Source:
Œuvres de Descartes, correspondance V: mai 1647-février 1650, page 361, published by Charles Adam and Paul Tannery, 1903
The letter:
Monsieur,
Entre les excellentes qualitez de M. Chanut, celle qui me semble meriter le plus d'amitié, est qu'il a soin de faire que tous ceux qu'il aime soient aussi amis les vns des autres. Et outre qu'il m'a assuré, en passant icy, qu'il vous a desia inspiré quelque bonne volonté pour moy, il m'a si bien décrit vostre vertu & vostre franchise, que ie ne lairrois pas d'estre entierement à vous, encore que ie n'esperasse aucune part en vostre affection. Ainsi, M[onsieur], ie me promets que vous ne trouuerez pas étrange que ie m'adresse librement à vous en son absence, & que ie vous suplie de me déliurer d'vn scrupule, qui vient de l'extréme desir que i'ay d'obeïr ponctuellement à la Reine vostre Maistresse, touchant la grace qu'elle m'a fait d'agréer que i'aye l'honneur de luy aller faire la reuerence à Stocholm. M. Chanut vous sera témoin qu'auant qu'il fust arriué icy, i'auois preparé mon petit équipage, & tasché de vaincre toutes les difficultez qui se presentent à vn homme de ma sorte & de mon âge, lors qu'il doit quitter sa demeure ordinaire pour s'engager à vn si long chemin. Mais, nonobstant qu'il m'ait trouué ainsi disposé à vser de toutes sortes de raisons pour me persuader ce voyage, en cas que ie n'y eusse pas esté resolu; toutesfois, pource qu'il ne m'a point dit qu'il eust aucun ordre de sa Maiesté pour me commander de me haster, & que l'esté est encore long, ie luy ay proposé vne difficulté, dont il a trouué bon que ie vous priasse de m'éclaircir. C'est que, n'ayant pû me preparer à ce voyage sans que plusieurs ayant sçeu que i'auois intention de le faire, & ayant quantité d'ennemis, non point, grace à Dieu, à cause de ma personne, mais en qualité d'autheur d'vne nouuelle Philosophie, ie ne doute point que quelques-vns n'ayent écrit en Suede, pour tascher de m'y décrier. Il est vray que ie ne crains pas que les calomnies ayent aucun pouuoir sur l'esprit de sa Maiesté, pource que ie sçay qu'elle est tres-sage & tres-clairuoyante; mais, à cause que les Souuerains ont grand interest d'éuiter iusques aux moindres occasions que leurs suiets peuuent prendre pour desaprouuer leurs actions, ie serois extremement marry que ma presence seruit de suiet à la médisance de ceux qui pourroient auoir enuie de dire qu'elle est trop assiduë à l'étude, ou bien qu'elle reçoit auprés de soy des personnes d'vne autre Religion, ou choses semblables; & bien que ie desire extremement l'honneur de m'aller offrir à sa Maiesté, ie souhaitte plutost de mourir dans le voyage, que d'arriuer là pour seruir de pretexte à des discours qui luy puissent estre tant soit peu preiudiciables. C'est pourquoy, M[onsieur], ie vous supplie, non point de parler de cecy à sa Maiesté, mais de prendre la peine de me mander, sur ce que vous iugerez de ses inclinations & de la conioncture des temps, ce qu'il est à propos que ie fasse, & ie ne manqueray pas d'y obeïr exactement, soit que vous ordonniez que i'attende le retour de Monsieur Chanut (car, quoy qu'il puisse dire, ie ne croy pas qu'il ait laissé là Madame sa femme, afin qu'elle retourne en France toute seule), soit que vous aymiez mieux que ie me mette en chemin, aussi-tost apres que i'auray eu de vos nouuelles.
