Source:
Œuvres meslées de Monsieur Chevreau, volume 1, pages 13 to 14, published by Adrian Moetjens, 1697
Mémoires concernant Christine, volume 1, pages 238, 239 and 252 (footnotes), Johan Arckenholtz, 1751
The letter:
Nôtre genereux ami, Monsr. Heinsius, m'a fait voir la lettre qu'il a receuë, de vous par cet ordinaire: & quand vous n'auriez point marqué assez nettement le Medecin dont vous vous plaignez, nous aurions bien crû que c'est le même dont vous avez sujet de vous plaindre. Ce Charlatan qui ne manque point de faire des meurtres quand il entreprend de faire des cures, s'est imaginé qu'on devoit guerir les enthousiasmes par les exorcismes, pour avoir ouï dire qu'un Grec, a écrit qu'ils sont formés de l'humeur melancolique, & qu'un Arabe avoit soutenu que cette humeur doit venir du Diable. Il a décrié toutes les Muses. Il n'a éparg[n]é ni celles qui joüent de la Lyre, ni celles qui se servent de la Trompette: & Platon que le plus eloquent de tous les Romains apelle son Dieu, n'auroit pas même été à couvert de ses outrages, s'il n'avoit apris que ce Philosophe avoit banni de sa Republique tous les Poëtes. Je serois heureux, si je pouvois remedier à tous les desordres dont vous parlez, & confirmer par de bons effets, les Memoires que vous avez la bonté de nommer fidelles, par lesquels vous avez été informé que je faisois honneur à la Nation Françoise, pour l'esprit, & pour ma fermeté ordinaire à défendre toûjours la bonne cause. Je n'oserois soutenir que ces Memoires sont trés-fidelles; mais je puis dire que je suis trés satisfait du témoignage de ma conscience. Pour le reste, il vaudroit autant loüer la Norvegue pour la douceur & pour la beauté de son climat, que de me loüer pour mon bel esprit. Il seroit encore assez inutile de s'arrêter sur le dernier article de vôtre lettre, puis que de tout temps, le nombre des fous a été plus grand que celui des sages: Que pour un Poëte, il y a une infinité de faiseurs de vers qui n'ont d'imagination qu'autant qu'il en faut pour se décrier; qui n'emploient le papier & l'ancre que pour se tourner en ridicules: & Bourdelot n'est pas le premier à le faire croire.
«Consules fiunt quotannis, & novi Pontifices:
Solus aut Rex, aut Poëta nascitur.»
Un Italien dont vous estimez beaucoup plus d'esprit que le jugement, l'a dit d'une autre maniere.
«Son come i Cigni, anco i Poeti vari,
Poeti che non sien del nome indegni.»
& ces vers peuvent être commentés par les suivans.
«Beaucoup de Bordiers, de du Lots,
De Maillets, & de Bourdelots.
Beaucoup de d'Assoucis, & beaucoup de Douvilles.
Beaucoup de Pelletiers: beaucoup de Neu-Germains.
Peu de Tristans, de Mallevilles,
De Maynards, & de Chapelains.»
A Stockholm le 10. de
May 1653.
With modernised spelling:
Notre généreux ami, Monsieur Heinsius, m'a fait voir la lettre qu'il a reçue de vous par cet ordinaire, et quand vous n'auriez point marqué assez nettement le médecin dont vous vous plaignez, nous aurions bien cru que c'est le même dont vous avez sujet de vous plaindre. Ce charlatan, qui ne manque point de faire des meurtres quand il entreprend de faire des cures, s'est imaginé qu'on devait guerir les enthousiasmes par les exorcismes pour avoir ouï dire qu'un Grec a écrit qu'ils sont formés de l'humeur melancolique, et qu'un Arabe avait soutenu que cette humeur doit venir du diable. Il a décrié toutes les muses. Il n'a épargné ni celles qui jouent de la lyre, ni celles qui se servent de la trompette; et Platon, que le plus eloquent de tous les Romains appelle son Dieu, n'aurait pas même été à couvert de ses outrages s'il n'avait appris que ce philosophe avait banni de sa République tous les poètes.
Je serais heureux si je pouvais remédier à tous les désordres dont vous parlez et confirmer par de bons effets les mémoires que vous avez la bonté de nommer fidèles, par lesquels vous avez été informé que je faisais honneur à la nation française, pour l'esprit, et pour ma fermeté ordinaire à défendre toujours la bonne cause. Je n'oserais soutenir que ces mémoires sont trés fidèles, mais je puis dire que je suis trés satisfait du témoignage de ma conscience.
Pour le reste, il vaudrait autant louer la Norvège pour la douceur et pour la beauté de son climat, que de me louer pour mon bel esprit. Il serait encore assez inutile de s'arrêter sur le dernier article de votre lettre, puisque, de tout temps, le nombre des fous a été plus grand que celui des sages. Que pour un poète, il y a une infinité de faiseurs de vers qui n'ont d'imagination qu'autant qu'il en faut pour se décrier, qui n'emploient le papier et l'encre que pour se tourner en ridicules; et Bourdelot n'est pas le premier à le faire croire.
«Consules fiunt quotannis, et novi pontifices:
solus aut rex, aut poeta nascitur.»
