Friday, April 14, 2023

Paul Scarron's letter to Kristina, undated

Source:

Les dernieres œuvres de Monsieur Scaron, volume 1, pages 29 to 31, Paul Scarron, 1668


The letter:

MADAME,
J'envoye à VOSTRE MAJESTÉ des Ouvrages de ma façon, qu'Elle n'a peut-estre point veus encore. Si Elle y trouve quelque chose qui luy plaise, j'en seray ravy de joye autant qu'on le peut estre, quand aprés avoir eu l'honneur de la voir, on est assez mal-heureux pour ne la voir plus. Pour achever ma mauvaise fortune, il ne manquoit à tous les mal-heurs de ma vie, que celuy d'avoir à s'affliger d'estre loin de VOSTRE MAJESTÉ, & en mesme temps d'avoir à porter envie à ceux qui sont auprés d'Elle. Je ne sçay pas, si ces bien-heureuses personnes-là connoissent bien leur bon-heur; mais je les tiens pour les plus stupides de tous les Animaux sans discernement, s'ils n'ont pour VOSTRE MAJESTÉ plus que de l'admiration & du respect. Pour moy, si j'estois en leur place, & en estat de courir les champs, je serois bien-tost un petit Roland pour l'amour d'Elle. Il est vray que je ne couperois pas, d'un seul coup d'espée, d'aussi gros Arbres que celuy de l'Ariost, & que je ne ferois pas tant de ravages; mes folies donneroient plus de plaisir que les siennes, si elles n'estoient pas moins de pitié. Vous voyez, MADAME, que je me sers assez bien de la permission que VOSTRE MAJESTÉ m'a donnée, comme à un Galant sans consequence, d'estre pour la plus grande Reine qui ait jamais esté, ce que fut ce pauvre Baladin pour une Reine qui ne fut jamais. VOSTRE MAJESTÉ fit bien de me la donner, puisque je l'aurois prise, & qu'en me la refusant, Elle se seroit veuë desobeïr par une personne qui ne le feroit pas en toute autre chose, quand il iroit de sa vie, MAJESTÉ à part, MADAME, vous estes une admirable personne. Par tout où vous passez, vos yeux vous font plus de sujets qu'un grand Royaume ne vous en a donné; & s'ils font d'eux-mesmes tout ce que nous leur avons veu faire, sans que vous preniez la peine de leur rien apprendre, il faut tomber d'accord, qu'il n'y en a pas dans le Monde de plus beaux & de plus charmans; mais aussi de plus dangereux. Aussi ne vois-je que des Rivaux en toutes les personnes qui me visitent, & je ne voy pas moins de Rivalles, ce qui n'est pas un des moindres miracles qu'ait jamais faits V. MAJESTÉ, que d'avoir rendu les Dames aussi équitables pour Elle, qu'elles sont de leur naturel envieuses pour toutes les autres. Je craindrois, MADAME, d'estre trop libre avec V. MAJESTÉ, si Elle ne sçavoit mieux que personne du monde, qu'il entre beaucoup d'Icare & d'Ixion, dans la composition d'un Poëte, & que l'Histoire de ces deux temeraires, quoy que la fin n'en soit pas fort à l'avantage de ces pauvres Marchands d'Immortalité, est de toutes les Fables, celle qui leur plaist le plus, & qui leur est de plus grand usage. Il n'y a point de Poëte bien averé, qui ne preferast la reputation d'estre un Ixion Moderne à celle de bien tourner une Stance, & une belle Audace (c'est ainsi qu'ils appellent leur Amour de contemplation) au laurier, ou à l'argent, ou à tous les deux ensemble. Mais, MADAME, j'abuse peut-estre du commandement que V. MAJESTÉ m'a fait de luy escrire, si je n'en ay desia abusé. Je la supplie donc, si Elle a envie que je continuë d'avoir cét honneur-là, de me faire sçavoir jusqu'à quel poinct de liberté mes Lettres peuvent estre privilegiées auprés d'Elle, afin qu'elles ne sortent jamais hors du respect que je luy dois. Je suis, MADAME,
DE VOSTRE MAJESTÉ,
Vostre tres-humble, & tres-obeïssant,
& tres-respectueux serviteur
SCARON.