Ie vous demande encore vne autre grace, c'est qu'ayant esté importuné par vn amy de luy donner le petit traitté des Passions, que i'ay eu l'honneur d'offrir cy-deuant à sa Maiesté, & sçachant qu'il a dessein de le faire imprimer, auec vne Preface de sa façon, ie n'ay encore osé luy enuoyer, pource que ie ne sçay si sa Maiesté trouuera bon que ce qui luy a esté presenté en particulier, soit rendu public, mesme sans luy estre dedié. Mais, pource que ce traitté est trop petit pour meriter de porter le nom d'vne si grande Princesse, à laquelle ie pourray offrir quelque iour vn ouurage plus important, si cette sorte d'hommage ne luy deplaist point, i'ay pensé que peut-estre elle n'aura point desagreable que i'accorde à cét amy ce qu'il m'a demandé; & c'est ce que ie vous suplie tres-humblement de m'aprendre, car le principal de tous mes soins est de tascher de luy obeïr & de luy plaire. Au reste, afin que vous sçachiez comment ie me gouuerne auec ceux ausquels ie me donne, ie vous diray icy que ie pretens que vous m'auez de l'obligation, de ce que ie souffre que vos offices preuiendront les miens; & que ie suis, &c.
With modernised spelling:
Monsieur,
Entre les excellentes qualités de M. Chanut, celle qui me semble meriter le plus d'amitié est qu'il a soin de faire que tous ceux qu'il aime soient aussi amis les uns des autres. Et outre qu'il m'a assuré, en passant ici, qu'il vous a déjà inspiré quelque bonne volonté pour moi, il m'a si bien décrit votre vertu et votre franchise que je ne lairrais pas d'être entièrement à vous, encore que je n'espérasse aucune part en votre affection. Ainsi, Monsieur, je me promets que vous ne trouverez pas étrange que je m'adresse librement à vous en son absence, et que je vous supplie de me délivrer d'un scrupule qui vient de l'extrême désir que j'ai d'obéir ponctuellement à la Reine votre maîtresse, touchant la grâce qu'elle m'a fait d'agréer que j'aie l'honneur de lui aller faire la révérence à Stockholm. M. Chanut vous sera témoin qu'avant qu'il fût arrivé ici, j'avais preparé mon petit équipage et tâché de vaincre toutes les difficultés qui se présentent à un homme de ma sorte et de mon âge, lorsqu'il doit quitter sa demeure ordinaire pour s'engager à un si long chemin.
Mais, nonobstant qu'il m'ait trouvé ainsi disposé à user de toutes sortes de raisons pour me persuader ce voyage, en cas que je n'y eusse pas été resolu; toutefois, pource qu'il ne m'a point dit qu'il eût aucun ordre de Sa Majesté pour me commander de me hâter, et que l'été est encore long, je lui ai proposé une difficulté, dont il a trouvé bon que je vous priasse de m'éclaircir. C'est que, n'ayant pu me preparer à ce voyage sans que plusieurs ayant su que j'avais intention de le faire, et ayant quantité d'ennemis, non point, grâce à Dieu, à cause de ma personne, mais en qualité d'auteur d'une nouvelle philosophie, je ne doute point que quelques-uns n'aient écrit en Suède pour tâcher de m'y décrier.
Il est vrai que je ne crains pas que les calomnies ayent aucun pouvoir sur l'esprit de Sa Majesté, pource que je sais qu'elle est très sage et très clairvoyante; mais, à cause que les souverains ont grand intérêt d'éviter jusqu'aux moindres occasions que leurs sujets peuvent prendre pour désapprouver leurs actions, je serais extrêmement marri que ma présence servit de sujet à la médisance de ceux qui pourraient avoir envie de dire qu'elle est trop assidue à l'étude, ou bien qu'elle reçoit auprès de soi des personnes d'une autre religion, ou choses semblables; et bien que je désire extrêmement l'honneur de m'aller offrir à Sa Majesté, je souhaite plutôt de mourir dans le voyage que d'arriver là pour servir de prétexte à des discours qui lui puissent être tant soit peu préjudiciables.
C'est pourquoi, Monsieur, je vous supplie non point de parler de ceci à Sa Majesté, mais de prendre la peine de me mander sur ce que vous jugerez de ses inclinations et de la conjoncture des temps ce qu'il est à propos que je fasse, et je ne manquerai pas d'y obéir exactement, soit que vous ordonniez que j'attende le retour de Monsieur Chanut (car, quoi qu'il puisse dire, je ne crois pas qu'il ait laissé là Madame sa femme, afin qu'elle retourne en France toute seule), soit que vous aimiez mieux que je me mette en chemin, aussitôt après que j'aurai eu de vos nouvelles.
