Friday, January 14, 2022

Kristina's letter to Pierre Bayle, dated December 4/14 (New Style), 1686

Sources:

Bibliothèque interuniversitaire (Montpellier); Manuscrits de la reine Christine; Negoziati della regina per salire al trono di Polonia; Lettere a varii suoi ministri; Christine de Suède à Pierre Bayle, Rome, 14 décembre 1686 (digitisation pages 205v-206r to 206v-207r)


Christine (1626-1689 ; reine de Suède), Manuscrits de la reine Christine: Negoziati della regina per salire al trono di Polonia, : , 1601-1700.


Mémoires concernant Christine, volume 2, page 243, Johan Arckenholtz, 1751


The letter:

Monsieur Bayle; J'ai reçu vos excuses; & j'ai bien voulu vous témoigner par la presente que j'en suis satisfaite. Je sai bon gré au Zêle de celui qui vous a donné occasion de m'écrire; car je suis ravie de vous connoître. Vous témoignez tant de respect & d'affection pour moi, que je vous pardonne de bon cœur; & sachez que rien ne m'avoit choquée que ce reste de Protestantisme dont vous m'accusiez. C'est sur ce sujet que j'ai beaucoup de délicatesse; parce qu'on ne peut m'en soupçonner sans offenser ma gloire & m'outrager sensiblement. Même vous feriez bien d'instruire le public de votre erreur & de votre repentir. C'est ce qui vous reste à faire pour mériter que je sois entierement satisfaite de vous.

Pour la Lettre que vous m'avez envoyée, elle est de moi sans doute; & puisque vous dites qu'elle est imprimée, vous me ferez plaisir de m'en envoyer des exemplaires. Comme je ne crains rien en France, je ne crains aussi rien à Rome. Mon bien, mon sang, & ma vie même, sont dévouez au service de l'Eglise; mais je ne flatte personne, & ne dirai jamais que la verité. Je suis obligée à ceux qui ont voulu publier ma Lettre; car je ne déguise pas mes sentimens. Ils sont, graces à Dieu, trop nobles & trop dignes pour être desavouez. Toutefois, il n'est pas vrai que cette Lettre est ecrite à aucun de mes Ministres. Comme j'ai des envieux & des ennemis, j'ai aussi des amis & des serviteurs partout; & j'en ai peut-être en France, malgré la Cour, autant qu'en lieu du monde. Voilà la pure verité, c'est sur quoi vous pouvez vous régler.

Mais vous ne serez pas quite à si bon marché que vous le croyez. Je veux vous imposer une pénitence; qui est, qu'à l'avenir vous preniez le soin de m'envoyer des Livres de tout ce qu'il y aura de curieux en Latin & en François, Espagnol, ou Italien, & en quelque matiere & science que ce soit; pourvu qu'ils soient dignes d'être vus. Je n'excepte pas même les Romans, ni les Satyres; & sur tout, s'il y a des ouvrages de Chymie, je vous prie de m'en faire part au plus tôt. N'oubliez pas aussi de m'envoyer votre Journal. Je fournirai à la dépense que vous ferez. Il suffit que vous m'en envoyiez le compte. Ce sera me rendre le plus agreable & important service que je puisse recevoir. Dieu vous prospere.
CHRISTINE ALEXANDRE.

With modernised spelling:

Monsieur Bayle,
J'ai reçu vos excuses, et j'ai bien voulu vous témoigner par la présente que j'en suis satisfaite. Je sais bon gré au zèle de celui qui vous a donné occasion de m'écrire, car je suis ravie de vous connaître. Vous témoignez tant de respect et d'affection pour moi que je vous pardonne de bon cœur, et sachez que rien ne m'avait choquée que ce reste de protestantisme dont vous m'accusiez. C'est sur ce sujet que j'ai beaucoup de délicatesse, parce qu'on ne peut m'en soupçonner sans offenser ma gloire et m'outrager sensiblement. Même vous feriez bien d'instruire le public de votre erreur et de votre repentir. C'est ce qui vous reste à faire pour mériter que je sois entièrement satisfaite de vous.

Pour la lettre que vous m'avez envoyée, elle est de moi sans doute; et puisque vous dites qu'elle est imprimée, vous me ferez plaisir de m'en envoyer des exemplaires. Comme je ne crains rien en France, je ne crains aussi rien à Rome. Mon bien, mon sang, et ma vie même sont dévoués au service de l'Église, mais je ne flatte personne et ne dirai jamais que la vérité. Je suis obligée à ceux qui ont voulu publier ma lettre, car je ne déguise pas mes sentiments. Ils sont, grâce à Dieu, trop nobles et trop dignes pour être désavoués. Toutefois, il n'est pas vrai que cette lettre est écrite à aucun de mes ministres. Comme j'ai des envieux et des ennemis, j'ai aussi des amis et des serviteurs partout; et j'en ai peut-être en France, malgré la Cour, autant qu'en lieu du monde. Voilà la pure vérité, c'est sur quoi vous pouvez vous régler.