With modernised spelling:

Madame,
J'envoie à Votre Majesté des ouvrages de ma façon qu'elle n'a peut-être point vus encore. Si elle y trouve quelque chose qui lui plaise, j'en serai ravi de joie autant qu'on le peut être, quand après avoir eu l'honneur de la voir, on est assez malheureux pour ne la voir plus. Pour achever ma mauvaise fortune, il ne manquait à tous les malheurs de ma vie que celui d'avoir à s'affliger d'être loin de Votre Majesté et en même temps d'avoir à porter envie à ceux qui sont auprès d'elle. Je ne sais pas si ces bienheureuses personnes-là connaissent bien leur bonheur, mais je les tiens pour les plus stupides de tous les animaux sans discernement s'ils n'ont pour Votre Majesté plus que de l'admiration et du respect. Pour moi, si j'étais en leur place et en état de courir les champs, je serais bientôt un petit Roland pour l'amour d'elle. Il est vrai que je ne couperais pas, d'un seul coup d'épée, d'aussi gros arbres que celui de l'Arioste, et que je ne ferais pas tant de ravages; mes folies donneraient plus de plaisir que les siennes, si elles n'étaient pas moins de pitié.

Vous voyez, Madame, que je me sers assez bien de la permission que Votre Majesté m'a donnée, comme à un galant sans consequence, d'être pour la plus grande reine qui ait jamais été ce que fut ce pauvre Baladin pour une reine qui ne fut jamais. Votre Majesté fit bien de me la donner, puisque je l'aurais prise, et qu'en me la refusant, elle se serait vue désobéir par une personne qui ne le ferait pas en toute autre chose quand il irait de sa vie.

Majesté à part, Madame, vous êtes une admirable personne. Partout où vous passez, vos yeux vous font plus de sujets qu'un grand royaume ne vous en a donné; et s'ils font d'eux-mêmes tout ce que nous leur avons vu faire, sans que vous preniez la peine de leur rien apprendre, il faut tomber d'accord qu'il n'y en a pas dans le monde de plus beaux et de plus charmants; mais aussi de plus dangereux. Aussi ne vois-je que des rivaux en toutes les personnes qui me visitent, et je ne vois pas moins de rivalles, ce qui n'est pas un des moindres miracles qu'ait jamais faits Votre Majesté que d'avoir rendu les dames aussi équitables pour elle, qu'elles sont de leur naturel envieuses pour toutes les autres.

Je craindrais, Madame, d'être trop libre avec Votre Majesté si elle ne savait mieux que personne du monde qu'il entre beaucoup d'Icare et d'Ixion dans la composition d'un poète et que l'histoire de ces deux téméraires, quoi que la fin n'en soit pas fort à l'avantage de ces pauvres marchands d'immortalité, est de toutes les fables, celle qui leur plaît le plus, et qui leur est de plus grand usage. Il n'y a point de poète bien avéré qui ne préférât la réputation d'être un Ixion moderne à celle de bien tourner une stance et une belle audace (c'est ainsi qu'ils appellent leur amour de contemplation) au laurier, ou à l'argent, ou à tous les deux ensemble. Mais, Madame, j'abuse peut-être du commandement que Votre Majesté m'a fait de lui écrire si je n'en ai déjà abusé. Je la supplie donc, si elle a envie que je continue d'avoir cet honneur-là, de me faire savoir jusqu'à quel point de liberté mes lettres peuvent être privilégiées auprès d'elle, afin qu'elles ne sortent jamais hors du respect que je lui dois. Je suis, Madame,
de Votre Majesté
votre très humble et très obéissant
et très respectueux serviteur
Scarron.

Swedish translation (my own):

Madam,
Jag sänder Ers Majestät några egna verk som Ni kanske inte har sett ännu. Om Ni finner något i dem som behagar Er, så kommer jag att glädjas åt det så mycket man kan, när man efter att ha fått äran att träffa Er är olycklig nog att inte se Er igen. För att fullborda min olycka saknade alla mitt livs olyckor bara det att behöva sörja över att vara långt ifrån Ers Majestät och samtidigt behöva vara avundsjuk på dem som är med Er. Jag vet inte om dessa välsignade människor känner sin lycka väl, men jag anser dem vara det dummaste av alla djur utan urskillning om de inte har annat än beundran och respekt för Ers Majestät. När det gäller mig, om jag var i deras ställe och i ett skick att ströva omkring på fälten, skulle jag snart bli en liten Roland av kärlek till Er. Det är sant att jag inte skulle hugga ned med ett enda svärdslag så stora träd som Ariosto, och att jag inte skulle orsaka så mycket förödelse; mina dårskaper skulle ge mer nöje än hans om de inte vore mindre ynkliga.

