Monday, October 31, 2022

René Descartes' letter to Pierre Hector Chanut, dated November 10/20 (New Style), 1647

Source:

Œuvres de Descartes, correspondance V: mai 1647-février 1650, page 87, published by Charles Adam and Paul Tannery, 1903


The letter:

Monsieur,
Il est vray que i'ay coûtume de refuser d'écrire mes pensées touchant la Morale, & cela pour deux raisons: l'vne, qu'il n'y a point de matiere d'où les malins puissent plus aysement tirer des pretextes pour calomnier; l'autre, que ie croy qu'il n'appartient qu'aux Souuerains, ou à ceux qui sont authorisez par eux, de se méler de regler les mœurs des autres. Mais ces deux raisons cessent en l'occasion que vous m'auez fait l'honneur de me donner, en m'écriuant, de la part de l'incomparable Reyne auprés de laquelle vous estes, qu'il luy plaist que ie luy écriue mon opinion touchant le souuerain bien; car ce commandement m'autorise assez, & i'espere que ce que i'écris ne sera vû que d'elle & de vous. C'est pourquoy ie souhaite auec tant de passion de luy obeïr, que, tant s'en faut que ie me reserue, ie voudrois pouuoir entasser en vne lettre tout ce que i'ay iamais pensé sur ce suiet. En effet, i'ay voulu mettre tant de choses en celle que ie me suis hazardé de luy écrire, que i'ay peur de n'y auoir rien assez expliqué. Mais, pour suppléer à ce défaut, ie vous enuoye vn recueil de quelques autres lettres, où i'ay deduit plus au long les mesmes choses. Et i'y ay ioint vn petit traitté des Passions, qui n'en est pas la moindre partie; car ce sont principalement elles qu'il faut tascher de connoistre, pour obtenir le souuerain bien que i'ay décrit. Si i'auois aussi osé y ioindre les réponses que i'ay eu l'honneur de receuoir de la Princesse à qui ces lettres sont adressées, ce recueil auroit esté plus accomply, & i'en eusse encore pû adjoûter deux ou trois des miennes, qui ne sont pas intelligibles sans cela; mais i'aurois dû luy en demander permission, & elle est maintenant bien loin d'icy.

Au reste, ie ne vous prie point de presenter d'abord ce recueil à la Reyne; car i'aurois peur de ne pas garder assez le respect & la veneration que ie dois à sa Maiesté, si ie luy enuoyois des lettres que i'ay faites pour vne autre personne, plustost que de luy écrire à elle-mesme ce que ie pourray iuger luy estre agreable; mais, si vous trouuez bon de luy en parler, disant que c'est à vous que ie les ay enuoyées, & qu'apres cela elle desire de les voir, ie seray libre de ce scrupule. Et ie me suis persuadé qu'il luy sera peut-estre plus agreable, de voir ce que i'ay ainsi écrit à vne autre, que s'il luy auoit esté adressé; pource qu'elle pourra s'assurer dauantage que ie n'ay rien changé ou déguisé en sa consideration. Mais ie vous prie que ces écrits ne tombent point, s'il est possible, en d'autres mains, & de vous assurer que ie suis, autant que ie puis estre,
Monsieur,
Vostre tres-humble & tres-obligé
seruiteur, DESCARTES.
D'Egmond, ce 20 Nouembre 1647.

With modernised spelling:

Monsieur,
Il est vrai que j'ai coutume de refuser d'écrire mes pensées touchant la morale, et cela pour deux raisons: l'une, qu'il n'y a point de matière d'où les malins puissent plus aisément tirer des prétextes pour calomnier; l'autre, que je crois qu'il n'appartient qu'aux souverains, ou à ceux qui sont autorisés par eux, de se mêler de régler les mœurs des autres. Mais ces deux raisons cessent en l'occasion que vous m'avez fait l'honneur de me donner, en m'écrivant, de la part de l'incomparable Reine auprès de laquelle vous êtes, qu'il lui plaît que je lui écrive mon opinion touchant le souverain bien; car ce commandement m'autorise assez, et j'espère que ce que j'écris ne sera vu que d'elle et de vous. C'est pourquoi je souhaite avec tant de passion de lui obéir que, tant s'en faut que je me réserve, je voudrais pouvoir entasser en une lettre tout ce que j'ai jamais pensé sur ce sujet. En effet, j'ai voulu mettre tant de choses en celle que je me suis hazardé de lui écrire, que j'ai peur de n'y avoir rien assez expliqué. Mais, pour suppléer à ce défaut, je vous envoie un recueil de quelques autres lettres, où j'ai déduit plus au long les mêmes choses. Et j'y ai joint un petit traité des passions, qui n'en est pas la moindre partie; car ce sont principalement elles qu'il faut tâcher de connaître pour obtenir le souverain bien que j'ai décrit. Si j'avais aussi osé y joindre les réponses que j'ai eu l'honneur de recevoir de la princesse à qui ces lettres sont adressées, ce recueil aurait été plus accompli, et j'en eusse encore pu ajouter deux ou trois des miennes, qui ne sont pas intelligibles sans cela; mais j'aurais dû lui en demander permission, et elle est maintenant bien loin d'ici.

