Source:
Le siecle de Louis XIV, volume 1, pages 106 to 110, by Voltaire (François-Marie Arouet), 1751
The account:
Quelque tems auparavant, la france vit un autre éxemple bien plus mémorable du mépris d'une couronne. christine reine de suéde vint à paris. on admira en elle une jeune reine, qui à vingt-sept ans avait renoncé à la souveraineté dont elle était digne, pour vivre libre & tranquile. il est honteux aux écrivains protestans, d'avoir osé dire sans la moindre preuve, qu'elle ne quitta sa couronne, que parce qu'elle ne pouvait plus la garder. elle avait formé ce dessein dès l'âge de vingt ans, & l'avait laissé meurir sept années. cette résolution, si supérieure aux idées vulgaires & si longtems méditée, devait fermer la bouche à ceux qui lui reprochérent de la legéreté & une abdication involontaire. l'un de ces deux reproches détruisait l'autre; mais il faut toûjours que ce qui est grand soit attaqué par les petits esprits.
Pour connaître le génie unique de cette reine, on n'a qu'à lire ses lettres. elle dit dans celle qu'elle écrivit à chanut, autrefois ambassadeur de france auprès d'elle: "j'ai possédé sans faste: je quitte avec facilité. après cela, ne craignez pas pour moi; mon bien n'est pas au pouvoir de la fortune[.]" elle écrivit au prince de condé: "je me tiens autant honorée par votre estime, que par la couronne que j'ai portée. si après l'avoir quittée, vous m'en jugez moins digne, j'avouërai que le repos que j'ai tant souhaité, me coûte chèr; mais je ne me repentirai pourtant point de l'avoir acheté au prix d'une couronne, & je ne noircirai jamais une action, qui m'a semblé si belle, par un lâche repentir; & s'il arrive que vous condanniez cette action, je vous dirai pour toute excuse, que je n'aurais pas quitté les biens que la fortune m'a donnés, si je les eûsse cru nécessaires à ma félicité, & que j'aurais prétendu à l'empire du monde, si j'eûsse été aussi assurée d'y réussir, ou de mourir, que le ferait le grand condé."
Telle était l'ame de cette personne si singuliére; tel était son stile dans notre langue, qu'elle avait parlée rarement. elle savait huit langues; elle avait été disciple & amie de descartes, qui mourut à stockholm dans son palais, après n'avoir pû obtenir seulement une pension en france, où ses ouvrages furent même proscrits pour les seules bonnes choses qui y fûssent. elle avait attiré en suéde tous ceux qui pouvaient l'éclairer. le chagrin de n'en trouvèr aucun parmi ses sujets, l'avait dégoûtée de régner sur un peuple qui n'était que soldat. elle crut, qu'il valait mieux vivre avec des hommes qui pensent, que de commandèr à des hommes sans lettres ou sans génie. elle avait cultivé tous les arts dans un climat où ils étaient alors inconnus. son dessein était d'aller se retirèr au milieu d'eux en italie. elle ne vint en france, que pour y passer, parce que ces arts ne commençaient qu'à y naître. son goût la fixait à rome. dans cette vuë elle avait quitté la religion luthérienne pour la catholique; indifférente pour l'une & pour l'autre, elle ne fit point scrupule de se conformèr en apparence aux sentimens du peuple, chez lequel elle voulut passer sa vie. elle avait quitté son roiaume en 1654, & fait publiquement à inspruck la cérémonie de son abjuration. elle plut à la cour de france, quoiqu'il ne s'y trouvât pas une femme, dont le génie pût atteindre au sien. le roi la vit & lui fit de grands honneurs, mais il lui parla à peine. élevé dans l'ignorance; le bon sens avec lequel il était né, le rendait timide.
La plûpart des femmes & des courtisans n'observérent autre chose dans cette reine philosophe, sinon qu'elle n'était pas coëffée à la française, & qu'elle dansait mal. les sages ne condannérent dans elle, que le meurtre de monaldeschi son écuier, qu'elle fit assassinèr à fontainebleau dans un second voiage. de quelque faute qu'il fût coupable envers elle, aiant renoncé à la roiauté, elle n'avait plus aucun droit de faire justice. ce n'était pas une reine qui punissait un crime d'état; c'était une femme qui terminait une galanterie par un meurtre. cette honte & cette cruauté ternirent la philosophie, qui lui avait fait quittèr un trône. elle eût été punie en angleterre; mais la france ferma les yeux à cet attentat contre l'autorité du roi, contre le droit des nations, & contre l'humanité.
