Sources:
Mademoiselle de Scudéry: sa vie et sa correspondance, page 475, published by Edme Jacques Benoît Rathéry, 1873
Mémoires concernant Christine, volume 2, page 272, Johan Arckenholtz, 1751
The letter:
Rome, 30 septembre 1687.
Je ne comprends pas, Mademoiselle de Scudéry, comment une personne qui a écrit comme vous sur la Tyrannie de l'usage, ignore celui qu'on a établi à Rome. Vous avez mal adressé votre ami. Ne savez-vous pas qu'il seroit plus facile à vos François de voir la grande Sultane que moi, quoique personne ne soit ni amoureux ni jaloux de moi, et que je sois, Dieu merci, en mon entière liberté? Il y a ici une espèce de passion qui n'a pas de nom, qu'on substitue à l'amour et à la jalousie qui règnent à Constantinople, et l'on s'y venge sur votre nation des chagrins bien ou mal fondés qu'on prétend avoir reçus de moi. Je suppose toutefois que cet usage finira, et si jamais cela arrive, je ferai voir à votre ami que tous les honnêtes gens sont bien reçus chez moi, mais surtout ceux qui sont de votre connoissance.
Je suis toutefois très-résolue de ne rien contribuer à ce changement, et la conduite de ma vie passée doit persuader aux gens que je me passe sans peine de tout. Cela n'empêche pas que vos reproches sur mon portrait ne me soient agréables. Vous avez raison, et je vous promets de réparer ma faute d'une manière qui ne vous déplaira pas. En attendant, en voici un qui ne vous coûtera rien. Sachez donc que depuis le temps que vous m'avez vue, je ne suis nullement embellie. J'ai conservé toutes mes bonnes et mauvaises qualités aussi entières et vives qu'elles ont jamais été. Je suis encore, malgré la flatterie, aussi mal satisfaite de ma personne que je la fus jamais. Je n'envie ni la fortune, ni les vastes États, ni les trésors à ceux qui les possèdent, mais je voudrois bien m'élever par le mérite et par la vertu au dessus de tous les mortels, et c'est là ce qui me rend mal satisfaite de moi. Au reste, je suis en parfaite santé qui me durera autant qu'il plaira à Dieu. J'ai naturellement une fort grande aversion pour la vieillesse, et je ne sais comment je pourrai m'y accoutumer. Si on m'eût donné le choix d'elle et de la mort, je crois que j'aurois choisi sans hésiter la dernière. Toutefois, puisqu'on ne nous consulte pas, je me suis accoutumée à vivre avec plaisir. Aussi la mort qui s'approche et qui ne manque jamais à son moment, ne m'inquiète pas: je l'attends sans la désirer et sans la craindre.
Mais il est temps de vous parler de vos ouvrages, qui sont agréables, utiles et savants. Vous mettez si bien en œuvre les belles choses, que vous me charmez. Vous divertissez et instruisez toûjours sans ennuyer jamais. Je vous remercie du soin que vous avez pris de me les envoyer. Que je vous dois d'agréables moments, et comment vous les payer? Cependant, vous qui écrivez si bien, pourquoi avez-vous laissé mourir M. le Prince, sans faire quelque chose pour lui en vers ou en prose? Quelle perte pour la France! et quelle perte pour le siècle dont ce grand homme étoit un des plus dignes ornements! Pour moi je l'ai regretté autant qu'aucun des siens, et je vous condamne à faire quelque chose de digne d'un Héros d'un mérite aussi distingué et aussi extraordinaire. Il me semble que c'est un des plus grands plaisirs de la vie que de bien louer ce qui mérite de l'être. Vous qui avez des talents faits exprès, ne refusez pas cet encens à ce Prince qui l'a si bien mérité.
CHRISTINE ALEXANDRA.
Arckenholtz's transcript of the letter:
Je ne comprens pas, Mademoiselle de Scudery, comment une personne qui a écrit comme vous sur la Tirannie de l'usage, ignore celui qu'on a établi à Rome. Vous avez mal addressé votre Ami. Ne savez vous pas, qu'il seroit plus facile à vos François de voir la grande Sultane que moi, quoique personne ne soit ni amoureux ni jaloux de moi, & que je sois Dieu merci en mon entière liberté? Il y a ici une espèce de passion, qui n'a pas de nom, qu'on substitue à l'amour & à la jalousie qui règnent à Constantinople, & l'on s'y vange sur votre nation des chagrins bien ou mal fondés qu'on prétend avoir reçu de moi. Je suppose toutefois que cet usage finira, & si jamais cela arrive, je ferai voir à votre ami que tous les honnêtes gens sont bien reçus chez moi, mais sur tout ceux qui sont de votre connoissance.