Je vous demande encore une autre grace, c'est qu'ayant été importuné par un ami de lui donner le petit traité des passions que j'ai eu l'honneur d'offrir ci-devant à Sa Majesté, et sachant qu'il a dessein de le faire imprimer, avec une préface de sa façon, je n'ai encore osé lui envoyer, pource que je ne sais si Sa Majesté trouvera bon que ce qui lui a été présenté en particulier soit rendu public, même sans lui être dédié. Mais, pource que ce traité est trop petit pour mériter de porter le nom d'une si grande princesse, à laquelle je pourrai offrir quelque jour un ouvrage plus important, si cette sorte d'hommage ne lui déplaît point, j'ai pensé que peut-être elle n'aura point désagréable que j'accorde à cet ami ce qu'il m'a demandé; et c'est ce que je vous supplie très humblement de m'apprendre, car le principal de tous mes soins est de tâcher de lui obéir et de lui plaire. Au reste, afin que vous sachiez comment je me gouverne avec ceux auxquels je me donne, je vous dirai ici que je prétends que vous m'avez de l'obligation de ce que je souffre que vos offices previendront les miens; et que je suis, etc.
Swedish translation (my own):
Min herre,
Bland de utmärkta egenskaperna hos monsieur Chanut är den som jag tycker förtjänar mest vänskap att han ser till att alla de han älskar också är varandras vänner. Och förutom det faktum att han försäkrade mig i förbigående här, att han redan har inspirerat Er med någon god vilja för mig, beskrev han Er dygd och Er uppriktighet så bra att jag inte misslyckades att höra helt till Er, fastän jag inte hoppas för någon del i Er tillgivenhet. Så, min herre, jag lovar mig själv att Ni inte kommer att finna det konstigt att jag vänder mig fritt till Er i hans frånvaro och att jag ber Er att befria mig från en skrupel som kommer från den extrema önskan jag har att lyda drottningen, Er härskarinna, punktligt, rörande den nåd hon skänkt mig att acceptera att jag har äran att gå att visa vördnad för henne i Stockholm. Monsieur Chanut kommer att vittna för Er att jag innan han kom hit hade förberett min lilla besättning och försökt övervinna alla svårigheter som uppstår för en man av mitt slag och i min ålder när han måste lämna sin vila för att ge sig ut på så lång resa.
Men, oaktat han fann mig sålunda benägen att använda alla möjliga skäl för att förmå mig att göra denna resa, ifall jag inte hade varit besluten att göra det; men emedan han icke sade mig att han ej hade någon befallning från Hennes Majestät att befalla mig att skynda, och att sommaren ännu är lång, föreslog jag honom en svårighet, som han tyckte var god att upplysa mig om. Det är att jag inte har kunnat förbereda mig för denna resa utan att flera har vetat att jag hade för avsikt att göra det, och att jag hade ett antal fiender, inte, Gudi lov, på grund av min person, utan genom att vara författare till en ny filosofi, jag tvivlar inte på att några har skrivit i Sverige för att försöka kritisera mig där.
Det är sant att jag inte fruktar att förtal har någon makt över Hennes Majestäts sinne, eftersom jag vet att hon är mycket klok och mycket klarsynt; men eftersom suveräner har ett stort intresse av att undvika ens den minsta möjlighet som deras undersåtar kan ta för att ogilla deras handlingar, skulle jag vara oerhört ledsen om min närvaro fungerade som ett föremål för förtal mot dem som skulle vilja säga att hon är för flitig i sina studier, eller hon tar emot människor av en annan religion, eller liknande saker; och fastän jag ytterst önskar äran att gå att offra mig till Hennes Majestät, vill jag hellre dö under resan än att anlända dit för att tjäna som förevändning för diskurser som på något sätt kan vara till skada för henne.
Det är därför, min herre, jag ber Er att inte tala om detta till Hennes Majestät, utan att göra sig besväret att informera mig om vad Ni kommer att bedöma av hennes böjelser och om tidens konjunkturer vad det är lämpligt att jag kommer att göra, och jag kommer inte att underlåta att lyda det exakt, inte heller att Ni beordrar att jag inväntar monsieur Chanuts återkomst (eftersom, vad han än säger, jag tror inte att han lämnade madam sin hustru där så att hon kan återvända till Frankrike den hennes egen), eller att Ni skulle föredra att jag ger mig av så snart jag har hört av Er.
