres de l'ami que j'ai en ce pays-là, par lesquelles il m'apprend que la Reine ayant été à Upsale, où est l'Academie du pays, elle avait voulu entendre une harangue du professeur en l'éloquence, qu'il estime pour le plus habile et le plus raisonnable de cette Academie, et qu'elle lui avait donné pour son sujet à discourir du souverain bien de cette vie; mais qu'après avoir ouï cette harangue, elle avait dit que ces gens-là ne faisaient qu'éfleurer les matières et qu'il en faudrait savoir mon opinion. A quoi il lui avait répondu qu'il savait que j'étais fort retenu à écrire de telles matières; mais que, s'il plaisait à Sa Majesté qu'il me la demandât de sa part, il ne croyait pas que je manquasse à tâcher de lui satisfaire. Sur quoi elle lui avait très expressément donné charge de me la demander et lui avait fait promettre qu'il m'en écrirait au prochain ordinaire; en sorte qu'il me conseille d'y répondre, et d'adresser ma lettre à la Reine, à laquelle il la présentera, et dit qu'il est caution qu'elle sera bien reçue.

J'ai cru ne devoir pas négliger cette occasion, et considérant que lorsqu'il m'a écrit cela, il ne pouvait encore avoir reçu la lettre où je parlais de celles que j'ai eu l'honneur d'écrire à Votre Altesse touchant la même matière, j'ai pensé que le dessein que j'avais eu en cela était failli, et qu'il le fallait prendre d'un autre biais. C'est pourquoi j'ai écrit une lettre à la Reine, où, après avoir mis brièvement mon opinion, j'ajoute que j'omets beaucoup de choses parce que, me représentant le nombre des affaires qui se rencontrent en la conduite d'un grand royaume, et dont Sa Majesté prend elle-même les soins, je n'ose lui demander plus longue audience; mais que j'envoie à Monsieur Chanut quelques écrits où j'ai mis mes sentiments plus au long touchant la même matière, afin que, s'il lui plaît de les voir, il puisse les lui présenter.

Ces écrits que j'envoie à Monsieur Chanut sont les lettres que j'ai eu l'honneur d'écrire à Votre Altesse touchant le livre de Sénéque («De Vita Beata»), jusqu'à la moitié de la sixième, où, après avoir défini les passions en général, je mets que je trouve de la difficulté à les dénombrer. En suite dequoi, je lui envoie aussi le petit traité des passions, lequel j'ai eu assez de peine à faire transcrire sur un brouillon fort confus que j'en avais gardé; et je lui mande que je ne le prie point de présenter d'abord ces écrits à la Reine, pource que j'aurais peur de ne pas garder assez le respect que je dois à Sa Majesté, si je lui envoyais des lettres que j'ai faites pour une autre, plutôt que de lui écrire à elle-même ce que je pourrai juger lui être agréable; mais que, s'il trouve bon de lui en parler, disant que c'est à lui que je les ai envoyées, et qu'après cela elle désire de les voir, je serai libre de ce scrupule. Et que je me suis persuadé qu'il lui sera peut-être plus agréable de voir ce qui a été ainsi écrit à une autre que s'il lui était adressé, pource qu'elle pourra s'assurer davantage que je n'ai rien changé ou déguisé en sa considération.

Je n'ai pas jugé à propos d'y mettre rien de plus de Votre Altesse, ni même d'un exprimer le nom, lequel toutefois il ne pourra ignorer à cause de mes lettres précédentes. Mais considérant que, nonobstant qu'il soit homme très vertueux et grand estimateur des personnes de mérite, en sorte que je ne doute point qu'il n'honore Votre Altesse autant qu'il doit, il ne m'en a toutefois parlé que rarement en ses lettres, bien que je lui en aie écrit quelque chose en toutes les miennes, j'ai pensé qu'il faisait peut-être scrupule d'en parler à la Reine, pource qu'il ne sait pas si cela plairait ou déplairait à ceux qui l'ont envoyé. Mais, si j'ai dorénavant occasion de lui écrire à elle-même, je n'aurai pas besoin d'interprète; et le but que j'ai eu cette fois, en lui envoyant ces écrits, est de tâcher à faire qu'elle s'occupe davantage à ces pensées, et que, si elles lui plaisent, ainsi qu'on me fait espérer, elle ait occasion d'en conférer avec Votre Altesse, de laquelle je serai toute ma vie, etc.