Je suis toutefois très-résoluë de ne rien contribuer à ce changement, & la conduite de ma vie passée doit persuader aux gens, que je me passe sans peine de tout. Cela n'empêche pas que vos reproches sur mon portrait ne me soïent agréables. Vous avez raison, & je vous promèts de réparer ma faute d'une manière, qui ne vous déplaira pas. En attendant, en voici un qui ne vous coûtera rien. Sachez donc que depuis le tems, que vous m'avez vûë je ne suis nullement embellie. J'ai conservé toutes mes bonnes & mauvaises qualités aussi entières & vives qu'elles ont jamais été. Je suis encore, malgré la flatterie, aussi mal satisfaite de ma personne, que je la fus jamais. Je n'envie ni la fortune, ni les vastes Etats, ni les trésors, à ceux qui les possédent; mais je voudrois bien m'élever par le mérite & par la vertu, au dessus de tous les mortels, & c'est-là ce qui me rend mal satisfaite de moi. Au reste je suis en parfaite santé, qui me durera autant qu'il plaira à Dieu. J'ai naturellement une fort grande aversion pour la vieillesse, & je ne sai comment je pourrai m'y accoûtumer. Si l'on m'eut donné le choix d'elle, & de la mort, je crois que j'aurois choisi sans hésiter, la dernière. Toutefois puisqu'on ne nous consulte pas, je me suis accoûtumée à vivre avec plaisir. Aussi la mort qui s'approche & qui ne manque jamais à son moment, ne m'inquiéte pas. Je l'attends sans la desirer, & sans la craindre.
Mais il est tems de vous parler de vos ouvrages, qui sont agréables, utiles & savans. Vous mettez si bien en œuvre les belles choses, que vous me charmé. Vous divertissez & instruisez toûjours sans ennuïer jamais. Je vous remercie du soin que vous avez pris de me les envoïer. Que je vous dois d'agréables momens? Et comment vous les païer? Cependant vous qui écrivez si bien, pourquoi avez vous laissé mourir Monsieur le Prince, sans faire quelque chose pour lui en vers ou en prose? Quelle perte pour la France? & quelle perte pour le siécle, dont ce grand homme étoit un des plus dignes ornemens! Pour moi je l'ai regretté autant qu'aucun des Siens, & je vous condamne à faire quelque chose de digne d'un Héros d'un mérite, & si distingué, & si extraordinaire. Il me semble que c'est un des plus grands plaisirs de la vie, que de bien louer ce qui mérite de l'être. Vous, qui avez des talens faits exprès, ne refusez pas cet encens à ce Prince, qui l'a si bien mérité. Adieu.
Rome, ce 30 Septembre, 1687.
CHRISTINE ALEXANDRA.
Rome, ce 30 Septembre, 1687.
CHRISTINE ALEXANDRA.
Swedish translation (my own):
Jag förstår inte, Mademoiselle de Scudéry, hur en person som har skrivit som Ni på sedvans tyranni, ignorerar den som är etablerad i Rom. Ni adresserade Er vän fel. Vet Ni inte att det vore lättare för Era fransmän att se den stora Sultana än mig, även om ingen varken är förälskad i eller avundsjuk på mig, och att jag är, tack vare Gud, i hela min frihet? Det finns här en slags passion, som inte har något namn, som ersätter den kärlek och svartsjuka som regerar i Konstantinopel, och man lovar där på Er nation sorg väl eller dåligt grundade att de påstår sig ha fått från mig. Jag antar dock att denna användning kommer att upphöra, och om det någonsin händer, kommer jag att visa Er vän att alla ärliga människor är väl mottagna hos mig, men särskilt alla de som känner Er.