Ni förstår, madam, att jag utnyttjar det tillstånd Ers Majestät har givit mig, som en tappert utan konsekvens, att vara för den största drottning som någonsin varit vad stackars Baladin var för en drottning som aldrig varit. Ers Majestät gjorde klokt i att ge mig den, som jag skulle ha tagit den, och genom att vägra den, skulle den ha sett sig olydd av en person som inte skulle göra det i någon annan sak när det kom till hans liv.

Majestäten åsido, madam, Ni är en beundransvärd person. Vart Ni än går, ger Era ögon Er fler undersåtar än ett stort rike har givit Er; och om de gör allt som vi har sett dem göra på egen hand, utan att Ni gör Er besväret att lära dem något, måste man hålla med om att det inte finns några vackrare och mer charmerande i världen, men också farligare. Så jag ser inget annat än rivaler i alla människor som besöker mig, och jag ser inte mindre rivalinnor, vilket inte är ett av de minsta mirakel Ers Majestät någonsin har gjort än att ha gjort damerna så rättvisa för Er att de av naturliga skäl är avundsjuka på alla andra.

Jag vore rädd, madam, för att vara för fri med Ers Majestät om Ni bättre än någon annan i världen visste att det finns många Ikaruser och Ixioner i en poet och att berättelsen om dessa två djärva män, även om slutet är  inte särskilt till fördel för dessa stackars odödlighetens köpmän, är, av alla fabler, det som behagar dem mest och som är till störst nytta för dem. Det finns ingen välkänd poet som inte skulle föredra ryktet att vara en modern Ixion framför ryktet att vända en strof och en vacker audacitet (det är vad de kallar sin kärlek till kontemplation) till lagraren, eller till pengar, eller bådadera  tillsammans. Men, madam, jag kanske missbrukar befallningen Ers Majestät gav mig att skriva till Er om jag inte redan har missbrukat den. Jag ber Er därför, om Ni vill att jag skall fortsätta att ha den äran, att låta mig veta i vad mån mina brev kunna privilegieras hos Er så att de aldrig gå utanför den respekt jag är Er skyldig. Jag är, madam,
Ers Majestäts
ödmjukaste och lydigaste
och mest respektfulle tjänare
Scarron.

English translation (my own):

Madame,
I am sending Your Majesty some works of my own which you may not have seen yet. If you find something in them that pleases you, I shall be delighted with it as much as one can be, when, after having had the honor of seeing you, one is unhappy enough not to see you again. To complete my misfortune, all the misfortunes of my life lacked only that of having to grieve at being far from Your Majesty and at the same time of having to be the envy of those who are with you. I do not know if these blessed people know their happiness well, but I hold them to be the most stupid of all animals without discernment if they have nothing but admiration and respect for Your Majesty. As for me, if I were in their place and in a condition to roam the fields, I would soon be a little Roland for the love of you. It is true that I would not cut down, with a single stroke of the sword, such large trees as those of Ariosto, and that I would not cause so much devastation; my follies would give more pleasure than his if they were not less pitiful.

You see, Madame, that I make good enough use of the permission Your Majesty has given me, like a gallant without consequence, to be for the greatest queen that has ever been what poor Baladin was for a queen who never was. Your Majesty did well to give it to me, as I would have taken it, and in refusing it, it would have seen itself disobeyed by a person who would not do so in any other thing when it came to his life.

Majesty aside, Madame, you are an admirable person. Wherever you go, your eyes give you more subjects than a great kingdom has given you; and if they do all that we have seen them do on their own, without you taking the trouble to teach them anything, one must agree that there are none more beautiful and more charming in the world, but also more dangerous. So I see nothing but rivals in all the people who visit me, and I see no less women rivals, which is not one of the least miracles Your Majesty has ever done than to have made the ladies so equitable for you that they are naturally envious of all the others.

I would be afraid, Madame, of being too free with Your Majesty if you knew better than anyone in the world that there are many Icaruses and Ixions in the composition of a poet and that the story of these two bold men, although the end is not very to the advantage of these poor merchants of immortality, is, of all the fables, that which pleases them the most and which is of greatest use to them. There is no well-known poet who would not prefer the reputation of being a modern Ixion to that of turning a stanza well and a beautiful audacity (that is what they call their love of contemplation) to the laurel, or to money, or both together. But, Madame, I may be abusing the command Your Majesty gave me to write to you if I have not already abused it. I therefore beg you, if you want me to continue to have that honour, to let me know to what extent my letters can be privileged with you, so that they never go outside the  respect I owe you. I am, Madame,
Your Majesty's
most humble, most obedient
and most respectful servant
Scarron.


Above: Kristina.


Above: Paul Scarron.

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