Au reste, je ne vous prie point de présenter d'abord ce recueil à la Reine; car j'aurais peur de ne pas garder assez le respect et la vénération que je dois à Sa Majesté, si je lui envoyais des lettres que j'ai faites pour une autre personne, plutôt que de lui écrire à elle-même ce que je pourrai juger lui être agréable; mais, si vous trouvez bon de lui en parler, disant que c'est à vous que je les ai envoyées, et qu'après cela elle désire de les voir, je serai libre de ce scrupule. Et je me suis persuadé qu'il lui sera peut-être plus agréable de voir ce que j'ai ainsi écrit à une autre, que s'il lui avait été adressé; pource qu'elle pourra s'assurer davantage que je n'ai rien changé ou déguisé en sa considération. Mais je vous prie que ces écrits ne tombent point, s'il est possible, en d'autres mains, et de vous assurer que je suis, autant que je puis être,
Monsieur,
Votre très humble et très obligé
serviteur, Descartes.
d'Egmond, ce 20 novembre 1647.

Swedish translation (my own):

Monsieur,
Det är sant att jag har för vana att vägra skriva ner mina tankar som rör moral, och det av två anledningar: en, att det inte finns något ämne från vilket de smarta lättare kan dra förevändningar för att förtala; den andra, att jag tror att det endast tillhör suveräner, eller till dem som är auktoriserade av dem, att blanda sig i att reglera andras moral. Men dessa två skäl upphöra vid det tillfälle som Ni har gjort mig den äran att ge mig genom att skriva till mig på uppdrag av den oförlikneliga drottningen hos vilken Ni är, att det behagar henne att jag skriver till henne min åsikt rörande den suveräna godheten; ty detta befallning bemyndigar mig nog, och jag hoppas, att det jag skriver endast skall ses av henne och av Er. Det är därför jag så passionerat vill lyda henne att jag, långt ifrån att hålla mig själv i reserv, skulle vilja kunna stoppa i ett brev allt jag någonsin har tänkt på detta ämne. Jag ville faktiskt lägga så många saker i den att jag tog risken att skriva till henne, att jag är rädd att jag inte har förklarat något tillräckligt. Men för att kompensera för denna defekt, sänder jag Er en samling av några andra brev, av vilka jag har utläst samma saker i större utsträckning. Och jag har lagt till en liten avhandling om passionerna, som inte är den minsta delen av den; ty det är i huvudsak dessa man måste försöka känna till för att erhålla den suveräna godheten som jag har beskrivit. Om jag även därtill hade vågat tillägga de svar som jag hade äran att erhålla från prinsessan till vilken dessa brev är riktade, så skulle denna samling varit mera fullständig, och jag skulle fortfarande kunnat lägga två eller tre av mina egna, som annars är obegripliga; men jag borde ha bett henne om lov, och hon är nu långt härifrån.

För övrigt ber jag Er inte att först presentera denna samling för drottningen; ty jag vore rädd för att inte behålla tillräckligt med den respekt och vördnad som jag är skyldig Hennes Majestät om jag skickade henne de brev som jag skrev för en annan person, hellre än att skriva till henne själv vad jag kan bedöma vara henne behaglig; men om Ni finner det lämpligt att tala med henne om det och säga att jag har sänt dem till Er och att hon efter det vill se dem, så blir jag fri från denna skruppel. Och jag har övertygat mig själv om att det kanske kommer att vara henne angenämare att se vad jag sålunda har skrivit till en annan än om det hade varit riktat till henne; så hon kan vara mer säker på att jag inte har ändrat eller förtäckt något för hennes hänsyn. Men jag ber Er att dessa skrifter inte faller, om möjligt, i andra händer, och för att försäkra Er om att jag är, så mycket jag kan vara,
Monsieur,
Er ödmjukaste och förbundnaste
tjänare, Descartes.
Egmond, den 20 november 1647.

English translation (my own):

Monsieur,
It is true that I have a habit of refusing to write down my thoughts touching morality, and that for two reasons: one, that there is no subject from which the clever can more easily draw pretexts to calumniate; the other, that I believe that it belongs only to sovereigns, or to those who are authorised by them, to interfere in regulating the morals of others. But these two reasons cease on the occasion that you have done me the honour to give me, by writing to me on behalf of the incomparable Queen with whom you are, that it pleases her that I write to her my opinion touching the sovereign good; for this command authorises me enough, and I hope that what I write will be seen only by her and by you. This is why I desire so passionately to obey her that, far from keeping myself in reserve, I would like to be able to cram into a letter everything that I have ever thought on this subject. In fact, I wanted to put so many things in the one that I took the risk of writing to her, that I am afraid I have not explained anything sufficiently. But, to make up for this defect, I am sending you a collection of some other letters, from which I have deduced the same things at greater length. And I have added to it a little treatise on the passions, which is not the least part of it; for it is principally these that one must try to know in order to obtain the sovereign good which I have described. If I had also dared to add to it the replies which I had the honour of receiving from the princess to whom these letters are addressed, this collection would have been more complete, and I would still have been able to add two or three of my own, which are otherwise unintelligible; but I should have asked her permission, and she is now a long way from here.

For the rest, I do not ask you to first present this collection to the Queen; for I would be afraid of not retaining enough of the respect and veneration which I owe to Her Majesty if I sent her the letters which I wrote for another person, rather than writing to her herself what I may judge to be pleasing to her; but if you see fit to speak to her about it, saying that I sent them to you, and that after that she wishes to see them, I will be free from this scruple. And I have persuaded myself that it will perhaps be more agreeable to her to see what I have thus written to another than if it had been addressed to her; so she may be more certain that I have not altered or disguised anything for her consideration. But I beg you that these writings do not fall, if possible, into other hands, and to assure you that I am, as much as I can be,
Monsieur,
Your most humble and most obliged
servant, Descartes.
Egmond, November 20, 1647.


Above: Kristina.


Above: René Descartes.

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