Swedish translation (my own):

Madam,
Då jag redan tagit mig friheten att underrätta Ers Höghet om den korrespondens som jag börjat ha i Sverige, tror jag mig måste fortsätta och berätta att jag nyligen fått brev från den vän som jag har i det landet, varigenom jag han underrättar mig att drottningen varande i Uppsala, där det landets Akademi är, ville höra ett harang från professorn i vältalighet, som han aktar som den skickligaste och mest rimliga av denna Akademi, och som hon hade givit honom för sitt ämne att tala om den suveräna godheten i detta liv; men att hon efter att ha hört detta harang sagt att de här människorna bara kliade på ytan och att Ni borde veta min åsikt. Varpå han svarade att han visste att jag var mycket återhållsam från att skriva sådana saker; men att han, om det behagade Hennes Majestät att fråga mig å hans vägnar, inte trodde att jag skulle misslyckas med att försöka tillfredsställa honom. Varpå hon mycket uttryckligen hade instruerat honom att be mig om det och hade låtit honom lova att han skulle skriva till mig om det med nästa posten; så råder han mig att svara på det och rikta mitt brev till drottningen, för vilken han kommer att framlägga det, och säger att han är säker på att det kommer att bli väl mottaget.

Jag tänkte att jag inte skulle försumma detta tillfälle, och med tanke på att han, när han skrev detta till mig, ännu inte kunde ha fått det brev vari jag talade om dem som jag hade äran att skriva till Ers Höghet rörande samma sak, tyckte jag att dessängen jag hade haft däri var bristfällig, och att den måste tas från en annan vinkel. Det är därför jag har skrivit ett brev till drottningen, där jag, efter att kort ha uttryckt min åsikt, tillägger att jag utelämnar många saker, därför att jag representerar det antal affärer som möts av ett stort rikes uppförande, som Hennes Majestät själv sköter, vågar jag inte be henne om längre audiens; men att jag sänder till monsieur Chanut några skrifter, där jag mer utförligt lägger mina känslor rörande samma sak, så att han, om det behagar henne att se dem, kan presentera dem för henne.

Dessa skrifter som jag skickar till monsieur Chanut är de brev som jag hade äran att skriva till Ers Höghet angående Senecas bok (»De Vita Beata«), fram till mitten av den sjätte, där, efter att ha definierat passionerna i allmänhet säger jag att jag har svårt att räkna upp dem. Som ett resultat därav sände jag honom också den lilla avhandlingen om passionerna, som jag hade nog med svårighet att få transkriberat till ett mycket förvirrat utkast som jag hade behållit; och jag säger till honom att jag ber honom att inte presentera dessa skrifter för drottningen först, ty jag vore rädd för att inte i tillräcklig utsträckning behålla den respekt som jag är skyldig Hennes Majestät om jag skickade brev till henne som jag har gjort för en annan, snarare än att skriva för henne själv vad jag kan anse som behagligt för henne; men att, om han finner det lämpligt att tala med henne därom och säga att det är till honom som jag har sänt dem, och att hon därefter vill se dem, så skall jag bli fri från denna skrupul. Och att jag har övertygat mig själv om att det kanske blir trevligare för henne att se vad som sålunda skrivits till en annan än om det var riktat till henne, så att hon kan vara mer säker på att jag inte har ändrat eller förtäckt något för hennes hänsyn.

