Tuesday, January 18, 2022

Kristina's letter to Johan Olivekrantz, written November 20, 1688

Source:

Mémoires concernant Christine, volume 2, page 284, Johan Arckenholtz, 1751


The letter:

Ce que vous m'écrivez du 16. Octobre est si juste & si raisonnable, que je ne puis que louer votre prudence & votre zéle, qui ont dicté votre lettre. Mais par malheur pour moi, j'ai ici des engagemens d'honneur qui m'y retiennent encore pour tout cet hiver, & je vous donne ma parole que pour le printems Nous nous verrons en quelque lieu ensemble. La difficulté est sur l'endroit, car quittant Rome il n'y a pas de lieu au monde où je puisse demeurer avec honneur pour moi. Il m'est venu depuis peu une pensée assez bizarre, mais ne l'aïant pas encore bien digérée, je ne puis vous la communiquer. Si elle pouvoit réussir j'aurois trouvé pour moi le repos & la félicité en ce monde. Peut-être que dans peu, je pourrai vous faire un projèt qui ne vous sera pas désagréable.

Pour les affaires de Rome, elles sont à présent plus rompuës que jamais. Mais cela n'empêchera pas que tout ne s'ajuste bien-tôt, car on fera ici tout ce que le Roi de France voudra, & vous le verrez. L'Ambassadeur de France est bien éloigné de partir d'ici: si ce n'est pour s'aller mettre à la tête d'une armée grande ou petite pour forcer le Pape de le reconnoître. Mais on n'en viendra pas à cette extrêmité. Le Pape fait tout ce qu'il peut pour faire venir un sac à Rome. Mais j'espére qu'il ne réussira pas, quoiqu'il puisse faire. Ainsi ne croïez pas, que Lavardin parte. Il est ici fort tranquille, faisant tout ce qu'il veut, mais qu'il parte ou ne parte pas, cela ne m'importe en rien. Je fais bande à part en toute chose, & quoique nous soïons amis, je ne me mêle pas des affaires d'autrui. Mon unique affaire est de vivre de manière à me conserver l'estime & l'amitié de tout le monde, que je me suis acquis ici, en faisant selon mes forces, du bien à tout le monde, & en ne faisant jamais du mal à personne, sans y être forcée, & même en ne le faisant que rarement & quand je ne puis m'en empêcher. C'est par une telle conduite que je me suis fait aimer, estimer & craindre en un lieu où je ne posséde rien que moi-même. Depuis la prise de Philipsbourg on est ici dans la plus grande consternation du monde, & vous verrez Furstenberg Cardinal & Electeur pour toute sa vie. J'ai fait ce prognostic il y a longtems, mais l'ignorance du gouvernement présent est invincible, & la ruïne en est inévitable. Souvenez-vous de moi, mais sachez que Rome est l'unique Phœnix qui renait toûjours de ses cendres plus beau & plus grand que jamais & vous verrez ce prognostic accompli.

Pour mes joïaux, je suis en négociation pour les dégager & je vous ferai bien-tôt savoir ce que j'aurai réussi à conclurre. Sachez pourtant que Texeira n'est pas mon fait. Quand j'aurai conclu l'affaire je vous ferai tout savoir.

Au reste faites ensorte, que le Marquis traitte d'égal avec qui que ce soit des autres Ministres, coûte que coûte. Ne vous mettez pas en peine de l'argent. Il ne me manquera jamais, je voudrois seulement en avoir assez pour pouvoir vous récompenser de vos fidéles services. Mais peut-être que Dieu me fera bientôt la grace de pouvoir satisfaire ce desir. Je me rapporte du reste à la dépêche du Sécrétaire dans laquelle vous recevrez mes ordres, & vous verrez par mes Apostilles mes sentimens sur les mémoires donnés. Le Marquis rend justice à votre habileté & à votre fidélité en toutes les lettres qu'ils m'écrit & quoique vous n'aïez pas besoin de ses bons offices, puisque sans cela je vous connois & suis satisfaite de vous; néanmoins se louant fort de vous, il vous rend un bon office qui ne vous sera pas inutile. Je lui ai ordonné de vous dire de ma part, que vous n'avez qu'à parler pour obtenir de moi tout ce que vous souhaitez, pourvû que les choses soïent possibles & faisables. Dieu vous conserve. Adieu.
CHRISTINE ALEXANDRA.
Rome, 20 Novembr. 1688

Apostille
J'envoïe cette lettre ouverte au Marquis afin qu'il sache ce que je vous écris.

English translation (my own):

What you wrote to me on October 16th is so just and so reasonable that I can only praise your prudence and your zeal which dictated your letter. But unfortunately for me, I have honourable commitments here that still keep me there for the whole of this winter, and I give you my word that for the spring we will see each other somewhere together. The difficulty is on the place, because leaving Rome there is no place in the world where I can dwell with honour for myself. A rather strange thought occurred to me recently, but not having yet fully digested it, I cannot communicate it to you. If it could succeed, I would have found rest and happiness for myself in this world. Perhaps in a little while, I will be able to make you a project that will not be disagreeable to you.

As for the affairs of Rome, they are now more broken than ever. But that will not prevent everything from adjusting soon, because we will do here whatever the King of France wants, and you will see it. The French ambassador is far from leaving here; if not to go and put him at the head of an army large or small to force the Pope to recognize him. But it will not come to this end. The Pope is doing all he can to bring a sack to Rome. But I hope he won't succeed, whatever he may do. So don't think that Lavardin is leaving. He is very quiet here, doing whatever he wants, but whether he goes or not, that doesn't matter to me. I am separate in everything, and although we are friends, I do not interfere in other people's affairs. My only affair is to live in such a way as to keep for myself the esteem and friendship of everyone, which I have acquired here by doing, according to my strength, good to everyone, and by never doing harm to anyone, without being forced to, and even doing it rarely and when I can't help myself. It is by such conduct that I have made myself loved, esteemed and feared in a place where I own nothing but myself. Since the capture of Philipsburg we have been in the greatest consternation here, and you will see Furstenberg cardinal and elector all his life. I made this prediction a long time ago, but the ignorance of the present government is invincible, and its ruin is inevitable. Remember me, but know that Rome is the only phoenix that is always reborn from its ashes more beautiful and greater than ever, and you will see this prediction realised.

As for my jewels, I am in negotiations to release them and I will let you know soon what I have managed to conclude. Know however that Texeira is not my fact. When I close the affair I will let you know.

Besides, make sure that the Marquis is treated as an equal with any one of the other ministers, at all costs. Don't worry about the money. I will never miss that, I just wish I had enough to be able to reward you for your loyal service. But perhaps God will soon grant me the grace to be able to satisfy this desire. I am referring, moreover, to the despatch from the secretary in which you will receive my orders, and you will see through my notes my feelings on the briefs given. The Marquis does justice to your skill and your fidelity in all the letters he writes to me, and although you do not need his good services, since otherwise I know you and am satisfied with you; nevertheless, praising himself greatly, he does you a good service which will not be useless to you. I have ordered him to tell you on my behalf that you only have to talk to get anything from me that you want, as long as things are possible and feasible. God keep you. Farewell.

P. S.
I am sending this open letter to the Marquis so that he will know what I am writing to you.


Above: Kristina.


Above: Henri-Charles de Beaumanoir, marquis de Lavardin.


Above: Johan Olivekrantz.

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