Monday, December 27, 2021

Kristina's letter to Władysław Konstanty, Count of Wasenau, undated

Source:

Mémoires concernant Christine, volume 2, page 192, Johan Arckenholtz, 1751


The letter:

L'Etat de mes affaires & des vôtres m'oblige de vous donner un conseil charitable, qui vous surprendra peut-être. Mais si vous y faites de sérieuses réfléxions, Vous serez convaincu que c'est un effèt de ma bonté ou plûtôt de celle de Dieu envers vous, qui m'inspire de vous persuader par la présente à quitter le monde & la Cour au plûtôt. Il me semble que le meilleur parti pour vous seroit d'aller à Monte Cassino, ou bien à la Valle Ombrosa, qui sont deux beaux lieux près d'ici, vous consacrer au service de Dieu pour le reste de vos jours, en y prennant l'habit. Vous êtes bienheureux de le pouvoir faire, & je porte envie à votre état, qui vous permèt de prendre une si belle résolution. Il n'y a rien de si grand, rien de si glorieux, rien de si beau, que de se donner à Dieu sans réserve, & si vous embrassez cette vocation avec joïe & courage, vous vous en trouveriez bien. Dans le monde & à la Cour il n'y a rien à espérer pour vous, vous êtes misérable, vous n'avez pas de quoi soutenir votre naissance, je ne suis pas en état de faire votre fortune: je suis plus grande, & que je ne suis pas assez heureuse, pour pouvoir prendre une semblable résolution, que je voudrois peut-être pouvoir éxécuter moi-même.

Ne vous flatez pas de vaines chiméres, croïez de bonne foi, qu'il n'y a rien à espérer pour moi, ni pour vous dans le monde, & qu'il est fait d'une manière, que l'on est trop heureux, quand l'on n'y prétend, & n'y espére rien. Sachez que l'homme est fait pour quelque chose du plus grand, & que le monde n'a rien qui puisse contenter. Quand vous pourriez devenir le seul Monarque de toute la terre, quand vous seriez environné de tout l'éclat, de toute la gloire, de toutes les grandeurs, de toutes les fortunes, & de tous les plaisirs du monde; vous n'en seriez pas plus content, que vous êtes à présent. Je vous parle d'expérience, vous n'en seriez pas plus heureux, au contraire, vous auriez des chagrins, des dégoûts, qui vous sont encore inconnus, & qui sont pires que tout ce que vous avez essuïé jusqu'ici. Ainsi après avoir goûté tous les biens, que vous désirez, vous seriez si fortement persuadé de la misére, & du néant de tout cela, que vous auriez honte de vous-même d'avoir estimé & desiré tant, ce qui est si peu de chose, & qui ne sert qu'à rendre aux hommes & la vie & la mort également insupportables. Si vous étiez persuadé, comme il faut, de cette vérité, vous vous approcheriez avec joïe du port, que la providence de Dieu vous ouvre, pour vous retirer du naufrage. Pourtant avant que de vous déterminer à une si grande résolution, éxaminez & consultez bien votre cœur & vos forces; mais ne vous y fiez pas, fiez-vous à Dieu, & si vous êtes convaincu de sa vocation, sortez du monde au plûtôt, mais sortez en comme d'une maison, qui brûle & dont il faut se sauver au plus vite, si l'on n'aime à y périr. Disposez de vos affaires & donnez courageusement le peu que vous avez à Dieu, ne craignez pas de rien perdre, il vous rendra tout avec usure. Ce sacrifice est le meilleur usage qu'on sauroit faire, de tout ce qu'il y a dans le monde, & Dieu est si bon, qu'il nous en récompense, lorsque nous lui donnons ce qui n'est qu'à lui. Qu'il y a de gloire & de plaisir à servir un si bon maitre, & que je suis heureuse, d'avoir tout quitté, d'avoir tout perdu pour lui. Cette satisfaction vaut mieux que l'Empire du monde, faites de même, & vous vous en trouverez aussi heureux & aussi content que moi, puisque l'unique secrèt de l'être parfaitement, est, de tout abandonner. Croïez moi, c'est le meilleur parti, qu'on puisse prendre, puisqu'aussi bien il faut mourir tôt ou tard. Cependant, si vous aviez quelque dessein pour quelque habit ou profession, je ne m'y oppose pas, suivez votre instinct, & priez Dieu, qu'il vous inspire ce qui est le plus avantageux pour sa gloire & pour votre salut. J'avois dessein de vous faire Chevalier de Malte, mais je considére que cet habit vous engageroit à la dépense d'un train, & d'un équipage, à laquelle vous ne pouvez fournir.

