Source:
Histoire de la vie de Louis de Bourbon, prince de Condé, volume 2, pages 462 to 465, by Jean de la Brune, 1693
The account:
... Le Prince de Condé alla à Bruxelles, où CHRISTINE, Reine de Suede étoit arrivée depuis peu.
Cette Princesse venoit de ceder sa Couronne & son Royaume à son Cousin. Toute l'Europe s'entretenoit encore d'une action si extraordinaire, & chacun tâchoit d'en pénetrer les veritables motifs. Elle n'eût pas plûtôt abdiqué la Couronne qu'elle sortit de Suede, & vint en Flandre, suivie de Dom Antonio Pimentel qui étoit allé auprés d'elle en qualité d'Ambassadeur, & s'étoit si bien insinué dans son esprit qu'il étoit entierement dans sa confidence, & s'étoit rendu le souverain arbitre de ses volontez. Christine étant arrivée à Bruxelles, témoigna d'abord un empressement tout extraordinaire de voir le Prince de Condé. Elle disoit hautement qu'elle avoit regret qu'il ne se pût trouver à Bruxelles un Logis assez grand pour les loger tous deux, que c'étoit son Heros, & le seul homme pour qui elle avoit de l'admiration. Le Prince étoit alors au siége d'Arras, & elle luy écrivit qu'elle vouloit y aller, & qu'elle ne feroit pas difficulté de marcher à ses côtez avec l'écharpe rouge. Ce Prince ayant acquis une nouvelle gloire dans le triste évenement de ce siége, la Reine de Suede eût encore plus d'envie de le voir.
Aprés de si belles avances & de si obligeantes recherches pour une entrevûë que cette Princesse soûhaitoit avec passion, on auroit peine à croire qu'elle se refroidît tout d'un coup lors qu'elle fut sur le point de voir le Prince de Condé; cependant c'est ce qui arriva. Justement dans le temps que le Prince se disposoit à luy aller rendre visite, elle s'amusa à pointiller sur la maniere dont elle devoit le recevoir.
Christine avoit déja vû l'Archiduc à Anvers, où elle l'avoit reçû avec des déferences & des honneurs qui alloient jusqu'à l'excés. Non seulement elle l'attendit au pied de son degré; mais elle traversa une grande Cour, & fut au devant de luy jusques à la porte de son Logis. Le Prince de Condé qui craignoit que la Reine Christine ne voulût faire quelque difference entre luy & l'Archiduc, voulut sçavoir comment elle en useroit à son égard, & ceux qu'il y envoya, n'ayant point reçû la réponse qu'il desiroit, il résolut de ne la point voir avec les céremonies accoûtumées. Mais un jour que la Chambre de la Reine étoit pleine de Courtisans, le Prince s'y glissa, & l'aborda comme l'un de ceux qui la saluoient de sa part. Christine ne le reconnut pas d'abord; mais enfin elle le distingua entre tous les autres, & voulut aussi-tôt le luy témoigner par des civilitez extraordinaires. Le Prince de Condé s'en étant apperçû se retira sur le champ, & comme elle le suivoit pour le conduire, il s'arrêta & se contenta de luy dire qu'il luy falloit «tout ou rien»; & sans attendre qu'elle luy répondit, il s'en alla comme il étoit venu.
Je serois tenté d'attribuer ce procedé de la Reine de Suede à pure bizarrerie, car c'étoit assez son défaut de changer sans cesse de résolution, & de voltiger de pensée en pensée sans jamais s'arrêter à aucune. Tantôt elle étoit toute dans l'étude, entierement appliquée à la lecture, & environnée de Sçavans de tous ordres; & bientôt aprés, elle quittoit ses Livres, traitoit de pedants incommodes les Sçavans qu'elle venoit d'écouter avec avidité, & se donnoit toute entiere aux divertissemens. Cependant, quoy qu'il y ait grande apparence que ce naturel irrésolu de la Reine Christine contribua beaucoup à son inégalité envers le Prince de Condé, ce n'en fut pourtant pas la principale cause. Les Espagnols voulurent joûër ce tour au Prince, & la Reine de Suede qui s'étoit comme donnée aux Espagnols, & qui ne se gouvernoit que par leurs conseils, ne fit rien en cette occasion qu'elle n'eût concerté auparavant avec eux.