Jag är emellertid väldigt beslutad att inte bidra med någonting till denna förändring, och beteendet i mitt förflutna liv bör övertyga människor om att jag lätt kan göra utan allt. Detta hindrar inte Er kritik av mitt porträtt från att vara trevlig för mig. Ni har rätt, och jag lovar att gottgöra mitt fel på ett sätt som skall icke misshaga Er. Under tiden är här en som inte kommer att kosta Er någonting. Vet då att sedan Ni såg mig, jag är inte på något sätt utsmyckad. Jag har hållit alla mina goda och dåliga egenskaper lika hela och levande som de någonsin varit. Jag är fortfarande, trots smickret, lika illa nöjd med mig själv som jag någonsin varit. Jag avundas varken förmögenhet eller vidsträckta godor eller skatter för dem som besitter dem; men jag skulle vilja stiga med meriter och dygd framför alla dödliga, och det är det som gör mig olycklig med mig själv. Dessutom är jag i perfekt hälsa, som kommer att pågå så länge som Gud vill. Jag har naturligtvis en mycket stor motvilja mot ålderdomen och jag vet inte hur jag kan vänja mig vid den. Om jag hade fått valet av denna och döden, tror jag att jag skulle ha valt den sista utan att tveka. Men eftersom vi inte konsulteras har jag vant mig vid att leva med nöje. Också döden som närmar sig och som aldrig misslyckas i sitt ögonblick oroar mig inte. Jag väntar på den utan att vilja den och utan att frukta den.
Men det är dags att berätta om Era verk, som är trevliga, användbara och lärda. Ni implementerar vackra saker så bra att Ni charmade mig. Ni underhåller och utbildar alltid utan att bli tråkig. Jag tackar Er för vården Ni tog när Ni sände dem till mig. Skulle jag vara Er trevliga stunder skyldig? Och hur betalar Ni dem? Men Ni som skriver så bra, varför lät Ni Monsieur le Prince dö utan att göra något för honom i vers eller prosa? Vilken förlust för Frankrike, och vilken förlust för seklet, varav denne store man var en av de mest värdiga prydnaderna! För mig själv beklagade jag den lika mycket som någon av hans, och jag fördömer Er att göra något som är värt en hjält av förtjänst, och så framstående och så extraordinär. Det verkar för mig att det är en av de största njutningarna i livet, att lova väl den som förtjänar det. Ni, som har talanger gjorda med avsikt, vägrar inte denna rökelse till denna prins, som så väl förtjänade det. Farväl.
Rom den 30 september 1687.
Kristina Alexandra.
Rom den 30 september 1687.
Kristina Alexandra.
English translation (my own):
I do not understand, Mademoiselle de Scudéry, how a person who has written like you on the tyranny of custom ignores the one established in Rome. You misaddressed your friend. Don't you know that it would be easier for your Frenchmen to see the great Sultana than me, although no one is neither in love with nor jealous of me, and that I am, thank God, in my entire freedom? There is here a kind of passion, which has no name, which is substituted for the love and jealousy which reign in Constantinople, and one vows there on your nation sorrows well or badly founded which one claims to have received from me. I suppose, however, that this custom will end, and if it ever happens, I will show your friend that all honest people are well received by me, but especially all those who are of your acquaintance.
I am, however, very resolved not to contribute anything to this change, and the conduct of my past life should persuade people that I can easily do without anything. This does not prevent your criticism of my portrait from being pleasant to me. You are right, and I promise to make amends for my fault in a way that will not displease you. In the meantime, here's one that will not cost you anything. Know then that since the time that you saw me, I am in no way embellished. I have kept all of my good and bad qualities as whole and vivid as they ever were. I am still, despite the flattery, as badly satisfied with myself as I ever was. I envy neither fortune, nor vast estates, nor treasures, to those who possess them; but I would like to raise myself by merit and by virtue above all mortals, and that is what makes me unhappy with myself. Besides, I am in perfect health, which will last as long as God pleases. I naturally have a very great aversion to getting older, and I do not know how I can get used to it. If I had been given the choice between that and death, I believe I would have chosen the latter without hesitation. However, since we are not consulted, I have become accustomed to living with pleasure. Death, which is approaching and which never fails at its moment, also does not worry me. I wait for it without desiring it and without fearing it.
But it is time to tell you about your works, which are pleasant, useful and learned. You implement beautiful things so well that you charmed me. You always entertain and educate without ever being boring. Thank you for the care you took in sending them to me. Should I owe you pleasant moments? And how do you pay them? However, you who write so well, why did you let Monsieur le Prince die, without doing something for him in verse or prose? What a loss for France, and what a loss for the century, of which this great man was one of the most worthy ornaments! For my part I regretted it as much as any of his, and I condemn you to do something worthy of a hero of merit, and so distinguished, and so extraordinary. It seems to me that it is one of the greatest pleasures in life to laud well he who deserves it. You, who have talents made on purpose, do not refuse this incense to this prince, who so well deserved it. Farewell.
Rome, September 30, 1687.
Kristina Alexandra.
Rome, September 30, 1687.
Kristina Alexandra.
Above: Kristina.
Above: Mademoiselle de Scudéry.
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