D'aller tenter fortune à la guerre, c'est tout de même, il y faut aussi de la dépense, sans argent l'on ne fait rien dans le monde, en quelque profession qu'on s'engage. Enfin ce n'est qu'entre les bras de Dieu, qu'on peut se jetter dénué de tout, sans crainte de se deshonorer. Si vous le faites de la bonne sorte, vous y trouverez & la gloire & le bonheur, & une satisfaction qui surpasse tout ce que l'on goûte dans le monde. Dieu vous fasse la grace de vous persuader ces vérités. Vous me direz peut-être que ne faites vous de même; vous avez raison: mais quoique je ne sois ni d'humeur, ni de condition à rendre compte de moi à personne; je veux bien vous ôter tout sujèt de scrupule là-dessus, en vous déclarant, que la même Providence, qui vous appelle à ce bonheur, me défend d'y aspirer, comme je l'explique par les effèts. Tout ce qui m'est arrivé ma vie durant, me persuade, qu'il ne veut pas que j'y pense; que ce seroit être Rébelle à ses ordres que de vouloir s'engager en une profession où on n'est pas appellé, selon toutes les apparances. Si cette même Providence en dispose autrement un jour, je suivrai aveuglement ses ordres, puisqu'aussi bien il y a longtems, que je me suis abandonnée à sa conduite. Faites de même & vous serez heureux.
CHRISTINE ALEXANDRA.

English translation (my own):

The state of my affairs and yours obliges me to give you charitable advice, which may surprise you. But if you think about it seriously, you will be convinced that it is an effect of my kindness or rather that of God towards you, which inspires me to persuade you hereby to leave the world and the court instead. It seems to me that the best way for you would be to go to Monte Cassino, or to the Valle Ombrosa, which are two beautiful places near here, to devote yourself to the service of God for the rest of your life, taking there the habit. You are blessed to be able to do so, and I envy your condition, which allows you to take such a beautiful resolution. There is nothing so great, nothing so glorious, nothing so beautiful than to give oneself to God without reserve, and if you embrace this vocation with joy and courage, you would be well in it. In the world and at court there is nothing for you to hope for, you are miserable, you have nothing to support your birth, I am not in a position to make your fortune. I am greater, and I am not happy enough to be able to take such a resolution which I might wish to be able to carry out myself.

Do not flatter yourself with vain dreams, believe in good faith that there is nothing to hope for me, nor for you in the world, and that it is done in a way that one is too happy when one claims it and hopes for nothing. Know that man is made for something greater and that the world has nothing to satisfy. When you could become the sole monarch of all the earth, when you were surrounded by all the splendour, all the glory, all the grandeur, all the fortunes, and all the pleasures of the world, you wouldn't be happier than you are now. I am speaking to you from experience, you would not be happier: on the contrary, you would have sorrows and disgusts which are still unknown to you, and which are worse than anything you have suffered so far. So, after tasting all the goodness you desire, you would be so strongly convinced of the misery and the nothingness of it all that you would be ashamed of yourself for having esteemed and desired so much, which is so little and which only serves to make both life and death equally unbearable to men. If you were persuaded, as you should be, of this truth, you would approach with joy the port, may the providence of God open to you to retire from the shipwreck. Yet before you come to such a high resolution, carefully examine and consult your heart and your strengths. But do not trust it, trust God, and if you are convinced of his vocation, get out of the world instead, but get out of a house that is burning and from which you must escape as quickly as possible, if one does not wish to perish there. Dispose of your belongings and courageously give the little you have to God, do not be afraid of losing anything, He will return everything to you with wear and tear. This sacrifice is the best use that one can make of everything there is in the world, and God is so good that He rewards us for it when we give Him what is only His. That there is glory and pleasure in serving such a good master, and that I am happy to have abandoned everything, to have lost everything for him. This satisfaction is better than the empire of the world. Do the same, and you will find yourself as happy and as content as I, since the only secret of being perfectly perfect is to give up everything. Believe me, that is the best thing one can take, since one has to die sooner or later. However, if you had any design for any habit or profession, I do not oppose it; follow your instincts and pray to God that He inspire you with what is most beneficial for His glory and for your salvation. I intended to make you a Knight of Malta, but I consider that this habit would engage you at the expense of a flow and an equipage which you cannot provide.

To go and try one's luck in war is all the same, it also requires spending, without money we do nothing in the world, in whatever profession we engage. Finally, it is only into the arms of God that one can throw oneself stripped of everything, without fear of dishonouring oneself. If you do it the right way, you will find there both glory and happiness, and a satisfaction that surpasses everything else in the world. God grant you the grace to persuade you of these truths. You may tell me that you don't do the same; you are right. But although I am neither in the mood nor in the condition to give an account of myself to anyone, I am willing to remove from you any subject of scruples on this by declaring to you that the same providence which calls you to this happiness forbids me to aspire to it, as I explain it by these effects. Everything that has happened to me during my life persuades me that He does not want me to think about it; that it would be rebellious to His orders to want to engage in a profession to which one is not called, according to all appearances. If this same Providence disposes of it otherwise one day, I will blindly follow its orders, since it has been a long time since I abandoned myself to its conduct. Do the same and you will be happy.
Kristina Alexandra.

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