Le Prince de Condé ne parut pas fort touché de cette affaire. Il témoigna au contraire tant de mépris pour la vanité des Espagnols, & tant d'indifference pour la Reine Christine qu'ils eurent honte eux-mêmes de son procedé & du leur. Cela les obligea à chercher les moyens de les bien remettre ensemble. On ménagea une entrevûë entre eux au Mail, & on y lia une partie, où on les mit tous deux d'un côté. Tout cela ne servit de rien pour leur reconciliation. Ils se parlerent avec beaucoup d'honnêteté; mais ils se separerent avec la même froideur qu'ils s'étoient vûs la premiere fois.
With modernised spelling:
... Le prince de Condé alla à Bruxelles, où Christine, reine de Suède, était arrivée depuis peu.
Cette princesse venait de céder sa couronne et son royaume à son cousin. Toute l'Europe s'entretenait encore d'une action si extraordinaire, et chacun tâchait d'en pénétrer les véritables motifs. Elle n'eut pas plutôt abdiqué la Couronne qu'elle sortit de Suède et vint en Flandre, suivie de don Antonio Pimentel, qui était allé auprès d'elle en qualité d'ambassadeur et s'étoit si bien insinué dans son esprit qu'il était entièrement dans sa confidence et s'était rendu le souverain arbitre de ses volontés.
Christine, étant arrivée à Bruxelles, témoigna d'abord un empressement tout extraordinaire de voir le prince de Condé. Elle disait hautement qu'elle avait regret qu'il ne se pût trouver à Bruxelles un logis assez grand pour les loger tous deux, que c'était son héros et le seul homme pour qui elle avait de l'admiration. Le prince était alors au siège d'Arras, et elle lui écrivit qu'elle voulait y aller et qu'elle ne ferait pas difficulté de marcher à ses côtés avec l'écharpe rouge. Ce prince ayant acquis une nouvelle gloire dans le triste événement de ce siège, la reine de Suède eut encore plus d'envie de le voir.
Après de si belles avances et de si obligeantes recherches pour une entrevue que cette princesse souhaitait avec passion, on aurait peine à croire qu'elle se refroidît tout d'un coup lorsqu'elle fut sur le point de voir le prince de Condé; cependant, c'est ce qui arriva. Justement dans le temps que le prince se disposait à lui aller rendre visite, elle s'amusa à pointiller sur la manière dont elle devait le recevoir.
Christine avait déjà vu l'archiduc à Anvers, où elle l'avait reçu avec des déférences et des honneurs qui allaient jusqu'à l'excès. Non seulement elle l'attendit au pied de son degré, mais elle traversa une grande cour et fut au devant de lui jusqu'à la porte de son logis. Le prince de Condé, qui craignait que la reine Christine ne voulût faire quelque différence entre lui et l'archiduc, voulut savoir comment elle en userait à son égard et ceux qu'il y envoya. N'ayant point reçu la réponse qu'il désirait, il résolut de ne la point voir avec les cérémonies accoutumées.
Mais un jour que la chambre de la reine était pleine de courtisans, le prince s'y glissa et l'aborda comme l'un de ceux qui la saluaient de sa part. Christine ne le reconnut pas d'abord, mais enfin elle le distingua entre tous les autres et voulut aussitôt le lui témoigner par des civilités extraordinaires. Le prince de Condé, s'en étant aperçu, se retira sur le champ; et, comme elle le suivait pour le conduire, il s'arrêta et se contenta de lui dire qu'il lui fallait «tout ou rien.» Et, sans attendre qu'elle lui répondit, il s'en alla comme il était venu.
Je serais tenté d'attribuer ce procédé de la reine de Suède à pure bizarrerie, car c'était assez son défaut de changer sans cesse de résolution et de voltiger de pensée en pensée sans jamais s'arrêter à aucune. Tantôt elle était toute dans l'étude, entièrement appliquée à la lecture et environnée de savants de tous ordres; et bientôt après, elle quittait ses livres, traitait de pedants incommodes les savants qu'elle venait d'écouter avec avidité, et se donnait toute entière aux divertissements. Cependant, quoiqu'il y ait grande apparence que ce naturel irrésolu de la reine Christine contribua beaucoup à son inégalité envers le prince de Condé, ce n'en fut pourtant pas la principale cause.