With modernised spelling:
Quelque temps auparavant, la France vit un autre exemple bien plus mémorable du mépris d'une couronne. Christine, reine de Suède, vint à Paris. On admira en elle une jeune reine, qui à vingt-sept ans avait renoncé à la souveraineté, dont elle était digne, pour vivre libre et tranquille. Il est honteux aux écrivains protestants d'avoir osé dire sans la moindre preuve qu'elle ne quitta sa couronne que parce qu'elle ne pouvait plus la garder. Elle avait formé ce dessein dès l'âge de vingt ans et l'avait laissé meurir sept années. Cette résolution, si supérieure aux idées vulgaires et si longtemps méditée, devait fermer la bouche à ceux qui lui reprochèrent de la légèreté et une abdication involontaire. L'un de ces deux reproches détruisait l'autre, mais il faut toujours que ce qui est grand soit attaqué par les petits esprits.
Pour connaître le génie unique de cette reine, on n'a qu'à lire ses lettres. Elle dit dans celle qu'elle écrivit à Chanut, autrefois ambassadeur de France auprès d'elle: «J'ai possédé sans faste. Je quitte avec facilité. Après cela, ne craignez pas pour moi; mon bien n'est pas au pouvoir de la fortune.»
Elle écrivit au prince de Condé: «Je me tiens autant honorée par votre estime que par la couronne que j'ai portée. Si après l'avoir quittée vous m'en jugez moins digne, j'avouerai que le repos que j'ai tant souhaité me coûte cher; mais je ne me repentirai pourtant point de l'avoir acheté au prix d'une couronne, et je ne noircirai jamais une action, qui m'a semblé si belle, par un lâche repentir. Et s'il arrive que vous condamniez cette action, je vous dirai pour toute excuse que je n'aurais pas quitté les biens que la fortune m'a donnés si je les eusse cru nécessaires à ma félicité et que j'aurais prétendu à l'empire du monde si j'eusse été aussi assurée d'y réussir ou de mourir que le ferait le Grand Condé.»
Telle était l'âme de cette personne si singulière, tel était son stile dans notre langue, qu'elle avait parlée rarement. Elle savait huit langues. Elle avait été disciple et amie de Descartes, qui mourut à Stockholm dans son palais, après n'avoir pu obtenir seulement une pension en france, où ses ouvrages furent même proscrits pour les seules bonnes choses qui y fussent. Elle avait attiré en Suède tous ceux qui pouvaient l'éclairer. Le chagrin de n'en trouver aucun parmi ses sujets l'avait dégoûtée de régner sur un peuple qui n'était que soldat. Elle crut qu'il valait mieux vivre avec des hommes qui pensent que de commander à des hommes sans lettres ou sans génie. Elle avait cultivé tous les arts dans un climat où ils étaient alors inconnus.
Son dessein était d'aller se retirer au milieu d'eux en Italie. Elle ne vint en France que pour y passer, parce que ces arts ne commençaient qu'à y naître. Son goût la fixait à Rome. Dans cette vue elle avait quitté la religion luthérienne pour la catholique. Indifférente pour l'une et pour l'autre, elle ne fit point scrupule de se conformer en apparence aux sentiments du peuple chez lequel elle voulut passer sa vie. Elle avait quitté son royaume en 1654 et fait publiquement à Innsbruck la cérémonie de son abjuration. Elle plut à la Cour de France, quoiqu'il ne s'y trouvât pas une femme, dont le génie put atteindre au sien. Le roi la vit et lui fit de grands honneurs, mais il lui parla à peine. Élevé dans l'ignorance, le bon sens avec lequel il était né le rendait timide.