Mais vous ne serez pas quitte à si bon marché que vous le croyez. Je veux vous imposer une pénitence, qui est, qu'à l'avenir vous preniez le soin de m'envoyer des livres de tout ce qu'il y aura de curieux en latin et en français, espagnol, ou italien, et en quelque matière et science que ce soit, pourvu qu'ils soient dignes d'être vus. Je n'excepte pas même les romans, ni les satires; et surtout, s'il y a des ouvrages de chimie, je vous prie de m'en faire part au plus tôt. N'oubliez pas aussi de m'envoyer votre journal. Je fournirai à la dépense que vous ferez. Il suffit que vous m'en envoyiez le compte. Ce sera me rendre le plus agréable et important service que je puisse recevoir. Dieu vous prospère.
Christine Alexandre.

Arckenholtz's transcript of the letter:

Monsieur Bayle. J'ai reçu vos excuses, & j'ai bien voulu vous témoigner par la présente que j'en suis satisfaite. Je sai bon gré au zèle de celui qui vous a donné occasion de m'écrire, car je suis ravie de vous connoître. Vous témoignez tant de respect & d'affection pour moi, que je vous pardonne de bon cœur, & sachez que rien ne m'avoit choquée que ce Reste de Protestantisme, dont vous m'accusiez. C'est sur ce sujèt que j'ai beaucoup de délicatesse, parce qu'on ne peut m'en soupçonner, sans offenser ma gloire, & m'outrager sensiblement. Même vous feriez bien d'instruire le Public de votre erreur, & de votre repentir, c'est ce qui vous reste à faire pour mériter que je sois entièrement satisfaite de vous.
Pour la lettre que vous m'avez envoïée, elle est de moi sans doute, & puisque vous dites qu'elle est imprimée, vous me ferez plaisir de m'en envoïer des Exemplaires. Comme je ne crains rien en France, je ne crains aussi rien à Rome. Mon bien, mon sang & ma vie même sont dévoués au service de l'Eglise; mais je ne flatte personne & ne dirai jamais que la vérité. Je suis obligée à ceux qui ont voulu publier ma lettre; car je ne déguise pas mes sentimens. Ils sont, graces à Dieu, trop nobles & trop dignes pour être désavoués. Toutefois, il n'est pas vrai que cette lettre est écrite à aucun de mes Ministres. Comme j'ai des envieux & des ennemis, j'ai aussi des amis & des serviteurs partout, & j'en ai peut-être en France, malgré la Cour, autant qu'en lieu du monde. Voilà la pure vérité, c'est sur quoi vous pouvez vous régler.

Mais vous ne serez pas quitte à si bon marché que vous le croïez. Je veux vous imposer une pénitence; qui est, qu'à l'avenir vous preniez le soin de m'envoïer des livres de tout ce qu'il y aura de curieux en Latin, & en François, Espagnol ou Italien & en quelque matière & science que ce soit; pourvû qu'ils soïent dignes d'être vûs. Je n'excepte pas même les Romans, ni les Satyres; & surtout, s'il y a des ouvrages de Chimie, je vous prie de m'en faire part au plûtôt. N'oubliez pas aussi de m'envoïer votre Journal. Je fournirai à la dépense que vous ferez. Il suffit que vous m'en envoïez le compte. Ce sera me rendre le plus agréable & important service que je puisse recevoir. Dieu vous prospére.
CHRISTINE ALEXANDRA.

English translation (my own):

Monsieur Bayle,
I have received your apologies, and I have been kind enough to testify hereby that I am satisfied with it. I am grateful for the zeal of the one who gave you the opportunity to write to me, for I am delighted to know you. You show so much respect and affection for me that I forgive you wholeheartedly, and know that nothing shocked me except this remnant of Protestantism of which you accused me. It is on this subject that I have a great deal of delicacy, because no one can suspect me of it without offending my glory and outraging me considerably. Even you would do well to educate the public of your mistake and your repentance; that is what you have to do in order to deserve that I be completely satisfied with you.

As for the letter you sent me, it is undoubtedly mine, and since you say it is printed, you will please me to send me copies. As I fear nothing in France, I also fear nothing in Rome. My property, my blood and my very life are devoted to the service of the Church, but I do not flatter anyone and will never tell the truth. I am obliged to those who wanted to publish my letter, because I do not disguise my feelings. They are, thanks be to God, too noble and too worthy to be disowned. However, it is not true that this letter is written to any of my ministers. As I have envy and enemies, I also have friends and servants everywhere, and I have, perhaps, in France, in spite of the Court, as many as in the world. That is the plain truth, that is what you can settle on.

But you won't get off as cheaply as you think. I want to impose a penance on you; that is, that in the future you take the care to send me books of all that will be curious in Latin, and in French, Spanish or Italian and in some matter and science whatever; provided they are worth seeing. I do not even exclude novels nor satires; and above all, if there are works on chemistry, please let me know as soon as possible. Also, don't forget to send me your journal. I will provide at the expense you make. You only have to send me the account. It will be doing me the most pleasant and important service that I can receive. God bless you.
Kristina Alexandra.


Above: Kristina.


Above: Pierre Bayle.

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