Les Espagnols voulurent jouer ce tour au prince, et la reine de Suède, qui s'était comme donnée aux Espagnols et qui ne se gouvernait que par leurs conseils, ne fit rien en cette occasion qu'elle n'eût concerté auparavant avec eux.
Le prince de Condé ne parut pas fort touché de cette affaire. Il témoigna au contraire tant de mépris pour la vanité des Espagnols et tant d'indifference pour la reine Christine qu'ils eurent honte eux-mêmes de son procédé et du leur. Cela les obligea à chercher les moyens de les bien remettre ensemble. On ménagea une entrevue entre eux au mail, et on y lia une partie, où on les mit tous deux d'un côté. Tout cela ne servit de rien pour leur réconciliation. Ils se parlèrent avec beaucoup d'honnêteté, mais ils se séparèrent avec la même froideur qu'ils s'étaient vus la première fois.
Swedish translation (my own):
... Prinsen de Condé reste till Bryssel, dit Kristina, Sveriges drottning, nyligen hade anlänt.
Denna prinsessa hade just överlåtit sin krona och sitt rike till sin kusin. Hela Europa talade fortfarande om en sådan extraordinär handling, och alla försökte förstå hennes sanna motiv. Hon hade inte förr abdikerat Kronan förrän hon lämnade Sverige och kom till Flandern, följt av don Antonio Pimentel, som hade gått till henne som ambassadör och hade insinuerat sig så väl i hennes sinne att han var helt i hennes förtroende och hade gjort sig till den suverän skiljedomare av hennes vilja.
Kristina, efter att ha anlänt till Bryssel, visade först en extraordinär iver att träffa prinsen de Condé. Hon sade högt att hon hade ångrat att det inte fanns ett logement i Bryssel som var tillräckligt stort för att rymma dem båda, att han var hennes hjälte och den ende mannen som hon hade beundran för. Prinsen var då vid belägringen av Arras och hon skrev till honom att hon ville åka dit och att hon inte skulle ha några problem med att gå vid hans sida med det röda skärpet. Efter att denne prins fått ny ära i den sorgliga händelsen av denna belägring, hade Sveriges drottning en ännu större önskan att se honom.
Efter så fina framsteg och så förpliktiga sökande efter en entrevue som denna prinsessa önskade med passion, skulle man knappt tro att hon plötsligt svalnade när hon skulle se prinsen de Condé; men detta är vad som hände. Just när prinsen förberedde sig för att gå och besöka henne, roade hon sig med att tjafsa om hur hon skulle ta emot honom.
Kristina hade redan sett ärkehertigen i Antwerpen, där hon hade tagit emot honom med vördnad och heder som gick till överdrift. Hon väntade inte bara på honom vid foten av hans degré, utan hon gick över en stor innergård och var framför honom tills han nådde dörren till sitt logement. Prinsen de Condé, som fruktade att drottning Kristina skulle vilja göra någon skillnad mellan honom och ärkehertigen, ville veta hur hon skulle använda det mot honom och de han skickade dit. Efter att inte ha fått det svar han önskade, beslöt han att inte träffa henne med de vanliga ceremonierna.
Men en dag, när drottningens kammare var full av hovmän, smög prinsen in och närmade sig henne som en av dem som hälsade henne å hans vägnar. Kristina kände inte igen honom till en början, men till sist utmärkte hon honom bland alla andra och ville genast visa honom detta med utomordentlig artighet. Prinsen de Condé, efter att ha märkt detta, drog sig omedelbart tillbaka; och när hon följde efter honom för att leda honom, stannade han upp och nöjde sig med att säga till henne att han behövde »allt eller inget«. Och utan att vänta på att hon skulle svara honom gick han som han hade kommit.
Jag vore frestad att hänföra denna Sveriges drottnings procedur till rent bisarreri, ty det var hennes defekt att ständigt ändra sin resolution och att fladdra från tanke till tanke utan att någonsin stanna vid någon. Ibland var hon helt och hållet i studier, helt hängiven åt läsning och omgiven av forskare av alla orden; och strax därefter lämnade hon sina böcker, behandlade de lärda som hon nyss lyssnat på med iver som obekväma pedanter och ägnade sig helt åt divertissemanger. Men även om det verkar mycket troligt att denna irresoluta natur hos drottning Kristina i hög grad bidrog till hennes ojämlikhet gentemot prinsen de Condé, var det inte huvudorsaken.