La plupart des femmes et des courtisans n'observèrent autre chose dans cette reine philosophe, sinon qu'elle n'était pas coiffée à la française et qu'elle dansait mal. Les sages ne condamnèrent dans elle que le meurtre de Monaldeschi, son écuyer, qu'elle fit assassiner à Fontainebleau dans un second voyage. De quelque faute qu'il fût coupable envers elle, ayant renoncé à la royauté, elle n'avait plus aucun droit de faire justice. Ce n'était pas une reine qui punissait un crime d'état, c'était une femme qui terminait une galanterie par un meurtre. Cette honte et cette cruauté ternirent la philosophie qui lui avait fait quitter un trône. Elle eût été punie en Angleterre, mais la France ferma les yeux à cet attentat contre l'autorité du Roi, contre le droit des nations, et contre l'humanité.
Swedish translation (my own):
En tid tidigare såg Frankrike ett annat, mycket mer minnesvärt exempel på förakt för en krona. Kristina, Sveriges drottning, kom till Paris. Man beundrade henne som en ung drottning som vid tjugosju års ålder hade avsagt sig den suveränitet som hon var värdig för att leva fritt och i fred. Det är skamligt för protestantiska författare att utan minsta bevis ha vågat säga att hon bara lämnat sin krona för att hon inte längre kunde behålla den. Hon hade utformat denna dessäng vid tjugo års ålder och hade låtit den dö i sju år. Denna resolution, så överlägsen vulgära idéer och så länge mediterad, var att stänga munnen på dem som förebråade henne för lättsinne och ofrivillig abdikation. Den ena av dessa två förebråelser förstörde den andra, men det som är stort måste alltid angripas av små sinnen.
För att lära känna den här drottningens unika geni behöver man bara läsa hennes brev. Hon säger i den hon skrev till Chanut, tidigare hennes franske ambassadör: »Jag har besatt utan pompa. Jag går därifrån med lätthet. Frukta inte för mig härefter; mitt bästa är inte i lyckans makt.«
Hon skrev till prinsen de Condé: »Jag är lika hedrad av Er aktning som av kronan som jag har burit. Om Ni, efter att jag lämnat den, bedömer mig mindre värd den, kommer jag att erkänna att den vila som jag har så önskat kostar mig dyrt, men jag kommer dock inte att ångra mig från att ha köpt den till priset av en krona, och jag kommer aldrig att svärta en handling, som har förefallit mig så vacker, genom en feg ånger. Och om det sker att Ni fördömer denna handling, så kommer jag att säga Er för all ursäkt att jag inte skulle ha lämnat de gods som förmögenheten gav mig om jag hade trott att de var nödvändiga för min lycka och att jag skulle ha gjort anspråk på världens imperium om jag hade varit lika säker att lyckas eller dö som le grand Condé skulle göra.«
Sådan var själen hos denna mycket speciella människa, sådan var hennes stil i vårt språk, som hon hade talat sällan. Hon kunde åtta språk. Hon hade varit lärjunge och vän till Descartes, som dog i Stockholm på hennes slott, efter att endast ha kunnat erhålla pension i Frankrike, där hans verk till och med var förbjudna för det enda goda som fanns där. Hon hade lockat till Sverige alla som kunde upplysa henne. Sorgen över att inte finna någon bland sina undersåtar hade äcklat henne med att regera över ett folk som bara var soldater. Hon trodde att det var bättre att leva med män som tänker än att befalla män utan lettres eller utan genialitet. Hon hade odlat alla konster i ett klimat där de då var okända.
Hennes dessäng var att gå i pension bland dem i Italien. Hon kom bara till Frankrike för att passera där, ty dessa konster bara började födas där. Hennes smak fäste henne vid Rom. Med detta i åtanke lämnade hon den lutherska religionen för den katolska. Likgiltig för båda hade hon inga skrupler om att utseendemässigt anpassa sig till känslorna hos de människor som hon ville så gärna tillbringa sitt liv med. Hon lämnade sitt kungarike 1654 och förrättade offentligt ceremonin för hennes abjuration i Innsbruck. Hon behagade Frankrikes hov, även om det inte fanns en kvinna där vars geni kunde matcha hennes. Konungen såg henne och betalade henne stor heder, men han talade knappt med henne. Uppfostrad i okunnighet, gjorde det goda förnuftet med vilket han föddes honom blyg.