Jag ber Er ännu en tjänst, det är att, efter att ha blivit uppmanad av en vän att ge honom den lilla avhandlingen om passionerna som jag hade äran att presentera för Hennes Majestät tidigare, och med vetskapen om att han avser att få den tryckt med ett förord i hans stil, har jag ännu inte vågat skicka den till honom dedikerad. Men eftersom denna avhandling är för liten för att förtjäna att bära namnet av en så stor prinsessa, till vilken jag en dag kommer att kunna erbjuda ett viktigare verk, om inte den här sortens hyllning misshagar henne, tänkte jag att hon kanske skulle inget emot att jag ger denne vän vad han har bett mig; och detta är vad jag mycket ödmjukt ber Er att säga mig, för det viktigaste i all min omsorg är att försöka lyda honom och behaga honom. För övrigt, så att Ni vet hur jag styr mig med dem till vilka jag ger mig, skall jag här säga Er att jag påstår att Ni är mig skyldig mig den förpliktelse vad jag lider att Era tjänster hindrar mina; och att jag är, osv.
English translation (my own):
Sir,
Among the excellent qualities of Monsieur Chanut, the one which seems to me to deserve the most friendship is that he takes care to ensure that all those he loves are also friends of one another. And besides the fact that he assured me, in passing here, that he has already inspired you with some good will for me, he described your virtue and your frankness so well that I did not fail to be entirely yours, although I do not hope for any part in your affection. So, Sir, I promise myself that you will not find it strange that I address myself freely to you in his absence and that I beg you to deliver me from a scruple which comes from the extreme desire I have to to obey the Queen, your mistress, punctually, touching the grace she has bestowed on me to accept that I have the honour of going to make reverence to her in Stockholm. Monsieur Chanut will bear witness to you that before he arrived here, I had prepared my little crew and endeavoured to overcome all the difficulties which present themselves to a man of my kind and of my age when he has to leave his remains ordinary to embark on such a long journey.
But, notwithstanding that he found me thus disposed to use all sorts of reasons to persuade me to take this journey, in case I had not been resolved to do so; however, because he did not tell me that he had no order from Her Majesty to command me to hurry, and that the summer is still long, I proposed a difficulty to him which he thought good to enlighten me on. It is that, not having been able to prepare myself for this journey without several having known that I intended to do so, and having a number of enemies, not, thank God, because of my person, but in being the author of a new philosophy, I have no doubt that some have written in Sweden to try to criticise me there.
It is true that I do not fear that calumnies have any power over Her Majesty's mind, because I know that she is very wise and very clear-sighted; but, because sovereigns have a great interest in avoiding even the slightest opportunity which their subjects may take to disapprove of their actions, I should be extremely sorry if my presence served as a subject of slander to those who might wish to say that she is too diligent in her studies, or she receives people of another religion, or similar things; and although I extremely desire the honour of going to offer myself to Her Majesty, I would rather wish to die during the journey than to arrive there to serve as a pretext for discourses which may be in any way prejudicial to her.
That is why, Sir, I beg you not to speak of this to Her Majesty, but to take the trouble to inform me as to what you will judge of her inclinations and of the conjuncture of the times what it is appropriate that I will do, and I will not fail to obey it exactly, either that you order that I await the return of Monsieur Chanut (because, whatever he may say, I do not believe that he left Madame his wife there so that she can return to France on her own), or that you would prefer that I set off as soon as I have heard from you.
I ask you yet another favour, it is that, having been importuned by a friend to give him the little treatise on the passions which I had the honour of presenting to Her Majesty earlier, and knowing that he intends to have it printed with a preface in his style, I have not yet dared to send it to him dedicated. But, as this treatise is too small to deserve to bear the name of such a great princess, to whom I will be able to offer one day a more important work if this kind of homage does not displease her, I thought that perhaps she will not mind that I grant this friend what he has asked of me; and this is what I very humbly beg you to tell me, for the main thing in all my care is to try to obey him and please him. For the rest, so that you know how I govern myself with those to whom I give myself, I will tell you here that I claim that you owe me the obligation of what I suffer that your services will prevent mine; and that I am, etc.
Above: Kristina.
Above: René Descartes.
Above: Johann Freinsheim.
Notes: lairre = laisser, permettre.
In reality, "The Passions of the Soul" was printed not in Paris, but in Amsterdam.
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