Spanjorerna ville spela prinsen detta spratt, och Sveriges drottning, som givit sig åt spanjorerna och som endast styrde sig efter deras råd, gjorde ingenting vid detta tillfälle, vid vilket hon inte förut hade rådfrågat dem.
Prinsen de Condé verkade inte särskilt berörd av denna affär. Tvärtom visade han så mycket förakt för spanjorernas fåfänga och så mycket likgiltighet för drottning Kristina, att de själva skämdes över hans och deras tillvägagångssätt. Detta tvingade dem att leta efter sätt att sätta ihop dem ordentligt igen. Man ordnade en entrevue mellan dem på mail, och en länkade en fest dit, där en satte dem båda på ena sidan. Allt detta var till ingen nytta för deras försoning. De talade med varandra med stor ärlighet, men de skildes åt med samma kyla som de gjorde när de hade sett varandra för första gången.
English translation (my own):
... The Prince de Condé went to Brussels, where Kristina, the Queen of Sweden, had recently arrived.
This princess had just ceded her crown and her kingdom to her cousin. All of Europe was still talking about such an extraordinary action, and everyone was trying to understand her true motives. She had no sooner abdicated the Crown than she left Sweden and came to Flanders, followed by Don Antonio Pimentel, who had gone to her as ambassador and had insinuated himself so well into her mind that he was entirely in her confidence and had made himself the sovereign arbiter of her will.
Kristina, having arrived in Brussels, first showed an extraordinary eagerness to see the Prince de Condé. She said loudly that she was had regret that there was not a lodging in Brussels big enough to accommodate them both, that he was her hero and the only man for whom she had admiration. The Prince was then at the siege of Arras, and she wrote to him that she wanted to go there and that she would have no problem walking at his side with the red sash. This Prince having acquired new glory in the sad event of this siege, the Queen of Sweden had an even greater desire to see him.
After such fine advances and such obliging searches for an interview that this princess desired with passion, one would hardly believe that she suddenly cooled down when she was about to see the Prince de Condé; however, this is what happened. Just as the Prince was preparing to go and visit her, she amused herself by fussing over the manner in which she should receive him.
Kristina had already seen the Archduke in Antwerp, where she had received him with deference and honours that went to the point of excess. Not only did she wait for him at the foot of his degree, but she crossed a large courtyard and was in front of him until he reached the door of his lodging. The Prince de Condé, who feared that Queen Kristina might want to make some difference between him and the Archduke, wanted to know how she would use it towards him and those he sent there. Having not received the response he desired, he resolved not to see her with the usual ceremonies.
But one day, when the Queen's chamber was full of courtisans, the Prince slipped in and approached her as one of those who greeted her on his behalf. Kristina did not recognise him at first, but finally she distinguished him among all the others and immediately wanted to show him this with extraordinary civilities. The Prince de Condé, having noticed this, withdrew immediately; and, as she followed him to conduct him, he stopped and contented himself with telling her that he needed "everything or nothing." And, without waiting for her to answer him, he left as he had come.
I would be tempted to attribute this procedure of the Queen of Sweden to pure bizarrerie, because it was quite her defect to constantly change her resolution and to flutter from thought to thought without ever stopping at any one. Sometimes she was all in study, entirely devoted to reading and surrounded by scholars of all orders; and soon afterwards, she left her books, treated the scholars to whom she had just listened with avidity like inconvenient pedants, and devoted herself entirely to divertisements. However, although it seems very likely that this irresolute nature of Queen Kristina contributed greatly to her inequality towards the Prince de Condé, it was not the main cause.
The Spanish wanted to play this trick on the Prince, and the Queen of Sweden, who had given herself to the Spanish and who only governed herself by their advice, did nothing on this occasion on which she had not previously consulted with them.
The Prince de Condé did not seem very touched by this affair. On the contrary, he showed so much contempt for the vanity of the Spanish and so much indifference for Queen Kristina that they themselves were ashamed of his procedure and theirs. This forced them to look for ways to put them back together properly. One arranged an interview between them at the mall, and one linked a party there, where one put them both on one side. All this was of no use for their reconciliation. They spoke to each other with great honesty, but they parted with the same coldness as they did when they had seen each other for the first time.
Above: Kristina.
Above: Antonio Pimentel.
Above: The Prince de Condé.