De flesta kvinnor och hovmän observerade inget annat hos denna filosofdrottning förutom att hon inte hade franska frisyrer och att hon dansade dåligt. De vise männen fördömde bara i henne mordet på Monaldeschi, hennes stallmästare, som hon hade mördat i Fontainebleau under en andra resa. Vilket fel han än gjorde sig skyldig till mot henne, eftersom hon hade avsagt sig kungligheten, hade hon inte längre någon rätt att göra rättvisa. Det här var inte en drottning som hade straffat ett statsbrott, det här var en kvinna som avslutade ett galanteri med mord. Denna skam och denna grymhet fläckade den filosofi som hade fått henne att lämna en tron. Hon skulle ha blivit straffad i England, men Frankrike slöt ögonen för denna attack mot Konungens auktoritet, mot nationernas rättigheter och mot mänskligheten.
English translation (my own):
Some time before, France saw another, much more memorable example of contempt for a crown. Kristina, Queen of Sweden, came to Paris. One admired her as a young queen who, at the age of twenty-seven, had renounced the sovereignty of which she was worthy so as to live free and in peace. It is shameful for Protestant writers to have dared to say without the slightest proof that she only quitted her crown because she could no longer keep it. She had formed this design at the age of twenty and had let it die for seven years. This resolution, so superior to vulgar ideas and so long meditated on, was to shut the mouths of those who reproached her for levity and involuntary abdication. One of these two reproaches destroyed the other, but what is great must always be attacked by small minds.
To know the unique genius of this queen, one only has to read her letters. She says in the one she wrote to Chanut, formerly her French ambassador: "I have possessed without pomp. I leave with ease. After this, do not fear for me; my good is not in the power of fortune."
She wrote to the Prince de Condé: "I am as honoured by your esteem as by the crown that I have worn. If, after my leaving it, you judge me less worthy of it, I will admit that the repose which I have so desired costs me dearly; but I will not, however, repent of having bought it at the price of a crown, and I will never blacken an action, which has seemed so beautiful to me, by a cowardly repentance. And if it happens that you condemn this action, I will tell you for all excuse that I would not have left the goods that fortune gave me if I had believed them necessary for my happiness and that I would have claimed the empire of the world if I had been as sure of succeeding or dying as Le Grand Condé would."
Such was the soul of this very singular person, such was her style in our language, which she had spoken rarely. She knew eight languages. She had been a disciple and friend of Descartes, who died in Stockholm at her castle, after having only been able to obtain a pension in France, where his works were even proscribed for the only good things that were there. She had attracted to Sweden all those who could enlighten her. The sorrow of finding none among her subjects had disgusted her with reigning over a people who were only soldiers. She believed that it was better to live with men who think than to command men without letters or without genius. She had cultivated all the arts in a climate where they were then unknown.
Her design was to retire among them to Italy. She only came to France to pass through there, because these arts were only beginning to be born there. Her taste fixed her upon Rome. With this in mind, she left the Lutheran religion for the Catholic one. Indifferent to both, she had no scruples about conforming in appearance to the sentiments of the people with whom she wanted to spend her life. She left her kingdom in 1654 and publicly performed the ceremony of her abjuration in Innsbruck. She pleased the court of France, although there was not a woman there whose genius could match hers. The King saw her and paid her great honours, but he barely spoke to her. Raised in ignorance, the good sense with which he was born made him shy.
Most of the women and courtiers observed nothing else in this philosopher queen except that she did not have French hairstyles and that she danced badly. The wise men only condemned in her the murder of Monaldeschi, her equerry, whom she had murdered at Fontainebleau during a second journey. Whatever fault he was guilty of towards her, as she had renounced royalty, she no longer had any right to do justice. This was not a queen who had punished a crime of state, this was a woman who ended a gallantry with murder. This shame and this cruelty tarnished the philosophy which had made her leave a throne. She would have been punished in England, but France closed its eyes to this attack against the authority of the King, against the rights of nations, and against humanity.
Above: Kristina.
Above: Voltaire.
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