Un Italien, dont vous estimez beaucoup plus d'esprit que le jugement, l'a dit d'une autre manière:
«Son come i cigni, anco i poeti vari,
poeti che non sien del nome indegni.»
Et ces vers peuvent être commentés par les suivants:
«Beaucoup de Bordiers, de du Lots,
de Maillets, et de Bourdelots.
Beaucoup de d'Assoucis et beaucoup de Douvilles.
Beaucoup de Pelletiers, beaucoup de Neu-Germains.
Peu de Tristans, de Mallevilles,
de Maynards et de Chapelains.»
A Stockholm, le 10 de mai 1653.
Swedish translation (my own):
Vår generöse vän, herr Heinsius, har visat mig det brev han fått från Er med denna post, och om Ni inte tillräckligt tydligt markerat den läkare som Ni klagar över, skulle vi ha trott att det var den samme som Ni har anledning att klaga över. Denne charlatan, som inte underlåter att begå mord när han åtar sig att utföra kurer, har föreställt sig att entusiasmer borde botas med exorcism för att ha hört att en grek skrev att de är bildade av den melankoliska humorn, och att en arab hade hävdat att detta humor måste komma från djävulen. Han förnekade alla muserna. Han skonade varken dem som spelar lyra eller dem som använder trumpet; och till och med Platon, som den mest vältaliga av alla romare kallar sin Gud, skulle inte ha blivit skyddad från hans upprördhet om han inte hade fått veta att denne filosof hade förvisat alla poeter från sin Republik.
Jag vore glad om jag kunde avhjälpa alla de störningar som Ni talar om och bekräfta med goda effekter de memoarer som Ni har vänligheten att kalla trogna, varigenom Ni blev underrättad att jag gjorde ära åt den franska nationen, för anden, och för min vanliga fasthet i att alltid försvara den goda saken. Jag skulle inte våga hävda att dessa memoarer är mycket trogna, men jag kan säga att jag är mycket nöjd med mitt samvetes vittnesbörd.
För övrigt vore det lika mycket att prisa Norge för mildheten och för skönheten i dess klimat som att prisa mig för mitt vackra sinne. Det vore ändå ganska värdelöst att uppehålla sig vid den sista artikeln i Ert brev, eftersom antalet dårar alltid har varit större än de vises. Att det för en diktare finns en oändlighet av versmakare som bara har tillräckligt med fantasi för att fördöma sig själva, som bara använder papper och bläck för att få sig att se löjliga ut; och Bourdelot är inte den första som får folk att tro det.
»Consules fiunt quotannis, et novi pontifices:
solus aut rex, aut poeta nascitur.«
En italienare, vars kvickhet Ni värdesätter mycket mer än hans omdöme, uttryckte det på ett annat sätt:
»Son come i cigni, anco i poeti vari,
poeti che non sien del nome indegni.«
Och dessa verser kan kommenteras av de följande:
»Beaucoup de Bordiers, de du Lots,
de Maillets, et de Bourdelots.
Beaucoup de d'Assoucis et beaucoup de Douvilles.
Beaucoup de Pelletiers, beaucoup de Neu-Germains.
Peu de Tristans, de Mallevilles,
de Maynards et de Chapelains.«
Stockholm, den 10 maj 1653.
English translation (my own):
Our generous friend, Mr. Heinsius, has shown me the letter he received from you by this ordinary, and if you had not marked clearly enough the doctor of whom you are complaining, we would have believed that it was the same one of whom you have reason to complain. This charlatan, who does not fail to commit murders when he undertakes to perform cures, has imagined that enthusiasms should be cured by exorcisms for having heard that a Greek wrote that they are formed from the melancholic humour, and that an Arab had maintained that this humour must come from the Devil. He decried all the Muses. He spared neither those who play the lyre nor those who use the trumpet; and even Plato, whom the most eloquent of all the Romans calls his God, would not have been protected from his outrages if he had not learned that this philosopher had banished all poets from his Republic.
I would be happy if I could remedy all the disorders of which you speak and confirm by good effects the memoirs which you have the kindness to call faithful, by which you were informed that I did honour to the French nation, for the spirit, and for my usual firmness in always defending the good cause. I would not dare maintain that these memoirs are very faithful, but I can say that I am very satisfied with the testimony of my conscience.
For the rest, it would be as much to praise Norway for the mildness and for the beauty of its climate, as to praise me for my beautiful mind. It would still be quite useless to dwell on the last article of your letter, as, at all times, the number of fools has been greater than that of the wise. That for a poet, there are an infinity of versemakers who have only enough imagination to decry themselves, who only use paper and ink to make themselves look ridiculous; and Bourdelot is not the first to make people believe it.
"Consules fiunt quotannis, et novi pontifices:
solus aut rex, aut poeta nascitur."
An Italian, whose wit you value much more than judgment, put it in another way:
"Son come i cigni, anco i poeti vari,
poeti che non sien del nome indegni."
And these verses can be commented on by the following:
"Beaucoup de Bordiers, de du Lots,
de Maillets, et de Bourdelots.
Beaucoup de d'Assoucis et beaucoup de Douvilles.
Beaucoup de Pelletiers, beaucoup de Neu-Germains.
Peu de Tristans, de Mallevilles,
de Maynards et de Chapelains."
Stockholm, May 10, 1653.
Above: Kristina.
Above: Urbain Chevreau.
Above: Jean Chapelain.
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