Jag har inte funnit det lämpligt att där sätta något mer om Ers Höghet, inte ens att uttrycka Ert namn, vilket han dock inte kommer att kunna bortse från på grund av mina tidigare brev. Men med tanke på det, oaktat han är en mycket dygdig man och en stor aktning av förtjänstpersoner, så att jag inte tvivlar på att han hedrar Ers Höghet så mycket som han borde, talade han likväl endast sällan till mig i sina brev, fastän jag har skrivit något av det till honom i alla mina, jag trodde att han kanske var noggrann med att nämna det för drottningen, ty han visste inte om det skulle behaga eller misshaga dem som skickade det. Men om jag har möjlighet att skriva till henne från och med nu, så behöver jag ingen tolk; och det syfte som jag denna gång hade när jag skickade henne dessa skrifter är att försöka få henne att sysselsätta sig mer med dessa tankar, och att hon, om de behagar henne, som jag förhoppas, kan få tillfälle att konferera med Ers Höghet, av vilka jag skall vara hela mitt liv, osv.

English translation (my own):

Madame,
As I have already taken the liberty of informing Your Highness of the correspondence which I have begun to have in Sweden, I think I must go on and tell you that I have recently received letters from the friend that I have in that country, by which he informs me that the Queen having been at Uppsala, where the Academy of that country is, she wanted to hear a harangue from the professor of eloquence, whom he esteems as the most skillful and the most reasonable of this Academy, and which she had given him for his subject to discourse on the sovereign good of this life; but that after having heard this harangue, she had said that these people were only scratching the surface and that you should know my opinion. To which he replied that he knew that I was very restrained from writing such matters; but that, if it pleased Her Majesty to ask me on his behalf, he did not believe that I would fail to try to satisfy him. Whereupon she had very expressly instructed him to ask me for it and had made him promise that he would write to me about it by the next ordinary; so he advises me to answer it and to address my letter to the Queen, to whom he will present it, and says that he is sure that it will be well received.

I thought I should not neglect this opportunity, and considering that, when he wrote this to me, he could not yet have received the letter in which I spoke of those which I had the honour of writing to Your Highness touching on the same matter, I thought that the design I had had in that was flawed, and that it had to be taken from another angle. That is why I have written a letter to the Queen, in which, after briefly stating my opinion, I add that I omit many things because, representing to myself the number of affairs which are met with in the conduct of a great kingdom, of which Her Majesty takes care herself, I dare not ask her for a longer audience; but that I send to Monsieur Chanut some writings where I put my feelings more at length touching the same matter, so that, if it pleases her to see them, he may present them to her.

These writings that I am sending to Monsieur Chanut are the letters that I had the honour of writing to Your Highness concerning Seneca's book ("De Vita Beata"), up to the middle of the sixth, where, after having defined the passions in general, I put that I find difficulty in enumerating them. As a result of which, I also sent him the little treatise on the passions, which I had enough difficulty in having transcribed into a very confused draft that I had kept; and I tell him that I ask him not to present these writings to the Queen first, for I would be afraid of not sufficiently keeping the respect that I owe to Her Majesty if I sent her letters that I have made for another, rather than writing to her herself what I may deem pleasing to her; but that, if he sees fit to speak to her about it, saying that it is to him that I have sent them, and that after that she wishes to see them, I shall be free from this scruple. And that I have persuaded myself that it will perhaps be more pleasant for her to see what has been thus written to another than if it were addressed to her, so that she can be more certain that I have changed or disguised nothing for her consideration.

I have not seen fit to put anything more about Your Highness there, nor even to express your name, which, however, he will not be able to ignore on account of my previous letters. But considering that, notwithstanding that he is a very virtuous man and a great esteemer of persons of merit, so that I have no doubt that he honours Your Highness as much as he should, he nevertheless spoke to me only rarely in his letters, although I have written something of it to him in all mine, I thought he was perhaps scrupulous about mentioning it to the Queen, for he did not know whether it would please or would displease those who sent it. But if I have the opportunity to write to her from now on, I will not need an interpreter; and the object which I had this time in sending her these writings is to try to make her occupy herself more with these thoughts, and that, if they please her, as I am led to hope, she may have occasion to confer with Your Highness, of whom I shall be all my life, etc.


Above: Kristina.


Above: René Descartes.


Above: Princess Elisabeth of Bohemia.

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